Dernier film de la trilogie des grands auteurs français dont les films sortaient en salles en même temps que leur projection cannoise, "L'ombre des femmes", présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs avait reçu comme le Brizé et le Desplechin un bel accueil critique.
Des trois, c'est celui que j'hésitais le plus à voir tant, car comme je l'avais dit lors de ma chronique en 2011 d'un de ses derniers films Un eté brulant je n'ai pas vraiment d'affinités avec ce cinéma pourtant adoré par une grande partie de la critique institutionnalisée.
Pour moi, le cinéma de Philippe Garrel était vraiment symptomatique d'un certain cinéma d'auteur français qui me laisse totalement de marbre, , et ce pour plusieurs motifs : trop épuré, trop aride, trop plat, trop désincarné, et joué par des acteurs trop naturalistes, et dont les dialogues souvent creux et les personnages manquant cruellement de consistance.
Un cinéaste qui fait partie de ceux que le grand public n'arrive pas à apprécier, ce qu'on voit avec les critiques des internautes du site Allo Ciné, et qui démontre combien la politique des auteurs qui a court dans lle journalisme cinéma peut irriter.
Alors cette année, si les inconditionnels du cinéma de Philippe Garrel ont encore chanté les louanges de cette 'Ombre des femmes", j'ai quand même eu l'espoir que ce coup ci, j'allais pouvoir peut-être pas me joindre à ce concert, ou du moins être moins hermétique à cet univers, et j'ai eu raison, car comme prévu, le film est plus romanesque et plus touchant que ses autres oeuvres.
Si le motif du sentiment amoureux est un thème récurrent dans l'oeuvre du réalisateur revélé par la nouvelle vague, cette "ombre des femmes" est l'occasion pour le cinéaste d'explorer la complexité du triangle amoureux, toujours en perpétuant le cinéma de la nouvelle vague au parisianisme qui peut rebuter, mais qui en même temps présente un charme tout autant suranné qu'intemporel.
Garrel ramasse en à peine plus d'une heure l'histoire de Pierre (Stanislas Merhar) et Manon (Clotilde Courau). Leur fusion amoureuse et professionnelle (ils sont documentaristes) est mise en danger par la liaison que noue Pierre avec une jeune stagiaire, Elisabeth (Lena Paugam). Puis par celle que Manon, par dépit plus que par désir, s'invente à son tour.
Le film est d'autant plus interessant qu'il nous offre une peinture touchante d'un sujet certes déjà vu et revu mais qui continue de passionner, celui du vertige des sentiments et du trouble de la passion.
Cette succession de séquences choisies dans la vie d'un couple pourra irriter, notamment par le biais du personnage de l'homme, neurasthénique et qui ne se remet pas vraiment en question, un personnage ingrat que le jeu de Stanislas Mehar, particulièrement amorphe, ne fait rien pour arranger. Dommage car pour lui donner la réplique, Clotilde Coureau, loin des les frasques de princesse, offre une déchirante et bouleversante prestation en femme qui n'acceptera plus de vivre dans l'ombre de son homme.
Car avec son "ombre des femmes", Garrel a réalisé un film féministe ni naïf ni simpliste, malgré un style particulièrement épuré. Et même si l'émotion tarde un peu à venir, elle est bien présente, ce qui est rare dans un film de Garrel avec un dernier quart d'heure très beau comportant une très belle scène de rupture, et de retrouvailles.
Et Paris, au coeur du film, ses rues escarpées, son climat hors du temps est sous la caméré de Garrel qui l'a pourtant souvent filmé, particulièrement bien mis en valeur par l'image en noir et blanc et la musique subtile et pudique de Jean Louis Aubert.
Bref, même si Garrel ne renie en rien son style, son "Ombre des femmes" est définitivement plus accessible et plus sensible que ses précédents films et devrait légèrement aggrandir son cercle d'initiés.