Le nombre des héroïnomanes actuellement traités par buprénorphine est estimé à 150.000 en France et le produit a fait preuve de son efficacité. Mais ce médicament, présenté sous forme de comprimé sublingual, non classé comme stupéfiant (au contraire de la méthadone) et remboursé par la sécurité sociale est l’objet d’un trafic, international. L’Académie nationale de Médecine propose aujourd’hui quelques mesures pour réduire le mésusage et les détournements d’usage.
Le Subutex® (buprénorphine haut dosage) est commercialisé, sur prescription médicale depuis 1996 dans le traitement de la dépendance majeure aux opiacés. Des génériques ont été mis sur le marché en 2006. Ces spécialités à base de buprénorphine font également partie de la liste des médicaments pour lesquels l’inscription du nom du pharmacien sur les ordonnances est obligatoire ainsi que la mise en place d’un protocole de soins en cas de mésusage. Compte-tenu des risques d’abus, de dépendance et d’usage détourné, mais aussi de trafic, ces spécialités sont surveillées dans le cadre d’un plan de gestion de risques depuis 2006.
La buprénorphine orale à haut dosage (HD) se substitue à l’héroïne pendant 24 heures sur les récepteurs opiacés cérébraux, ce qui atténue les effets du sevrage contrairement à l’héroïne par voie veineuse qui est éliminée rapidement. Elle a pour effet de supprimer l’effet » shoot » de l’héroïne par voie veineuse. C’est ce qui justifie sa prescription comme produit de substitution aux opiacés associé à la prise en charge médicale et psychologique. Cette prise en charge nécessite un engagement spécifique du médecin et des soignants. Tous les médecins peuvent prescrire du Subutex®.
Quelques règles doivent être respectées :
- ce produit ne doit être prescrit qu’après un traitement bien conduit par la méthadone ;
- il faut éviter un traitement permanent par la buprénorphine mais rechercher une réduction progressive des doses pour tendre vers l’abstinence.
Le produit donne lieu à un trafic : Il est recherché avec avidité par les héroïnomanes, facilement accessible par simple prescription : il donne lieu à un trafic dont les organismes payeurs font les frais. On les estime à près de 250 millions d’euros par an. Plus grave, ce produit dissous dans l’eau est souvent utilisé en injection intraveineuse : cette pratique est, depuis 1998, à l’origine de 30 à 40 décès chaque année en France.
Des mesures ont déjà été prises en 2008, par les pouvoirs publics pour combattre le mésusage de ce produit ; on constate aujourd’hui l’insuffisance des résultats obtenus. On dispose sur le marché français de génériques du Subutex® qui, moins solubles, ne peuvent être utilisés en injection. On peut recourir aussi à la Suboxone® qui associe la naloxone à la buprénorphine. Cette association prévient l’effet shoot recherché par l’injection de buprénorphine.
Recommandations de mesures contre le mésusage et le trafic de Subutex® :
L’Académie nationale de médecine attire l’attention des pouvoirs publics pour que des mesures soient prises pour renforcer la lutte contre le mésusage et le trafic de Subutex®. Il faudrait:
· insister auprès des médecins et professionnels de santé pour que l’objectif d’un sevrage soit véritablement privilégié et que, dans ce but, la méthadone soit prescrite en première intention ;
· privilégier les génériques plus difficilement injectables que le Subutex® ;
· promouvoir et généraliser le recours à la Suboxone®.
Auteurs: Jean COSTENTIN, Jean-Pierre GOULLÉ et Gérard DUBOIS, de l’Académie de Médecine
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec le contenu de ce communiqué
L’Académie a adopté le texte de ce communiqué avec 70 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions.
http://www.academie-medecine.fr/articles-du-bulletin/publication/?idpublication=100463
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