Stonemouth est une nouvelle série diffusée depuis la mi-juin sur les ondes de BBC Two en Angleterre. L’action commence avec le retour de Stewart Gilmour (Christian Cooke) dans cette petite ville fictive d’Écosse deux ans après l’avoir quitté afin d’assister à l’enterrement de son meilleur ami Cal Murston (Samuel Robertson) qui s’est suicidé. Cette mort est loin de convaincre le protagoniste qui entend bien découvrir ce qui s’est réellement passé, malgré les dangers qui le guettent. C’est qu’à l’époque, il a pour ainsi dire été banni de la ville dirigée par deux principaux clans, les Murston et les MacAvett à la suite d’une mésaventure qui nous est obscure au début du récit et aucune des deux familles n’a la mémoire courte. Adaptation du roman éponyme d’Iain Banks, Stonemouth est un hommage brouillon à l’auteur en partie à cause de la brièveté de la série qu’on s’explique encore mal : deux épisodes seulement. Cette « série éclair » ne prend pas le temps d’installer les protagonistes et on est surtout désolé que le thriller se révèle être en fin de compte un drame romantique.
De contraintes extérieures (?)…
Dans les premières minutes de Stonemouth, on voit Stewart qui doit s’enfuir à la hâte de la ville, aidé d’Ellie (Charlotte Spencer), la sœur de Cal. Ce n’est que plus tard dans la série que l’on apprend les raisons de son départ précipité. C’est que les deux jeunes gens étaient fiancés, mais lors d’une réception, Stewart a surpris Ellie en train de flirter avec un autre et pour se venger, il a eu une aventure lui aussi, mais la nouvelle s’est vite rendue jusqu’aux oreilles du paternel Don Murtson (Peter Mullan) qui ordonne sur le champ à deux de ses fils de faire payer celui qui a failli devenir son gendre. Deux ans plus tard, Stewart a refait sa vie à Londres, mais un soir il reçoit un appel désespéré de Cal lui demandant s’il peut venir s’installer un temps chez lui. Cette complainte est ignorée par le principal intéressé et sa culpabilité ne fait qu’empirer lorsqu’il apprend le lendemain qu’il s’est suicidé. Stewart décide donc de reposer les pieds à Stonemouth, tout en s’assurant auprès de Powell Imrie (Brian Gleeson), le fils adoptif de Don, qu’il a la permission des Murston d’assister au moins à l’enterrement. Entre-temps, il en profite pour enquêter et apprend au passage que dans le rapport d’autopsie initial, il était écrit que l’on n’avait pas retrouvé d’eau dans les poumons de la victime, ce qui ne fait aucun sens puisqu’il s’est jeté du haut d’un pont : il est donc mort avant et les indices s’accumulent…
Le premier épisode de Stonemouth reste tout de même fascinant puisque petit à petit, on nous dévoile les zones d’ombres concernant les personnages principaux, on prend le temps de filmer la ville de façon à ce qu’elle soit partie prenante du récit (en réalité, il s’agit d’Aberdeenshire en Écosse) et bien que l’on y apprenne la raison qui a causé le départ de Stewart, reste que tout l’aspect thriller par rapport à la mort de Cal reste prometteur. Malheureusement, le second et dernier épisode ne répond pas aux attentes, parce que justement pressé à aboutir au dénouement final. D’ailleurs, la courte durée de la minisérie (2X60 minutes) a même fait l’objet d’un article complet dans The Guardian où l’on s’expliquait mal cette précipitation. Certes, en raison de questions financières et politiques entourant la BBC, il serait plus économique pour la chaîne de faire de longues séries afin de maximiser les investissements, ce que les Américains ont très bien compris avec leurs séries de 22 épisodes, mais le diffuseur public anglais a des obligations statuaires, notamment de créer le plus de fictions locales possible afin de refléter correctement la diversité du pays. Reste qu’il dans les fictions les plus courtes, on a au moins droit à trois épisodes ou c’est carrément un téléfilm.
… qui finissent par affecter le produit
Avec Stonemouth on en vient même à remettre en cause la crédibilité de l’œuvre d’Iain Banks, alors que le but était de lui rendre hommage. C’est que les personnages n’ont aucune profondeur, à commencer par toute la famille Murston. Pendant que Don fait la pluie et le beau temps en vendant de la drogue, sa femme Connie (Sharon Small) à une aventure avec Mike (Gary Lewis), le chef des MacAvett. Ellie travaille dans un centre de désintoxication et sa jeune sœur Grier (Naomi Battrick), sans qu’on ne sache trop pourquoi, fait courir le bruit que Cal l’aurait violé, une intrigue qui restera lettre morte. Donc, à aucun moment, on ne croit qu’il s’agit d’une famille tellement ses membres sont disparates et jamais montrés ensemble dans une même pièce sauf à l’église.
Lorsque Stewart revient après deux ans d’absence, ses parents se comportent comme s’il n’avait jamais quitté les lieux, tout en sachant qu’il repartira aussi dans quelques jours. Cette absence de sentiments, de chaleur humaine se fait encore plus sentir concernant le deuil de Cal. C’est que personne n’en semble vraiment touché. Non que son entourage ne l’aimât pas, mais on ne prend tout simplement le temps de nous transmettre ce que cette perte signifie, là où des séries plus longues comme The Missing, Glue ou Broadchurch ont excellé; ce qui explique en partie notre absence d’intérêt lorsqu’on apprend qui est le véritable meurtrier.
Enfin, le principal reproche que l’on puisse adresser à Stonemouth est qu’on nous l’ait vendue comme étant un thriller, alors qu’en fait il s’agit d’une histoire d’amour. Cal compte peu dans la balance en fin de compte et si la vie de Stewart est menacée lorsqu’il retourne chez lui, ça n’a rien à voir avec le meurtre, mais bien au fait qu’il ait trompé sa fiancée. Dès lors, ça ne fait aucun sens qu’il subisse toujours la vindicte des Murston alors qu’Ellie elle-même lui a accordé son pardon. Mais à ce point, on n’en est plus vraiment à une contradiction près.
Stonemouth a tout de même attisé la curiosité de plusieurs téléspectateurs puisqu’ils étaient 2,71 millions présents pour le premier épisode. Il s’agit en fait du deuxième programme le plus populaire de la chaîne pour la semaine du 8 au 14 juin. Durant celle du 15 au 21 juin, la fiction a conservé le même rang, mais avec 2,12 millions en auditoire. Malgré une précipitation qui n’avait pas sa place, il ne faudrait pas pour autant remettre en question le modèle anglais qui est de nous proposer plusieurs fictions très courtes, qui nous transportent dans une multitude d’univers fascinants et qui parce que brèves, nous apportent beaucoup d’intensité. Tout est une question de dosage.