Le point d'orgue de l'équilibre plane par-dessus le fil, se cogne au funambule, navigue comme une plume sous le vent de ses efforts. Que ce vent vienne à faiblir, qu'il meure, et cette plume aussitôt pénétrera le funambule pour s'endormir en son centre de gravité. C'est ainsi que l'on atteint le calme relatif, l'équilibre resserré, rarement le bref instant d'immobilité absolue. Car le vent de nos pensées, plus violent que celui de l'équilibre, aura tôt fait d'envoyer voltiger à nouveau cette plume si sensible vers les nuages de la dérobée.
Philippe Petit, Traité du funambulisme (Actes Sud, 1977)