En étudiant le transit d’une Neptune-Chaude devant son étoile, une équipe de chercheurs a constaté la présence d’un grand nuage de gaz. Il s’agit probablement de son atmosphère qui s’effiloche sous l’action du rayonnement de son étoile toute proche.
Depuis la découverte des premières exoplanètes, il y a 20 ans, notre vision de la diversité des mondes n’a eu de cesse de s’élargir, non sans étonnement. Dés les premières candidates d’ailleurs, avec la détection de planètes géantes et gazeuses équivalentes à notre Jupiter, mais gravitant très près de leur étoile — à des distances nettement inférieures à celles qui séparent Mercure du Soleil —, désignées Jupiter-Chaudes. Ces dernières années, plusieurs études se sont intéressées à leur atmosphère, proposant ici les premières cartographies des températures, là la présence d’une stratosphère qui absorbe les ultraviolets…
Puis les « chasseurs d’exoplanètes » mirent la main sur des exo-Neptunes, des super-Terres et plus rarement des exo-Terres, plus difficiles à débusquer, mais statistiquement très nombreuses. Dans une étude publiée le 25 juin dans la revue Nature, une équipe de chercheurs dirigée par David Ehrenreich de l’Observatoire de l’université de Genève présente un nouveau cas de figure qui pourrait être interprété comme une transition d’un état à un autre, de la Neptune-Chaude à la Super-Terre Chaude…
Découverte en 2004, GJ 436b — ou Gliese 436b — est une Neptune-Chaude (voire tempérée) qui gravite à 4,8 millions de km d’une naine rouge désignée GJ 436. Une année sur cette planète 23 fois plus massive que la Terre (et 1,5 fois la masse de Neptune) et 4 fois plus grande que cette dernière dure quelque 2,6 jours (en comparaison, la révolution de Mercure est de 88 jours). Située à seulement 30 années-lumière, il s’agit de l’une des exoplanètes connues les plus proches du Système solaire.
C’est en observant les transits de GJ 436b devant son étoile dans l’ultraviolet avec Hubble que les astronomes de l’Observatoire de l’université de Genève ont remarqué la présence d’un énorme nuage de gaz autour de cette Neptune-Chaude. Allongé en forme de queue de comète, le nuage d’hydrogène voile la lumière de la naine rouge et infléchit sa courbe de luminosité vue depuis la banlieue de la Terre
À la faveur de transits observés dans l’ultraviolet avec le télescope spatial Hubble, l’équipe a constaté la présence, autour de la planète, d’un nuage d’hydrogène long d’environ 15 millions de km pour une largeur estimée à 3 millions de km. Surnommé « The Behemoth » — le monstre, en anglais —, par les chercheurs, il voile la lumière de l’étoile-hôte durant plusieurs heures. « Vous ne verriez rien si vous le regardiez dans le visible. Mais lorsque vous mettez en service l’œil ultraviolet d’Hubble, c’est en quelque sorte une véritable transformation car la planète devient alors une chose monstrueuse » commente David Ehrenreich, l’auteur principal de ces recherches.
« Ce nuage est très spectaculaire bien que son taux d’évaporation ne menace pas la planète actuellement. Mais, précise l’astrophysicien français qui a dirigé cette enquête, nous savons que dans le passé, l’étoile était plus active. Cela veut dire que la planète s’est évaporée plus vite au cours de son premier milliard d’années d’existence [elle serait âgée d’au moins 6 milliards d’années, NDLR]. Dans l’ensemble, nous estimons qu’elle aurait perdu jusqu’à 10 % de son atmosphère », à raison de 100 à 1.000 tonnes de gaz par seconde.
Pour l’équipe, ce phénomène — dans ce cas, relativement lent — pourrait représenter une étape de transition d’un corps gazeux équivalent à Neptune à celui d’un corps rocheux, déshabillé de son atmosphère, de type Super-Terre (ici en l’occurrence, une Super-Terre chaude). Celles-ci ne seraient autres que les gros noyaux rocheux résiduels de planètes gazeuses.
Les auteurs suggèrent par ailleurs que ce processus s’est peut-être aussi produit avec la Terre, dans sa plus tendre enfance. Durant 100 à 500 millions d’années, notre Planète a très bien pu arborer, elle aussi, une longue queue cométaire, évacuant de la sorte son épaisse enveloppe d’hydrogène du début… Quoi qu’il en soit, c’est probablement ce qui attend la Terre concomitamment au déclin annoncé du Soleil dans quelques milliards d’années, lorsqu’il deviendra une géante rouge, grossissant progressivement jusqu’à nous engloutir.