Bien déterminé à venir en aide à la jeune fille, le prince s’aventure seul dans les neiges sans fin hantées par les esprits des morts. Il ignore encore que l’aventure dans laquelle il se lance lui fera découvrir sur son passé familial, ses origines ainsi que son destin bien des faits qu’il aurait préféré ne jamais savoir… Mais aussi qu’il réveillera sans le vouloir des forces obscures qui menaceront tout le royaume de Sabine : c’est bien là le prix du péché à expier après tout – mais à qui en revient la faute originelle ?
Souvent présenté comme le pendant moderne des légendes médiévales et des récits mythologiques (1), le genre de la fantasy présente néanmoins une différence de taille avec les précédents en ce qui concerne la place donnée à la magie et à l’action en général : peut-être influencée par des productions bien plus contemporaines et plus axées sur les visuels que les aspects littéraires, comme le cinéma et la BD, la fantasy tend souvent à une certaine surenchère en effets spéciaux qui, à l’instar des blockbusters, ne parvient qu’avec difficulté à dissimuler une certaine vacuité de fond. La substance du rêve, du merveilleux – au sens classique du terme – et l’invitation au voyage, extérieur comme intérieur, que suscitent des textes plus anciens en semblent absents.
Star Stealing Prince s’abreuve aux mêmes sources, les contes et légendes traditionnels, qu’il transforme jusque ce qu’il faut pour que leur substance apparaisse moins que ce qu’elle se fait ressentir – signe évident de cette subtilité d’esprit qui différencie les véritables œuvres littéraires des autres. Voilà pourquoi ce récit consiste bien moins au final en une invitation à l’épopée, avec tout ce que ce terme peut supposer de grand spectacle racoleur, que d’une autre balade en féérie, ou du moins une terre tout à fait semblable, ce qui n’a pas de prix, en tous cas pour ceux d’entre nous biberonnés aux épopées arthuriennes et autres Branches du Mabinogi, parmi d’innombrables récits des folklores d’Europe.
Enfin, il y a ceux-là, les plus tristes certainement, qui diront qu’un titre conçu sur RPG Maker ne peut, de fait, rien proposer d’intéressant, comme si le flacon comptait plus que l’ivresse ; il n’y a hélas rien à leur répondre, sauf peut-être en leur suggérant des réalisations dignes d’intérêt – comme Star Stealing Prince, justement… Pour les autres, tous les autres, il reste une œuvre bien assez unique en son genre et tout à fait admirable sous de nombreux aspects, qu’aucun esprit curieux ne saurait manquer.
Et comme en plus de ça, c’est gratuit, vous n’avez vraiment aucune raison de passer à côté…
(1) Marc Duveau, L’Épopée fantastique, introduction à La Citadelle écarlate (Pocket, coll. Le Livre d’or de la science-fiction n° 5055, 1979, ISBN : 978-2-266-00758-0).↩
Notes :
Ceux d’entre vous qui seront tombés sous le charme de Star Stealing Prince pourront poursuivre la balade à travers sa suite officielle, Ephemeral Prince, un web novel qui fait suite à chacune des deux fins du jeu original.
Star Stealing Prince remporta en 2013 pas moins de huit Misaos, la distinction de référence dans la communauté RPG Maker, dont celui de Jeu de l’Année.
Star Stealing Prince
Ronove, 2012
Windows
– le site officiel de Star Stealing Prince
– la page du jeu sur TV Tropes