Produire de l’énergie solaire au cœur même de la ville : c’est le défi des agglomérations du futur. Des projets sont déjà dans les cartons, à Lyon notamment. Ils seront au centre de la conférence internationale Développement des énergies renouvelables dans le bâtiment, qui se tient à Perpignan du 1er au 3 juillet.© J. BOUCHERAT/SPL LYON CONFLUENCE Le projet Lyon Smart Community, situé dans le quartier de La Confluence, fait la part belle au solaire interconnecté.
D’ici à 2030, les deux tiers de la population mondiale habiteront en ville, soit près de 6 milliards d’êtres humains. Conséquence de cet engouement massif pour la vie citadine : certaines agglomérations risquent de se retrouver sous perfusion d’eau, de nourriture mais aussi d’énergie… « En France l’ensemble des bâtiments du tertiaire et de l’habitat résidentiel représente déjà 45 % de la consommation totale d’énergie primaire du pays », explique Christophe Ménézo, professeur à l’université de Savoie Mont-Blanc rattaché à la section Bâtiments solaires de la Fédération de recherche sur l’énergie solaire (Fédésol)1. À l’échelon mondial, le besoin en énergie des bâtiments est assuré à 87 % par des ressources fossiles carbonées (pétrole, gaz, charbon…), la quasi-totalité d’entre elles étant engloutie dans le chauffage, le refroidissement et l’alimentation en électricité de nos édifices.
Des édifices à énergie positive
Comment dès lors faire face à l’urbanisation galopante ? Notre salut pourrait venir de l’exploitation in situ d’énergies renouvelables comme le rayonnement solaire. La dernière directive européenne fixant les objectifs énergétiques pour le secteur du bâtiment s’inscrit d’ailleurs dans cette démarche. Celle-ci prévoit que toute nouvelle construction érigée après le 1er janvier 2020 soit à énergie positive, autrement dit qu’elle produise plus d’énergie qu’elle n’en consomme.Les bâtiments devront être
soucieux de leur
empreinte carbone
et peu gourmands
en ressources non
renouvelables.
L’objectif peut paraître ambitieux. Mais quand on sait que moins de 1 % de l’habitat est renouvelé chaque année, on comprend assez vite qu’une telle mesure ne sera qu’une goutte d’eau dans l’océan de consommation énergétique des zones urbaines. « Le bâtiment responsable de demain ne pourra pas se contenter d’être sobre en énergie, assure Christophe Ménézo. Il devra aussi être soucieux de son empreinte carbone, peu gourmand en ressources non renouvelables sur l’ensemble de son cycle de vie, tout en étant connecté au territoire qui l’entoure. »
L’interconnexion, gage de succès
En milieu urbain, l’interconnexion est certainement la meilleure alliée de l’énergie solaire. Parce que cette dernière n’est disponible qu’en journée, elle est souvent qualifiée d’intermittente. Il faut donc pouvoir stocker l’énergie solaire ou la convertir en d’autres vecteur à haut contenu énergétique (électricité, hydrogène, gaz) pour limiter au minimum le gaspillage de la ressource. Autre possibilité, à la fois simple et économique : redistribuer l’énergie solaire en temps réel vers les bâtiments qui en ont le plus besoin. « Pour cela, chaque édifice doit être envisagé comme le nœud actif d’un système énergétique englobant le quartier, voire la ville tout entière », poursuit l’enseignant-chercheur.
A La Confluence, le surplus d’électricité produit sera redirigé vers la flotte de véhicules électriques en libre-service.©L. DANIERE/SPL LYON CONFLUENCEChaque édifice
doit être envisagé
comme le nœud
actif d’un système
énergétique
englobant le quartier, voire la ville tout entière.Le projet Lyon Smart Community est la première expérience française de ce type. Mené sur le site de la Confluence, un nouveau quartier de 150 hectares situé en plein cœur de la ville, Lyon Smart Community compte atteindre dès 2016 l’objectif 3x20 du plan climat de l’Union européenne. Soit : faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 20 %, mais aussi de réduire les émissions de CO2 de 20 % et améliorer l’efficacité énergétique de 20 %. Pour ce faire, le projet va mettre à contribution les fameux smart grid, ces réseaux intelligents d’électricité. Le surplus d’électricité produite par les panneaux photovoltaïques des immeubles pourra de cette manière être redirigé vers les batteries d’une trentaine de véhicules électriques en libre-service. Plus de 80 % de leur consommation devrait ainsi être assurée par l’énergie solaire.
Un potentiel mal connu
Pour généraliser l’utilisation de l’énergie solaire à l’ensemble de la ville et de ses usages, il est fondamental de connaître la quantité et la qualité de la ressource disponible. Or c’est encore loin d’être le cas. En ville, de nombreux facteurs comme la pollution atmosphérique ou le phénomène des îlots de chaleur engendrent une baisse de rendement et un vieillissement prématuré des panneaux solaires. Les jeux d’ombre entre bâtiments de hauteur différente privent quant à eux les panneaux solaires d’une partie du rayonnement direct. Des outils de modélisation prenant en compte ces phénomènes sont ainsi à l’étude pour évaluer avec précision le potentiel de production de l’énergie solaire en zone urbanisée. Si l’autonomie énergétique des villes ne semble pas pour demain, tant les défis qu’il reste à relever sont nombreux, Christophe Ménézo voit tout de même l’avenir avec optimisme : « Combiné ou converti en d’autres vecteurs énergétiques tels que l’hydrogène ou le méthane issu du traitement des effluents urbains, le solaire sera en mesure d’alimenter à la fois les bâtiments et les transports, ce qui en fait une pièce maîtresse de la transition vers la ville durable. »
Notes- 1.Créée par le CNRS en 2010, Fédésol regroupe un ensemble de laboratoires français travaillant sur l’énergie solaire dans le but de développer, promouvoir et coordonner les recherches dans ce domaine.
https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-solaire-a-rendez-vous-avec-la-ville