Titre original : Terminator Genisys
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Alan Taylor
Distribution : Arnold Schwarzenegger, Emilia Clarke, Jason Clarke, Jai Courtney, Byung-Hun Lee, Matt Smith, J.K. Simmons, Dayo Okeniyi, Sandrine Holt…
Genre : Science-Fiction/Fantastique/Action/Suite/Saga
Date de sortie : 1er juillet 2015
Le Pitch :
Dans le futur, alors que les machines de Skynet perdent du terrain face à la résistance humaine emmenée par John Connor, un Terminator est envoyé dans le passé, en 1984, afin de tuer la mère de ce dernier. Pour contrer les plans de Skynet, Connor décide d’envoyer dans le temps Kyle Reese, son bras droit. Mais le passé que découvre Reese n’est en rien conforme à celui dont lui a parlé John Connor. Il en est de même concernant Sarah Connor, qui est loin d’être sans défense. Préparée depuis l’enfance par un Terminator reprogrammé pour la protéger, elle prépare depuis de longues années la destruction de Skynet avant que celui-ci ne soit opérationnel, dans l’espoir d’empêcher le jugement dernier. Dans le passé alternatif dans lequel évoluent désormais les opposants aux machines, tout a changé. Sauf la menace de l’apocalypse, toujours imminente et en apparence inexorable…
La Critique :
La genèse de ce nouveau Terminator ne fut pas de tout repos. Précédé d’une promo aussi massive qu’incompréhensible, le film reçut, peu de temps avant sa sortie, le soutien inattendu de James Cameron, le créateur de la saga et réalisateur des deux -et meilleurs, cela va de soi- épisodes, à savoir les deux premiers. « Vous allez adorer » nous promettait Cameron. Malgré tout, le doute subsistait. De multiples trailers avaient déjà dévoilé beaucoup de choses, dont le twist concernant le personnage de John Connor, et les principales scènes d’action, sans parvenir à véritablement rassurer. Porté par un Schwarzenegger en pleine bourre, plus omniprésent que jamais, Terminator Genisys n’est jamais véritablement parvenu à se dépêtrer de son image de projet bancal, nageant à contre-courant des espérances des fans et se tirant une balle dans le pied à chaque nouvelle opération promotionnelle (la dernière en date étant la pub pour la sécurité routière).
Cependant, une promo n’a jamais fait un film et des directeurs marketings à la ramasse ont déjà sabordé les atterrissages d’œuvres qui se sont révélées excellentes. Il fallait juger sur pièces. Tenter d’accepter que la saga Terminator n’était plus entre les mains de Cameron depuis bien longtemps et donner une chance à un long-métrage malgré tout ancré dans un des univers les plus fascinants du cinéma de science-fiction.
Tout débute sous des auspices en somme toute rassurants. Le jugement dernier annoncé dans les premiers films ouvre le bal à grand renfort de scènes de destructions massives très spectaculaires, avant qu’un saut dans le temps nous montre des armées de Terminator en train d’exercer leur domination sur une espèce humaine réduite à peau de chagrin. Pour quiconque ayant grandi avec les films de Cameron, cette introduction répond à pas mal de fantasmes. Il en est d’ailleurs de même pour l’envoi du premier Terminator dans le passé, visuellement très convaincant. Alan Taylor et ses lieutenants ont bien travaillé leur sujet. Quand ils revisitent l’introduction du premier volet, en calquant les scènes clés de l’arrivée du T-800 et puis celle de Kyle Reese, l’effet Madeleine de Proust tourne à plein régime même, si une impression beaucoup moins positive subsiste. Une impression qui se confirmera encore et encore jusqu’au générique de fin.
Sans s’affirmer en tant que pur remake, Terminator Genisys a le cul entre deux chaises et se condamne lui-même à l’état de luxueuse photocopie. Au début donc, quand, méticuleusement, le film reconstitue -ou du moins essaye- le passé construit par James Cameron et ensuite, quand il s’affranchit de la saga pour tenter de tracer sa propre route sans réussir néanmoins à légitimer tous ses choix. C’est certes amusant, mais pour le moins illusoire. Jamais Genisys n’arrive à la cheville de ses aînés et jamais ô grand jamais il ne parvient à nous faire préférer sa réalité alternative, bourrée d’incohérences, de non sens, et de choix pas toujours très judicieux.
L’un des problèmes du scénario est justement de tabler sur une extrapolation à l’arrache du futur envisagé par les longs-métrages de Cameron. Au raz des pâquerettes, il ne va pas chercher midi à quatorze heures et ne tarde pas, en mélangeant tout et n’importe quoi, à se mordre la queue au point de perdre au fur et à mesure des minutes tout espoir de cohérence. On le sait, les fictions basées sur les voyages dans le temps évoluent en terrain miné et quoi qu’il en soit, il ne faut souvent pas chercher à trop comprendre, au risque de découvrir des failles dans des scripts qui ont le tort de privilégier l’esbroufe à la logique. James Cameron l’avait compris, lui qui, tout en faisant preuve d’une grande ambition sans renier une certaine complexité, arrivait à conserver une fluidité exemplaire, fortement responsable de l’efficacité de son diptyque. Terminator Genisys veut vite en faire des caisses, tout en jetant de temps en temps un œil dans le rétro, via de multiples références et autres clins d’œil, dont certains tombent comme un cheveu sur la soupe. Le film, soucieux de ne pas paraître trop irrespectueux semble clamer « regardez mon Terminator, il fait du neuf, mais pense aussi à payer son hommage », mais au fond, la vrai condition du projet apparaît encore plus clairement. Ce Terminator est plus poussif que fascinant, parfois sans queue ni tête, et reste également plus opportuniste que frondeur. Et ce n’est pas le dénouement, intervenant après une somme de péripéties tirées par les cheveux dont l’effet est de noyer un peu plus le poisson, qui arrange la chose. Genisys s’envisage comme le premier volet d’une nouvelle saga, quitte à renier, sans peut-être sans compte, un héritage à qui il fait plus de tort que de bien et qu’il ne comprend pas.
Mais… tout n’est pas si simple. Indépendamment, si tant est que l’on soit capable de prendre les choses comme elle viennent sans penser à ce qui a motivé ce projet (si on le veut aussi et ce n’est pas évident vu le monument dont il s’agit), le film ne perd pas à tous les coups. Si il a incarné un sauveur dès le numéro 2, Arnold Schwarzenegger ne se contente pas ici de protéger Sarah Connor. Il veille aussi au grain et assure à lui tout seul un semblant d’intégrité à toute l’entreprise. En grande forme, aidé par des effets-spéciaux un peu voyants mais globalement réussis, le Chêne Autrichien attrape au vol l’occasion de briller une nouvelle fois dans le rôle qui a fait sa gloire. Si il était normal d’avoir des doutes quant à sa capacité d’incarner, à son âge, une version âgée du T-800, une poignée de scènes suffit à éprouver un sentiment rassurant. Arnold est de retour et oui, il est parfait. Massif, charismatique comme au premier jour, maniant avec brio cet humour si particulier, très pince-sans-rire, il porte à bout de bras un film, qui se permet pourtant de se passer de lui durant de longs moments. Des scènes qui apparaissent en toute logique comme les plus faibles. De par sa seule présence, d’une certaine façon, Arnold légitime presque ce film et permet surtout à ce dernier de demeurer quoi qu’il soit un blockbuster très divertissant. Et puis, c’est peu, mais la baston des deux T-800 tient plutôt ses promesses.
Parce que mine de rien, et malgré tout le bien que sa performance dans Game of Thrones nous permet de penser d’elle, Emilia Clarke galère pas mal dans la peau de la badass Sarah Connor. Peut-être trop jeune, certainement trop « gentille », trop douce, l’actrice ne capte jamais véritablement ce qui fait du personnage ce qu’elle est dans l’inconscient collectif. Sa Sarah Connor ne tient pas la route 2 minutes face à celle de la formidable Linda Hamilton, et même celle de Lena Headey (sa collègue de Game of Thrones), de la série The Sarah Connor Chronicles, paraît plus convaincante en comparaison. Emilia Clarke essaye, y met du cœur et bouge bien. Au bout d’un moment, on finit même par s’y habituer, mais son recrutement reste une erreur. De son côté Jai Courtney, en Kyle Reese, créé un peu la surprise en faisant preuve d’une sobriété qu’il n’avait jamais vraiment montrée jusqu’ici. Bien sûr, rien à voir avec Michael Biehn, mais tant pis car il reste méritant. À noter l’implication du génial J.K. Simmons, dans un rôle plus marrant mais pour le moins anecdotique et celle de Byung-Hun Lee, à savoir le nouveau T-1000 qui ne fait que passer…
Derrière la caméra, Alan Taylor, lui aussi transfuge de Game of Thrones, fait preuve d’une bonne volonté manifeste. Quand il copie studieusement Cameron et même après, il fait le job avec application à partir d’un scénario casse-gueule, mais n’a pas les épaules assez larges. Quand on s’attaque à quelque chose d’aussi énorme que Terminator, pas de droit à l’erreur et dans le cas présent, Taylor peine à instaurer -entre autres problèmes- l’urgence pourtant au centre de la saga. Son travail est propre, souvent spectaculaire, mais rarement incarné et encore moins complexe et profond. Cela dit, parfois, émerge un détais qui permet de maintenir l’attention, comme cette belle émotion qui surgit à la fin au détour d’une réplique d’Arnold. Toujours lui, ce roc autour duquel tout change et évolue. Son personnage clame qu’il est vieux mais pas obsolète. C’est d’ailleurs la grande réplique d’un film vraiment trop bancal pour convaincre. D’une œuvre écrasée par ses ambitions et par l’héritage qu’elle entend perpétrer, en en modifiant les traits. C’est très étrange finalement et relativement représentatif d’un cynisme malheureusement au centre de trop de productions hollywoodiennes tablant sur un passé dont elles ne sont pas dignes. On pourrait débattre des heures au sujet des directions qu’aurait dû prendre la saga. Pourquoi par exemple ne pas avoir continué dans celle imposée par Terminator Renaissance ? Pour jouer la sécurité et tant pis si on se prend les pieds dans le tapis en s’aliénant à la fois les premiers fans et les nouveaux. Cela dit, au moins, on ne s’ennuie pas…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Paramount Pictures France