Medium, plus qu'un métier, un art de vivre

La jeune femme est mariée depuis deux ans à Arthur, commercial, mais les deux époux vivent séparément : “Mon mari ne supportait plus d’être réveillé chaque nuit, soupire-t-elle. Il a déménagé mais nous nous adorons. C'est un saint.”
Nous lui demandons s'il est si difficile, lorsqu'on "travaille" chez soi, d'astreindre ses clients à appeler à heures fixes.
— Mais le problème ce n'est pas les clients, c'est les morts... Ils se fichent que j’aie une vie ! Ils apparaissent jour et nuit, quand ça leur chante. A mon premier rendez-vous galant, une tête coupée flottait au-dessus de mon foie gras parce qu’un guillotiné de 1893 tenait à dire à son arrière-arrière petite fille qu’il lui pardonnait d’épouser un membre de la LCR ! Hier sous la douche, je suis tombée nez à nez avec un pendu. Mes nuits sont rythmées par des visions, des puzzles sanglants que les victimes m’envoient dans l’espoir que je vais retrouver leur meurtrier comme l’héroïne de cette série télé, là... Et sous prétexte qu’ils sont décédés, ils pensent que leurs messages sont capitaux alors que la plupart du temps... J'ai une obsédée du jardinage morte dans un accident de tondeuse à gazon, qui me harcèle depuis trois jours pour que j’aille repiquer ses bégonias et se fiche qu’il soit trois heures du matin ! Je n’en peux plus...
Ce matin encore, Alice a été terrassée par la vision d’une jolie femme plongée dans des ébats voluptueux avec son Arthur :
"Après... soupire la jeune medium, j'ai vu son visage, j'ai bien vu qu'elle était très émue même si l’accident de voiture qui venait de lui coûter la vie lui donnait une physionomie... très étrange, et elle m'a dit : “ Je m’appelle Chantal, je suis une collègue de travail d’Arthur. Je suis désolée... mais rassurez-vous, ce n’était qu’une aventure.”
Qui a dit que medium était une profession de tout repos ?

Photo : Fotolia.com - Auteur : Le café litteraire / Gaelle Nohant