Il n'est pas coutume pour le JMI de faire référence à des décisions nationales, le contentieux communautaire suffisant largement à notre "bonheur". Pourtant, l'affaire dont il est ici question a retenu mon attention puisqu'elle permet d'illustrer qu'il demeure quand même de ces matières que le droit européen n'a pas encore réussi à affecter (infecter?). De plus, elle illustre également le remarquable travail d'analyse effectué par les juges anglais. C'est sans doute uniquement si de telles vérifications de la compatibilité d'une loi nationale avec le droit communautaire devenaient systématiques, que les recours en manquement décroitraient...
Pour résumer la décision commentée, il suffit d'indiquer qu'il s'agit d'une décision de la chambre des Lords du 27 novembre 2007 qui porte sur la contestation de la loi anglaise interdisant la chasse à courre (appelée "Hunting Act"), notamment en ce que cette loi entraverait la libre circulation des marchandises et des services (articles 28 et 49 CE). D'autres arguments touchaient à la violation prétendue de certaines libertés fondamentales garanties par la CEDH (articles 8, 11 et 14 et article 1 du premier protocole).
Après une lecture attentive de la jurisprudence communautaire, l'entrave à la libre circulation des marchandises a été écartée. Selon les Lords, il ne semble pas que la loi anglaise puisse être qualifiée de mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative au sens de la jurisprudence Dassonville. Quand bien même, elle serait de toute manière justifiée.
Par contre, en ce qui concerne l'article 49 CE, Lord Bingham va retenir la possibilité que cette loi constitue bien une entrave à la libre prestation de service (même s'il en doute, le lien entre la loi et une éventuelle entrave semble ténu). Il indique toutefois, que, même à supposer qu'il y ait bien une entrave, cette loi est justifiée par des motifs d'ordre public touchant à la protection du bien être des animaux (après un long rappel historique sur l'évolution des mentalités). Encore faut-il vérifier que cet objectif légitime ne soit pas protégé de manière disproportionnée.Tant Lord Bingham que Lord Hope of Craighead vont considérer que ce n'est pas le cas. En effet, une interdiction totale semble toutefois être la seule mesure apte à atteindre l'objectif requis. On imagine mal comment on pourrait garantir le bien être animal avec une simple interdiction partielle (le juge fait ici référence à l'arrêt Oméga de la Cour de Justice qui a admis le bannissement total de certains jeux mettant des meurtres en scène). On retrouve ici le schéma traditionnel de raisonnement de la Cour de Justice (objectif légitime + proportionnalité), appliqué avec brio par le juge anglais.
Au final, les demandeurs furent donc déboutés...
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