ISTRES
Vendredi 19 juin, samedi 20 et dimanche 21 à Istres
Que retenir ?
Un mistral omni présent les deux premiers jours. Un mistral à ne pas mettre un toro dehors et pourtant des arènes pleines, des anti excités par le vent et emportés par lui.
Des toreros venus pour fédérer le public et Morante de la Puebla incompris dans son attitude a été gratifié d’une bronca magistrale.
Mais aussi deux perles finement émaillées de triomphes, Thomas Joubert et Alberto Lopez Simon.
Autour d’eux les prestations de Juan Bautista, de Julian Lopez et de Talavante, le retour de Denis Loré que ses adversaires ont privé de réussite, le convalescent Fandino et la tauromachie sénatoriale d’Enrique Ponce.
Les toros ne furent que partiellement au rendez-vous.
Que de cornes suspectes, que de faiblesses congénitales.
Le lot des Victorino, décevant, faible et de vilaine présentation, la ganaderia d’El Pilar avec El Sospechoso en numéro 3 pour le triomphe de Thomas Joubert, les Zalduendo pour le duende d’Enrique Ponce et d’Alberto Lopez Simon et les Garcigrande pour le mano à mano de Morante et El Juli.
Vendredi, lot très décevant de Victorino Martin, petits, sournois, souvent les cornes en guidon de bicyclette, vent violent, situation impossible où les toreros se disent que survivre est déjà une victoire.
Un seul picador en piste
Juan Bautista malgré sa bonne volonté ne put rien. Ivan Fandino, revenu de son échec de Madrid , croisé à souhait, est resté trahi par son épée.
Samedi, corrida française, banderilles bleu blanc rouge et ouverture du paseo avec la voix du baryton Frédéric Cornille.
La Marseillaise illumine les arènes, aux armes citoyens, notre culture est ancrée dans nos sillons, puis Carmen.
Séville à Istres, Istres dans le monde taurin.
Que n’ai-je de mémoire pour me rappeler le professionnalisme de Denis Loré qui se croise, qui se bat, qui après huit ans d’absence n’a pas pris une ride mais qui a du mal à retenir un toro qui s’enfuit. Il pinche puis 3 descabellos. Salut au tiers.
Son second toros est plus difficile. Denis Loré l’emmène au centre, belle mise en suerte. Maxime est aux banderilles.
Mais la corne gauche est dangereuse. Denis Loré abrège d’une belle estocade. Silence.
Juan Bautista, costume argent et pierre de fusil récite ses gammes, l’orchestre s’époumone. Plusieurs changements de mains sur la corne gauche. Le public applaudit.
3 circulaires inversées et une estocade à récibir pour que tombent 2 oreilles.
Le second est plus difficile. Une seule pique .Il reçoit le toro par une larga afarolada de rodillas. Souvent Juan Bautista fonctionne par éclats.
Aujourd’hui son éclat est terni par un vent mauvais.
Il jette son épée et l’orchestre la ramasse en musique ;
Il se défait de ses 2 zapatillas mais ne lace le toro.
2 épées, un descabello et salut au tiers.
Et puis Sospechoso, un negro mulato de 560 kg. En face, à côté devrais-je dire, un jeune homme d’alternative vêtu, au sourire fragile qui appelle le toro, l’enveloppe dans sa muleta, lui donne un tempo étrangement lent sur lequel l’arène s’arrête.
Temps suspendu, temple et autorité.
En ce samedi, comme un culte, une homélie tauromagique.
Belle épée en deux temps. Deux oreilles tombent du palco.
Et pour Thomas elles sont une pluie d’encouragements.
Ma voisine blessée lors d’une sévillane lui jette sa canne. Thomas qui n’en a plus besoin la lui retourne en miraculé.
Dimanche à 11 h30, les arènes sont chaudes, le vent plus faible.
Toros de Zalduendo pour Enrique Ponce, Alejandro Talavante et Alberto Lopez Simon.
Istres n’est plus à Istres, Il y dans ces arènes Valencia, Badajoz et Madrid.
Ponce en costume gris perle emporte son toro par doblones au centre. Le vent et l’air marin lui ont redonné cette jeunesse que 25 ans d’alternative lui avaient fait perdre.
Ponce des grands jours. L’orchestre ne se trompe pas. Don Rodrigo au pupitre pour le concerto d’Aranjuez.
Enrique Ponce à la recherche du toro parfait, celui qui s’accorde à sa tauromachie et au concerto.
Ponce impérial qui sait habiller les temps morts, qui salue l’orchestre et se prépare à l’estocade.
2 descabellos lui font perdre l’oreille.
Il la retrouvera à son second toro.
Talavante reçoit son toro pieds joints. Conduit sa faena de belle manière. Autorité par statuaires. Puis main gauche détachée mais le toro s’éteint. 2 descabellos et salut au tiers.
Son second toro est sans intérêt pour lui , il abrège et place sa troisième estocade au point de croix.
Venu de Madrid après blessure et voyage manqué à la Brède, Alberto Lopez Simon en blanc argent brinde au centre et conduit son toro au centre. Il y a du classique en lui et de l’insouciance.
Le sable d’Istres est pour lui une répétition de celui de Madrid.
Le toro passe au millimètre. Comme pour Thomas Joubert la lenteur s’impose. Elle est fille de douceur et d’élégance. Les aficionados se regardent. Le toro et le torero se reconnaissent.
Qui donne la passe ? La musique accompagne ces passes.
L’épée est légèrement de travers mais deux oreilles tombent du palco.
Puis vint Zarando, toro noble negro de 500 Kg que Lopez Simon reçoit au centre par 5 cambiadas, pieds joints et le noble toro reconnaissant va le suivre tout au long d’une faena qu’il voulutt sans fin.
L’arène debout le regarde avec les yeux de Chimène.
Faena parfaite jusqu’à oublier le temps que seul le sablier des arènes nous rappelle.
L’indulto est au bout du voyage. Justifié ou non, la page écrite par Alberto Lopez Simon sur le sable d’Istres se devait d’avoir, au campo, une suite.
Dimanche après-midi dernière corrida. Toros de Garcigrande et Hernandez.
Que dire ?
Un Juli toujours aussi conquérant qui au sixième donna le tournis à son toro. A droite, à gauche, au-dessus, en dessous, la faena est une interprétation magistrale de Carl von Clausewitz.
Après de telles séries, l’indulto ne peut être que refusé par le toro.
Le sorteo réserva à Morante de la Puebla le lot le plus exécrable. Après une voltereta au premier, le maestro ne distilla que quelques passes de capote, pieds nus, cheveux en bataille comme pour se rendre à l’échafaud et abrégea sans donner une passe de muleta à son troisième toro.
Torero sincère pour rester artiste ?
Il s’en fut sous une bronca mémorable.
AR
Alias El Bigotes
(photos de l'auteur)