A Pékin (en 2003)
La cité interdite ne l'est plus guère de nos jours, et est devenue surtout un grand parc d'attraction touristique clos. Continuellement peuplée d'une foule de Chinois et Chinoises partis à la recherche d'un passé révolu, elle est vide de cette cour qui n'y est plus. Dommage...
Aussi, plutôt que de suivre ce flux qui m'est doublement étranger, j'aime me laisser perdre non plus dans ce lieu ceint et clos, mais le long des murs qui le définissent. Tels des membranes figées et impénétrables, ils dessinent une cellule dans laquelle battait le cœur de l'empire.
Peints du rouge impérial, ils dressent des perspectives qui poussent le regard à l'infini. Presque aucun détail ne vient perturber ce mouvement, juste quelques pics qui surgissent inutilement.
Ici la cité redevient interdite, et je me trouve à rêver des bruissements anciens faits par les dizaines de milliers d'eunuques qui, en silence, se pressaient de toutes parts, et de cet empereur condamné à régner sur des terres immenses sans pouvoir quitter sa cellule de 9999 pièces...
Difficilement, j'arrive à m'extraire à ma rêverie pour rejoindre les abords du parc Beihai.
Là sur le vaste trottoir qui le cerne, un groupe de vieillards devise. L'un assis sur une chaise joue d'un instrument qui m'est inconnu, et dont il tire des sons qui viennent d'un autre monde.
Un autre, avec l'aide d'un grand pinceau et d'un peu d'eau, dessine des idéogrammes. Son ballet est lent et méthodique. Comme religieusement, il écrit de l'éphémère, qui, grâce à l'absence de soleil, durera un peu plus longtemps : " Seul, celui qui ne cherche ni gloire ni richesse, peut avoir de grands idéaux ; seul, celui est en paix dans son cœur, peut penser et voir loin devant "