Magazine Bien-être
Comment dire en quelques mots le chemin parcouru entre l’annonce et la guérison ?
« Annonce «, un mot écrit sur une convocation dans un centre de cancérologie, annonce de ce que l’on sait déjà, que l’on ne sent pas, que l’on ne voit pas mais que l’on sait.
Annonce qu’ON va vous opérer, vous faire absorber plus de chimie que vous n’en avez absorbé tout au long de votre vie, que vous serez sans doute fatiguée, nauséeuse, que vous perdrez peut-être vos cheveux, vos ongles ; peut-être seulement ou sans doute ?
Et si je n’acceptais pas tout ça ? Et si je me contentais de mes aides habituelles, des plantes, des granules, de mon souffle, de l’amour autour de moi, de la vie et de la joie en moi... et si?
J’ai hésité longtemps puis j’ai accepté.
J’ai accepté mais je ne me suis pas soumise. J'ai fait la part du feu, accepté en partie pour sauvegarder l’essentiel... L’essentiel, ce que j’aime, ceux que j’aime et qui m’ont aidée, m’ont offert de leur temps, des livres et des fleurs et des chants. De petits points de lumière où la vie se tient et d’où elle peut s’épanouir. Partir de là et remonter avec eux, grâce à eux, partir de ce que je suis, de ce qui m’est proche, de ce que je sais faire et aussi de ce qui m’est encore inconnu, caché, de ce que je ne sais pas. Et je me suis surprise à chanter, à dessiner. Moi qui ne savais ni dessiner ni calligraphier, j’ai couvert des pages de lettres et d’images, des lettres de tous les alphabets que je connaissais, des mots-images et des anges : celui qui annonce en tendant une fleur, celui qui guérit et ouvre les yeux avec le fiel du poisson, celui qui se bat contre le dragon-maladie et celui qui irradie, le porteur de lumière. J’ai transformé mes craintes en messagers d’espoir. J’ai utilisé ma fatigue, je l’ai faite lenteur pour goûter chaque instant, je me suis allongée au soleil d’hiver, j’ai caressé l’écorce des arbres et senti sous leur peau circuler la vie, j’ai regardé l’herbe pousser tout doucement, les oiseaux s’approchaient de moi, plus de crainte.
Je me suis donné du repos comme un cadeau très précieux qu’on déballe lentement, je me suis donné du temps pour regarder dehors et dedans, de la douceur.
J’ai médité des heures, dans la lumière et le pépiement des oiseaux, dans l’ombre aussi et le silence, j’ai envoyé dans tous les recoins de mon corps de la lumière et de l’amour. Et mon corps a aimé. Mon corps a consenti à s’unir à mon souffle, à s’apaiser, à regarder venir et s’en aller les vagues de douleur et de fatigue et à passer à autre chose dès que c’était possible, marcher, jardiner, danser puis travailler à nouveau, voyager à nouveau...
Aujourd’hui je me sens guérie, forte, plus forte qu’avant.
Habituellement trois ans après, on ne parle pas de guérison, on dit rémission : «Atténuation ou disparition momentanée des symptômes d’une maladie aiguë ou chronique».
Mais les mots ne sont pas fermés et lorsqu’ils le sont ils demandent qu’on les ouvre. J’ai ouvert rémission, remettre, « remittere » et j’ai trouvé ainsi rendre, détendre, relâcher et encore et surtout faire grâce, restituer. Ma vie a été remise entre mes mains et j’ai envie de la garder, d’en prendre soin, de la faire grandir, de la partager.
(source : Revue Reflets)