Ceci est le quatrième et dernier article de la série publiée sur ce blog dont la modeste ambition est de conter de façon succincte l'histoire du Genevois de l'antiquité à nos jours en 4 épisodes.
Histoire du Genevois - Des Allobroges à la Réforme
Histoire du Genevois - De la Réforme à la Révolution
Histoire du Genevois - De la Révolution à l'Annexion
Histoire du Genevois - De l'Annexion à aujourd'hui
Si, comme on l'a vu dans les chapitres précédents, la France fut le grand ennemi de la Savoie, l'envahissant à 6 reprises (voir ci-dessous), et dans des conditions plutôt rudes, nous sommes désormais français et le but de ce chapitre est de raconter comment nous avons acquis une nouvelle identité tout en soulignant comment depuis 150 ans notre territoire s'est éloigné de Genève qui fut pourtant pendant 1000 ans notre capitale économique. Nous conclurons en décrivant les efforts qui sont faits des deux cotés de la frontière pour inverser la tendance afin de promouvoir et d'organiser enfin ensemble notre territoire transfrontalier.
Les invasions françaises de la Savoie
- de 1536 à 1559 sous François 1er ( le Genevois l'était lui par les Bernois, alliés de la France)
- de 1600 à 1601 sous Henri IV ( ce qui se conclua par l'annexion par la France de la Bresse, du Bugey et du Pays de Gex)
- de 1630 à 1631 sous Louis XIII
- De 1690 à 1696 et de 1703 à 1713 sous Louis XIV
- de 1792 à 1815 sous la République et le Premier Empire
Et pourtant, le peuple de Savoie se donna à la France à plus de 99% lors du Plébiscite de l'Annexion en avril 1860, cherchez l'erreur!....
Rappelons en effet que sur 135449 inscrits, il y eut 130839 votants dont 130533 OUI et 235 NON. Dans le Genevois, sur 26212 inscrits,on décompta 25256 OUI dont 11234 bulletins OUI & ZONE.
On pourra ergoter longtemps sur les conditions dans lesquelles se tint le plébiscite qui conduisit les Savoisiens à se donner à la France, il est fort probable qu'une majorité d'entre eux était favorable à rejoindre la patrie des droits de l'homme, mais bien sur, pas dans cette proportion. En effet le Clergé catholique, hostile à Cavour, joua un rôle important à convaincre les populations rurales de voter en faveur du rattachement, et le député de Bonneville Jacquier-Chatrier en imaginant la Grande Zone permit de rallier à la cause française de nombreux hésitants. Quand on ajoutera que le pouvoir royal sarde s'était quelque peu désintéressé de son territoire transalpin après avoir compris la grande difficulté à le défendre contre un éventuel envahisseur, et qu'il y avait une communauté de langue avec la France, il n'est pas si surprenant que nos ancêtres aient accepté dans leur très grande majorité de rejoindre la "Grande Nation".
Quoi qu'il en soit, le 14 juin 1860, la Savoie devenait officiellement française, et commença alors le processus de francisation de notre pays qui sera immédiatement scindé en 2 départements la Savoie et la Haute Savoie.
NB: On notera d'ailleurs que ce sont les 2 seuls départements métropolitains qui ne sont pas nommés d'après une rivière ou une montagne, ce qui avait été la règle lors de la création des départements après la Révolution Française.
Quant à Genève, la ville du bout du lac est désormais totalement enclavée en territoire français, reliée à la Suisse par un étroit corridor de 4.4 kms de large entre Jura et Léman, le long du lac. On notera qu'en 1860 la population catholique (42099 hb) y est désormais supérieure à celle des protestants (40069).
La Savoie Impériale
Alors que les militaires et les fonctionnaires ont pu choisir le pays de leur choix (dans leur grande majorité ils ont choisi la France au Royaume de Sardaigne, à l'exception notoire de l'ingénieur Germain Sommeiller, la francisation de la Savoie commence sous les meilleurs auspices puisque dès l'été 1860 , Napoléon III accompagné de l'impératrice Eugénie vient visiter ses nouveaux sujets. Leur périple qui se déroule du 27 août au 5 septembre 1860 les conduit de Chambéry à Aix, Annecy, Thonon et même Chamonix où les souverains découvrent la Mer de Glace. C'est un véritable triomphe avec en point d'orgue une fête vénitienne organisée sur le lac d'Annecy, prélude à l'actuelle et annuelle Fête du Lac, qui laissera un souvenir impérissable à l'impératrice.
La fête Vénitienne organisée en l'honneur du couple impérial sur le lac d'Annecy
De nombreux édifices publics sont construits (mairies, préfectures et sous préfectures, hôpitaux) pour donner à la Savoie des bâtiments publics mieux en rapport avec la grandeur et la prospérité d'une grande nation comme la France.
A Saint-Julien-en-Genevois, le 9 mai 1862, en présence du préfet et du Conseil Municipal, le Curé Chaumontet bénissait la première pierre de la sous-préfecture construite sur le site des jardins du Couvent des Capucins préalablement racheté par le sous-préfet Faton de Favernay. Le même jour a lieu la pose et la bénédiction de la première pierre de l'hôpital Saint-Joseph (détruit par un incendie le 16 février 1929, il sera reconstruit en 1931). Puis c'est le tour de l'Hotel de Ville (qui incorpore le Palais de Justice) dont la première pierre est posée le 22 juin 1862 sur le site occupé précédemment par l'ancien Château. Enfin, le 7 juillet 1863, c'est la première pierre de la nouvelle église qui est bénie par Mgr Magnin ( elle sera consacrée le 8 juillet 1866, et remplacée au même emplacement par l'actuelle église en 1973).
C'est aussi à cette époque, 1860-1861 qu'est créée la première compagnie de sapeurs pompiers à St-Julien.
L'ancien Couvent des Capucins vu depuis la place du Cret - C'est dans ses jardins, à l'arrière, que sera construite la sous-préfecture
Dessin d'époque illustrant la pose de la première pierre de la sous-préfecture le 9 mai 1862
L’hôpital St Joseph dont la première pierre fut posée et bénie le même jour que celle de la sous préfecture le 9 mai 1862
Les 2 églises du chef lieu - celle de 1702 (à droite) et celle de 1865. Adossée à l'ancienne église, la première poste construite sur le site de l'ancien cimetière - elle fonctionnera jusqu'en 1932
La nouvelle église de style néogothique sera consacrée le 8 juillet 1866. Le clocher sera lui construit en 1884. C'est sur le même site que s'élève l'église actuelle, de style "nordique" qui a été construite en 1970-72.
Photo prise en 1904
A la même époque, on voit pousser de nouvelles infrastructures: routes & chemins de fer, barrages hydro-électriques. A la suite du voyage impérial, le tourisme se développe, ce qui conduira à terme à l'édification de nombreux hôtels, comme l’Impérial à Annecy (ouvert le 14 juillet 1913). ou le Royal à Evian en 1905, sans compter les hôtels de Chamonix qui attireront les touristes du monde entier. Pour l'industrie savoyarde, le tableau est moins joyeux car nombre d'entreprises, particulièrement dans le Genevois, ne peuvent lutter avec leurs concurrentes françaises. L'agriculture elle se porte bien, et tout particulièrement dans notre région du Genevois; les facilités de commerce avec Genève liées aux avantages procurés par la zone franche et surtout la vente privilégiée de nos productions agricoles procurent aux habitants de notre territoire une prospérité bien supérieure à ceux qui se trouvent hors zone. C'est le cas d'Annecy dont les milieux d'affaires réclament à cor et à cri , mais sans succès, que la ville fasse partie de la grande zone.
Cependant après quelques années, certains espoirs sont déçus, ce qui pousse quelques notables savoyards tels Greyfié de Bellecombe à se retirer de la politique; l'Empire devient impopulaire dès 1865 et ce qui avait commencé sous les meilleurs auspices va bientôt être chamboulé par la guerre de 1870 et la chute de Napoléon III.
La situation à Genève
De nombreux aménagements ont lieu dans ces années à Genève: construction du 1er pont du Mont-Blanc en décembre 1862 (il sera reconstruit en 1903), construction de la gare de Cornavin en 1864 (par la société PLM), inauguration du Grand Théatre en 1879, apparition de l'électricité en 1883. La ville qui a accueilli les réfugiés français de la guerre de 1870 fait preuve de modernisme en termes sociologiques puisque la peine de mort y est abolie dès mai 1871, alors que l'école primaire laique et gratuite devient obligatoire en 1872. C'est en 1905 qu'a lieu à Genève le premier salon de l'auto alors que de nombreux pionniers s’intéressent à l'aviation naissante. La ville continue donc à rayonner au delà de son environnement local.
La Savoie française sous la IIIéme République
Lorsque la guerre éclate entre la France et la Prusse, la Savoie n'est française que depuis 10 ans, mais cette guerre va ancrer la Savoie à la France puisque les Savoyards vont combattre pour leur nouvelle patrie. C'est ainsi que le département de la Haute-Savoie va voter un emprunt de 1.170.000 francs pour contribuer à la Défense Nationale et fournit un contingent de 25000 hommes qui servirent avec honneur sous le drapeau tricolore, sans compter 4 légions de gardes nationaux mobilisés. Ce comportement irréprochable sera d'ailleurs salué par Gambetta dans le discours qu'il prononça à St-Julien-en-Genevois le 2 octobre 1872:
"Vous avez rappelé ce que vous avez fait pendant la guerre, et j'aurais voulu que bien des départements français vous imitassent.... Oui, s'il y a eu un pays dans le territoire français qui ait notablement fait son devoir, sans calcul, sans arrière-pensée, sans hésitation, de plein gré, de cœur et d’âme, qui ait donné ses enfants et son or sans compter et sans réfractaire, j'aime à le répéter : c'est la Savoie et la Haute-Savoie".
Quoiqu'il en soit 2 jours après la défaite de Sedan, le 4 septembre 1870, un gouvernement républicain prend le pouvoir à Paris; ici aussi les partisans du nouvel ordre républicain passent à l'action. et 2 préfets sont nommés pour assurer la nouvelle gouvernance républicaine.
NB: On notera qu'après la capitulation de la France le 27 octobre 1870, la Suisse avait envisagé d'occuper le territoire de la Savoie du Nord pour le neutraliser, conformément à l'article VII du traité de Turin de 1816, mais qu'au final, elle y renonça.
Les infrastructures
Alors que notre pays était pauvre et isolé au moment de l'Annexion, le mouvement d'équipement en infrastructures de communication se poursuit avec, outre le percement du tunnel du Frejus en décembre 1870 et son inauguration le 17 septembre 1871:
L'instauration d'un réseau de voies ferrées avec les lignes Aix les Bains-Annecy (1866), Bellegarde-Thonon (1880), Annecy-Annemasse via La Roche-sur-Foron (1883 & 1884), Annemasse-Genève(1890) etc...
La construction de lignes de tramways et de chemins de fer d’intérêt local: ainsi la ligne Annemasse-Samoens est inaugurée en 1892 (elle sera fermée en mai 1959)
La construction et l'amélioration de centaines de kms de routes départementales et nationales, sans compter la création d'embarcadères sur nos lacs et le financement de travaux d'endiguement de nos rivières (Arve et Giffre)
Le réseau de chemins de fer du Genevois vers 1914
(carte tirée de Gilbert PLOUJOUX- Histoire des transports publics dans le Canton de Genève)
A noter que c'est le 27 mai 1888 qu'est inaugurée en grande pompe la première liaison ferroviaire avec Genève, ancètre du CEVA, qui relie la gare de Vollandes dans le quartier des Eaux Vives à celle d'Annemasse.
L'instruction
De même un effort particulier est mené par l'Etat français pour développer l'instruction publique en Savoie. Ainsi le lycée Berthollet est inauguré à Annecy en 1888 alors que le lycée de filles est lui ouvert dix ans plus tard en 1898. Pour comprendre l'effort mené sur l'éducation, il suffit de comparer les 320 écoles ou classes de garçons fréquentées par 18320 élèves et 277 écoles de filles (15903 élèves) qui existaient au jour de l'Annexion aux 838 écoles qui accueillent 43646 élèves en 1906, moins de 50 ans plus tard. Si 77000 habitants (sur une population de 253000) seulement savaient lire et écrire en 1860, on comprend facilement les bienfaits pour notre pays de l'instruction gratuite, obligatoire et laïque qui seront à jamais l'honneur de la IIIème République (loi du 1er juin 1878)
On constate donc que notre pays progresse considérablement tout au long de ces années qui ont vu la Révolution industrielle transformer profondément l'Europe Occidentale. Ne parle t-on d'ailleurs pas de Belle Epoque pour qualifier ce quart de siècle précédant la guerre de 1914-1918 qui va plonger l'Europe dans l'horreur.
Crise économique et démographique
Alors que l'agriculture viticole est fortement frappée par la crise du phylloxéra qui détruit le vignoble à partir de 1870, on voit émerger le développement des "fruitières" qui favorise la collecte du lait et sa transformation en fromage. Quant à l'industrie savoyarde, trop artisanale et manquant de capitaux, elle ne peut rivaliser avec la concurrence française, ce qui engendre une grave crise de 1873 à 1896, qui va engendrer l'émigration des populations savoyardes. Heureusement l'hydro-électricité contribuera au renouveau de l'industrie en Savoie à partir de la fin du siècle.
L'enrichissement général de l'Europe sera quand même très favorable à notre région qui profite des effets bénéfiques du développement du tourisme, favorisé de surcroît par l'amélioration des moyens de communication. Le thermalisme (Aix les Bains, St-Gervais) devient à la mode, tout comme l'alpinisme; tandis qu’apparaît un nouveau sport encore balbutiant, le ski. Chamonix accueille plus de 2000 visiteurs anglo-saxons dès 1865, alors qu'Aix-les-Bains peut s'enorgueillir de compter la reine Victoria au nombre de ses curistes. Comme on l'a vu plus haut, c'est à ce moment que les équipements touristiques (édification d'hôtels, construction de bateaux de plaisance sur nos lacs, etc....) bourgeonnent. A titre d'exemple, c'est en 1905 qu'est lancée la construction du Tramway du Mont-Blanc qui à l'époque est conçu pour emmener les voyageurs de Saint-Gervais au sommet du Mont-Blanc (ce projet d'une ambition folle sera abandonné après la guerre et seule sa première phase a été réalisée)
Aujiourd'hui, le TMB relie le Fayet (580m) au Nid d'aigle(2380m) en 1h15mn
Plus près de nous, dans le Genevois c'est en décembre 1892 qu'est inaugurée la ligne de train à crémaillère du Salève qui emporte les visiteurs depuis Etrembières au pied du Salève jusqu'à la gare d'arrivée au sommet au lieu-dit les Treize Arbres. En cliquant ici, on pourra aussi découvrir l'article que j'ai publié sur ce blog contant l'histoire de ce train à crémaillère dont subsistent quelques vestiges, encore aujourd'hui ( tunnel du Pas de l'Echelle, ponts, etc....)
Illustration du tunnel du Pas de l'Echelle au bas duquel se croisaient les trains
Saint-Julien-en-Genevois sous la IIIème République
A Saint-Julien aussi , on entreprend des travaux pour embellir la cité. Dans ces années on dote l'église d'un clocher digne d'un chef lieu d'arrondissement(1884), on redresse la Grande Rue et on transfère le cimetière du Cret à son emplacement actuel, et surtout, le 9 juin 1889, on inaugure le tram à vapeur qui relie désormais St-Julien à Genève.
NB: On notera qu'il ne fallut à l'époque que 6 mois pour réaliser la construction de ce tram inauguré le 9 juin 1889 qui sera démantelé à la fin des années 1930.
A comparer avec le temps qu'il faut aujourd'hui pour parvenir à reconstruire une nouvelle liaison
L'Hotel de Ville construit en 1862-63 de style Second Empire et le tram à vapeur vers Genève inauguré le 9 juin 1889
Le XIXème siècle touche à sa fin, le XXème siècle fait naître de grandes espérances d'une vie meilleure. La loi de la séparation de l'Eglise et de l'Etat votée le 9 décembre 1905 marquera profondément l'époque et sonnera le véritable début de la laïcité dans la vie publique. Privées de subventions publiques, de nombreuses écoles chrétiennes ferment. A St-Julien, la Présentation de Marie (ouverte en 1834) y survivra mais l'école des frères (inaugurée le 21 janvier 1838) aura bel et bien vécu (1904).
C'est entre 1878 et 1880 qu'a lieu la construction de la voie ferrée qui permet à St-Julien d'être desservie par le train (PLM). Il est intéressant de noter que c'est avec une partie des déblais qu'a été réalisée et nivelée la promenade du Cret dans sa forme actuelle!
En 1912, St-Julien recevra la visite du Président Fallières qui fera bon usage de ce chemin de fer puisque c'est en train spécial qu'il nous rendra visite par une très chaude journée d'été.
Le Président Armand Fallières reçu en grande pompe à la gare de St-Julien
La magnifique chapelle dédiée à Saint François de Sales érigée en 1897 au lieu-dit "Les Colonnes" sera tristement démolie dans les années 70 dans des conditions douteuses
Genève avant la première guerre mondiale
La ville se développe rapidement passant d'une population de 60000 hb en 1870 à 97000 à la fin du siècle pour atteindre 120000 hb en 1914. Alors que la première bourse de Suisse a été ouverte en 1850, l'industrialisation de l'économie se produit grace à l'électrification de la cité (construction des usines des Forces Motrices et de Chèvres). C'est à cette époque qu'apparaissent ateliers de mécanique, d'appareillages électriques et d'automobiles qui enrichissent la ville et favorisent l'immigration d'ouvriers étrangers. Par ailleurs la ville profite de l'essor du tourisme dans la région et en fait une activité économique de première importance. En juillet 1891, la ville se dote de ce qui deviendra son emblème à travers le monde: le jet d'eau.
Le jet d'eau , symbole de la ville, est à Genève ce que la Tour Eiffel est à Paris
NB: On notera qu'à cette époque Genève ne dispose pas encore d'un terrain d'aviation ( la première piste d'aviation ne sera construite à Cointrin qu'au début des années 1920) et que c'est à Viry qu'ont lieu dans la région les premières épopées de l'aviation, avec en particulier une grande fête qui a lieu en août 1910 et qui attirera 12000 spectateurs sur les terrains du Comte de Viry, derrière le château. C'est d'ailleurs le 28 aout 1910, un an après que Louis Blériot eut traversé les 40 kms de la Manche, qu'Armand Dutaux traversait pour la première fois le lac Léman de bout en bout, soit une distance de 80 kms sur un aéronef construit par lui et son frère.
Au début du XXème siècle, Viry est le lieu de rendez vous des merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines
La Savoie pendant la Grande Guerre
Au début de la guerre, grande est l’inquiétude que l'Italie ne s'allie avec l'Allemagne et de voir les troupes italiennes fondre sur notre département. Dans un premier temps, la neutralité italienne rassure, puis c'est la joie en Haute-Savoie quand l'Italie s'engage finalement aux cotés de la France en 1915.
Il suffit de se balader dans les villages de notre territoire et de lire les liste des noms qui sont gravées aux frontons des monuments aux morts de nos villages (34 noms pour le seul village de Presilly) pour comprendre quel lourd tribut la Savoie paya à cette guerre; un sacrifice d'autant plus choquant que selon les traités internationaux (Accords du Congres de Vienne confirmés par le Traité de Turin en 1816) une grande partie de son territoire aurait dû être neutralisé par les troupes helvétiques. Ces dispositions ne furent hélas pas respectées et notre malheureux pays fut saigné, d'abord par la guerre puis en 1918 par l'épidémie de grippe espagnole qui sévit dans nos contrées. Si les Savoyards , surnommés les Diables Bleus sur le front Alpin, ont gagné l'estime de leurs compatriotes français pour leur comportement au combat, on estime la saignée à plus de 20000 âmes, soit près de 5 % de la population, un chiffre qui peut monter dans certains villages jusqu'à 9%.
Le monument aux morts de Presilly avec les noms des victimes de la Grande Guerre sur les 2 cotés
Les conséquences économiques de la guerre sont simples: le commerce zonien avec la Suisse s'effondre puisque si nos achats en Suisse sont divisés par deux, les ventes vers la Suisse sont divisées par cinq, au grand dam des consommateurs suisses. En effet le gouvernement français réglemente celles ci de peur que ces exportations ne servent à ravitailler le Reich; Ces mesures mettent en grand péril l'horlogerie de la vallée de l'Arve qui doit se reconvertir dans le décolletage pour contribuer à l'effort de guerre. En revanche, l'industrie hydro-électrique de la houille blanche connait une forte croissance. D'autre part, la guerre correspond au début du mouvement de la baisse du franc français par rapport au franc suisse , ce qui fragilise les emprunteurs haut-savoyards en francs suisses d'avant 1914.
En résumé, aux champs comme à l'usine, la crise des transports et la pénurie de bras perturbent l'activité, d'autant plus que la proximité de la frontière dissuade de recourir aux prisonniers de guerre ou de faire appel aux permissionnaires qui pourraient être tentés de se réfugier en Suisse ou en Italie. Dans cette économie largement rurale, les femmes seront ainsi lourdement mises à contribution pendant toute la durée de la guerre.
L'Entre deux guerres
Les zones franches
Plusieurs articles de ce blog ( la zone franche en Savoie, Les zones franches,....) traitent de la raison d'être et de la constitution des zones franches sur notre territoire. Je n'y reviendrai donc pas. Ce qui est sûr cependant, c'est que la France a essayé de revenir sur les privilèges qu'elle nous avait concédés en supprimant de manière unilatérale toutes les zones franches de ce territoire: zone franche du Pays de Gex, zone franche sarde, zone franche de St-Gingolph, et grande zone dite de l'annexion.
Les zones franches en 1860 au lendemain de l'Annexion
Il faut dire qu'au sortir de la guerre, la France qui suspecte la Suisse d'avoir favorisé l'Allemagne lors du conflit, entend bien profiter, à l'occasion du Traité de Versailles de 1919, de la nouvelle situation politique Européenne au sortir de la guerre et revenir sur deux points qui la perturbent dans ses relations avec la Confédération:
La zone de neutralité de la Savoie du Nord
La zone franche dite zone d'annexion
Cette volonté du gouvernement français de supprimer la zone de neutralité et la zone franche n'est pas sans conséquence pour notre territoire puisque la zone en question dont la France veut changer le statut économique et politique représente environ 70% du département de la Haute-Savoie.
La Suisse, qui n'en a jamais fait usage, et qui est désireuse d'obtenir le soutien de la France pour accueillir à Genève la SDN que lui proposent les Etats Unis, accepte sans tergiverser l'abandon de la clause de neutralité héritée du traité de Turin.
Quant au second point, en 1921, après de laborieuses négociations, France et Suisse signent une convention qui prévoit la suppression de toutes les zones franches entre les deux pays. C'est ainsi que le 10 octobre 1922 le Président du Conseil Raymond Poincarré annonce la suppression des zones, oubliant par là même qu'en Suisse une telle décision doit être ratifiée par un vote populaire. Or la votation du 18 février 1923 repousse par une large majorité la proposition française. Sans égard pour ce vote, la France décide le 10 novembre 1923 de façon unilatérale de transférer les postes de douane à la frontière politique. Face à la contestation de son peuple et pour se sortir de ce mauvais pas, la Suisse propose alors de s'en remettre au tribunal international de la Haye, ce que la France refuse dans un premier temps. Les Suisses en font alors un préalable à l'acceptation de leur abandon de la zone de neutralité, ce qui a pour effet de faire céder les Français
En conséquence, un compromis d'arbitrage est signé le 30 octobre 1924, compromis qui ne sera ratifié que le 31 mai 1928. La zone de neutralité est alors définitivement supprimée tandis qu'il faudra attendre encore 4 ans pour obtenir, le 7 juin 1932, le verdict du tribunal international sur l'affaire des zones franches. Celui-ci autorise la France à supprimer la zone d'Annexion qu'elle a créée de façon unilatérale en 1860, mais en revanche le verdict lui impose de maintenir les petites zones (Pays de Gex et zone Sarde) qui sont garanties par un traité international et par les Puissances signatrices (Congres de Vienne en 1815, Traité de Paris en 1815 et Traité de Turin en 1816). En conclusion, la France doit reculer ses frontières douanières sur la ligne des zones, ce qui sera fait au 1er janvier 1934.
NB: On notera que les intérêts des savoyards du nord n'ont pas compté pour grand chose dans cette négociation qui s'est faite par dessus leur tête. Il faut dire qu'Annecy avait fortement œuvré pour que la Grande zone, qui dérangeait ses intérêts, soit abolie. Un exemple manifeste de la divergence d’intérêt entre le nord du département et son chef lieu.
Le 1er janvier 1934 est donc restaurée dans le Genevois français la zone franche (communément appelée petite zone ou zone sarde) qui, si elle fut très favorable aux agriculteurs en devenant le "jardin de Genève", a peut-être nui au développement industriel de par une application contraignante et tatillonne des autorités françaises.
Indépendamment de cet imbroglio, un événement important va se produire pour notre territoire avec l'installation à Genève de la Société Des Nations (SDN) première ébauche voulue par le Président Américain Woodrow Wilson de ce qui deviendra après la seconde guerre mondiale l'ONU. Cette installation fait suite à la politique voulue par Genève de jouer un rôle international dans le domaine du droit international. C'est ainsi qu'après la création par le Genevois Henri Dunant de la Croix Rouge en 1864 , Genève accueillera le premier congrès de la Première Internationale Socialiste en 1866, et le Congrès de la Paix en 1867. Cette reconnaissance internationale confère à la cité du bout du lac un rôle et un prestige sans commune mesure avec sa taille de ville moyenne. Ce rayonnement planétaire de Genève sera un atout décisif pour notre territoire dans la seconde partie du XXème Siècle. C'est à cette période que commence le formidable essor de Genève qui prendra toute sa mesure après la seconde guerre mondiale (voir plus bas).
La décennie de prospérité qui s'ensuit de 1920 à 1930, et qui voit les Genevois investir fortement de l'autre coté de la frontière et particulièrement à Annemasse, sera cependant brutalement remise en question par la Grande Crise mondiale issue du krach boursier de Wall Street en Octobre 1929.
Le premier siège de la Société des Nations en 1928
La vie du territoire dans les années folles
Notre territoire profite pleinement du décrochage du Franc Français par rapport au Franc Suisse, qui favorise nos exportations vers Genève et le commerce de luxe à destination de la clientèle genevoise, ainsi que l'accueil de cette clientèle sur nos sites touristiques, ce qui contribue à faire du tourisme une activité économique de première importance.
L'essor du tourisme se concrétise pour notre région par l'organisation des premiers Jeux Olympiques d'hiver à Chamonix en 1924 où un certain Pierre Brunet s'illustra en devenant le premier médaillé olympique français (médaille de bronze en patinage artistique) des Jeux d'hiver.
Pierre Brunet et sa partenaire Andrée Joly
Par ailleurs, un symbole de ce dynamisme économique peut s'illustrer par la tenue en 1925 de la première édition de la Foire de La Roche qui deviendra en moins d'un siècle l'une des foires les plus importantes de la région Rhône Alpes puisque pour ses 90 ans, elle a accueilli du 1er au 11 mai 2015 près de 100000 visiteurs.
Quant à Louis Martel, originaire de Thairy, il sera député sans interruption de 1932 à 1956 et aussi Président du Conseil Général. On notera qu'il eut une conduite exemplaire dans les heures les plus sombres de notre pays, refusant de voter les pleins pouvoirs au Gouvernement de Vichy et déclinant des nominations, ce dont il s'expliqua par une lettre courageuse: " Comme Savoyard et comme français , je refuse le titre que vous m'offrez, car il implique en soi l'acceptation de la collaboration. Je pense qu'on subit l'occupant, mais qu'on ne collabore pas avec lui"
Les infrastructures de l'entre deux guerres
En 1923 est lancée la construction du tram St-Julien - Annecy. Ce projet pour lequel le second pont de la Caille a été construit fut malheureusement abandonné dès l'année suivante. En 1926 a lieu la construction du bâtiment des douanes à Perly suite à l'abrogation de la zone franche et au rétablissement de la barrière douanière sur la frontière. Le 16 février 1929, l'hôpital de St-Julien est détruit par un incendie; il sera reconstruit et le nouvel édifice sera inauguré le 29 novembre 1931. L'année suivante, c'et au tour de la nouvelle poste d'être construite.
En 1932, on construit le téléphérique du Salève qui sonnera le glas du train à crémaillère qui existait depuis 1893 et dont il reste encore aujourd'hui quelques vestiges ( tunnel du Pas de l'Echelle, ...)
La gare d'arrivée du téléphérique du Salève surplombant la nappe de brouillard
La Savoie pendant la guerre
L'occupation
Alors que les Allemands avaient tenté d'occuper la Savoie du Nord pour contrôler la frontière avec la Suisse, l'armistice arrête la Wehrmacht dans son élan à Rumilly. Dans un premier temps, notre territoire est situé dans la zone libre et ne souffre donc pas trop de la guerre même si les barbelés s'élèvent tout le long de la frontière avec la Suisse et que les privations sont réelles. Ce n'est qu'après le franchissement de la ligne de démarcation par les Allemands le 11 novembre 1942 que survient l'Occupation. Après une première présence des Allemands du 13 novembre au 10 décembre, ce sont finalement les troupes italiennes qui vont occuper notre territoire. où ils maintiendront l'ordre en luttant contre les premiers camps de maquisards mais sans trop sévir contre les juifs. Début septembre 1943, après la capitulation de l'Italie, les troupes allemandes reviendront pour reprendre à leur compte l'occupation de notre territoire qui deviendra alors beaucoup plus brutale.
Les zones d'occupation italienne et allemande pendant la seconde guerre mondiale
Les contrôles sur la frontière se renforcent, en particulier pour empêcher les fuites de ressortissants français vers la Suisse. Une double rangée de barbelés séparait la France de la Suisse, le long de la route de St-Julien à Annemasse: l'une érigée par les Allemands coté français, tandis que l'autre l'avait été par les autorités suisses. Quiconque était pris à franchir ces lignes pouvait être abattu sans sommation, ce qui arriva malheureusement à un habitant d'Archamps. L'activité économique est ralentie, les provisions sont rationnées, ce qui n’empêche pas une grande fraternité et solidarité dans le milieu paysan.
On notera que malgré cela notre territoire fut un théâtre privilégié pour ceux qui fuyaient l'Occupation Allemande et qui grâce à l'aide de nombreux justes (comme les pères du Juvennat de Ville-la-Grand) ou de quelques courageux paysans locaux purent s'évader vers la Suisse.
La Résistance et les maquis
Notre département s'illustra et joua un rôle important pendant la guerre, particulièrement après 1943, car de nombreux jeunes français qui voulaient échapper au STO sont venus se réfugier dans les maquis qui se développaient dans les montagnes. Le plus célèbre d'entre eux est bien entendu celui des Glières qui participa pleinement au mythe de la Résistance. Rappelons que récemment Nicolas Sarkozy, Président de la République vint y honorer ses héros chaque année durant son mandat.
Accueillant le Général De Gaulle à Annecy, le 4 novembre 1944, le maire lui déclare " Vous êtes ici, mon général, chez les derniers venus à la communauté française, mais non les moins ardents à la chérir, à la servir, à la défendre."
Comme indiqué plus haut, de par sa proximité avec la Suisse, notre territoire connut une activité importante et clandestine pour faire passer les réfugiés ( y compris de nombreux juifs, surtout à partir de fin 1942) vers la Suisse. Crache, hameau de Sait-Julien, où vivait ma famille était l'un de ces points de passage et mon oncle Eugène Megevand permit à nombre d'entre eux de passer en Suisse grâce à sa parfaite connaissance des lieux tandis que son frère Léon Megevand, dit "Givaudan", s'illustra en passant lui des documents de renseignement pour la Résistance.
Alors que l'occupation allemande était supportée tant bien que mal par la population, l’extermination d'un groupe de jeunes maquisards par les Allemands à Habère Lullin à Noel 1943 révolta la population qui chercha alors vengeance et l'escalade de la violence et de la terreur commença. En fin d'année 1943 se constitua le maquis FTP du Vuache sous le commandement du Commandant Jacquard (mieux connu sous le pseudonyme de Gros). C'est l'époque où les maquis se développent dans toute la Haute-Savoie par l'apport des jeunes français qui fuient le STO et aussi par une volonté qui s'affirme de plus en plus de résister à l'occupant.
Quant aux conséquences économiques de la guerre elles sont simples: les échanges avec le canton de Genève s'écroulent, entraînant un appauvrissement de toute la région.
Le Genevois sous l'ocupation allemande et la libération de Saint-Julien
Notons que Saint-Julien-en-Genevois fut, grâce à l'action du commandant Pierre Ruche et de son adjoint Marcel Fivel, la première ville libérée de Haute-Savoie le 16 août 1944. Voici le récit qu'a fait mon père de cette journée et du mois qui précède dans ses mémoires. Son témoignage est digne d’intérêt puisque mon père Louis Brunet et son frère Alfred exerçaient alors une activité d'expéditeurs de fruits, ce qui les amenait à se rendre dans tout le département. On notera que pour pouvoir faire circuler leurs camions ils disposaient de 2 laissez passer: un des Allemands pour pouvoir exercer leur activité et sillonner le département, et un autre (secret celui-là) de la Résistance pour laquelle leurs courageux chauffeurs (MM. David et Stopfort) effectuaient le transport d'armes dans leurs camions.
"Après ce "braquage" par les Allemands à Etrembières le 14 juillet 1944, nous crûmes rêver en arrivant à Bonneville: la ville était en effervescence, des drapeaux français flottaient partout, la ville était aux mains des maquisards; à Cluses, les Allemands étaient les maîtres et patrouillaient en ville. A Sallanches, de nouveau les maquisards tenaient la ville...Ces péripéties illustrent bien le climat qui régnait en Haute-Savoie, un mois avant la libération"
L'occupant était devenu nerveux, comme il l'avait déjà montré en organisant la rafle du 9 juin 1944 à St-Julien, cueillant 43 habitants à leur domicile (dont mon père), aux premières lueurs de l'aube pour interrogatoire à la sous-préfecture.
"Le 16 aout au petit matin, les résistants et maquisards de l'AS envahissent la ville et se dirigent vers Perly et l'Hotel de France, les deux postes occupés par la garnison allemande. Alors que le poste de Perly fut rapidement pris par MM. Borgognon et Fivel, les Allemands barricadés dans l'Hotel de France refusaient de se rendre et faisaient feu sur les assaillants ( Un jeune français, Guy Bouchet sera d'ailleurs tué dans l’échauffourée). Les otages pris à Perly furent alors amenés devant leurs collègues pour les exhorter à se rendre. Après palabres et contre la promesse d'être conduits sains et saufs à la frontière suisse (promesse qui fut respectée), les Allemands de l'Hotel de France se rendirent au Commandant Pierre Ruche. A 17 heures, Saint-Julien était libérée.
Reddition du PC Allemand
Puis on emmena les 4 otages Allemands à Viry pour tenter la même manœuvre avec leurs compatriotes. Le soir tombé, la tension était à son comble car les Allemands avaient incendié Valleiry. C'est alors que le Sous-Préfet, ivre, rejoint les maquisards à Viry et exécuta les 4 malheureux otages avec sa mitraillette.
Il faut dire que la brigade de Cruseilles, dite brigade rouge et composée de fanatiques, avait attaqué brutalement le QG allemand de Valleiry, ce qui avait provoqué le retour d'une compagnie de SS venue du Fort L'Ecluse pour venger leurs compatriotes. Sur leur passage, ils avaient mis à feu et à sang les villages de Chevrier, Bloux puis Valleiry, incendiant les maisons et fusillant tous les hommes qu'ils trouvaient. Ce soir là une grande partie de la population, terrorisée, se réfugia le long de la frontière suisse, mais heureusement les SS n'allèrent pas plus loin que Valleiry. Le lendemain, ils avaient quitté le Fort l'Ecluse pour poursuivre leur retraite vers l'Allemagne".
Peu à peu, ce fut l'ensemble du département qui fut libéré, Annecy devenant le centre de décisions des résistants. L'état de droit n'était pas encore rétabli et les résistants de la dernière heure purent se livrer à leur travail de revanche et de vengeance, ce qui ne fut pas le meilleur souvenir de cette période troublée.
Groupe de résistants fêtant la libération à Crache le 16 août 1944 -
Sur la photo, on peut reconnaître mes 3 oncles Marius et Eugène Megevand ainsi qu'Alfred Brunet
La renaissance des trente glorieuses et l'essor économique de la fin du XXème siècle
Après la guerre, on peut dire que notre territoire va connaitre un age d'or, tout particulièrement à partir de la fin des années 1960. Cet essor démographique et économique, à part une crise sévère dans les années 1993-1994, ne s'est pas vraiment démenti depuis, accélérant même depuis l'an 2000.
A Genève
La croissance démographique se poursuit puisque la population de la ville après une stagnation de 30 ans au sortir de la grande guerre passe de 125000 hb en 1920 à 175000 hb en 1960 pour atteindre 196000 hb en 2014. Dans le même temps, la population du canton passe de 135000 hb à 480000 hb en 2014.
NB: Dans le même temps la population de la Haute-Savoie est passée de 240000 hb en 1920 à 332000 hb en 1962 pour atteindre 760000 hb en 2014.
Au plan économique on assiste au développement des industries bancaires, horlogères, mécaniques et chimiques qui seront les fers de lance de la prospérité genevoise tout au long du XXème Siècle et dont notre territoire avoisinant bénéficiera grandement après la seconde guerre mondiale.
En Haute-Savoie et dans le Genevois Savoyard
Au sortir de la guerre, notre territoire va connaître, comme l'ensemble de la France, un fort développement et un enrichissement, supérieur à la moyenne nationale, qui s'est accéléré à partir des années 1970.
L'aspect démographique
Alors que la Savoie n'a cessé de dépérir démographiquement dans le siècle qui a suivi l'Annexion, passant de 542000 hb en 1860 à 460000 hb en 1921, ce n'est vraiment qu'à partir de 1954, que la population amorcera une courbe de croissance qui ne s'est pas démentie depuis même s'il est important de préciser qu'une forte disparité s'est produite entre la Savoie et la Haute-Savoie puisque notre département va significativement prendre le pas sur la Savoie
Population de la Savoie: 318266 hb en 1860 vs 435000 hb en 2014
Population de la Haute-Savoie: 274057 hb en 1860 vs 760000 hb en 2014 (avec une croissance de 10000 hb chaque année) ce qui nous place au 3ème rang en Rhône-Alpes.
NB: dans le même temps, la population du canton de Genève est passée de 82168 hb en 1860 à 129840 en 1914 pour atteindre 469433 hb fin 2013.
Cette croissance démographique s'explique par la fin de l'émigration, le renouveau de l'activité économique qui donne désormais du travail aux enfants du pays alors que l'attractivité de notre territoire et de Genève contribue à attirer sur notre sol de nombreux immigrants en provenance de régions moins favorisées.
L'aspect économique
Après une période difficile qui suivit la libération, où les denrées étaient rares et l'inflation galopante, l'activité économique se rétablit peu à peu et commence alors la reconstruction, bien aidée par le plan Marshall. C'est une période de forte croissance pour notre région. On notera en effet que notre département s'est beaucoup moins désindustrialisé que d'autres et que le pourcentage du PIB réalisé dans l'industrie y est l'un des plus élevé en France (23% de l'emploi et 35% du PIB départemental, alors qu'au niveau national ce pourcentage est passé en 15 ans de 24 à 14%). Cette bonne performance de notre industrie haut-savoyarde trouve son origine dans des activités diverses comme le décolletage dans la Vallée de l'Arve (65% de la production française), l'Outdoor (dans le Bassin Annécien) ou autres (Eaux Minérales, Meubles, etc....). On remarquera cependant l'un des effets possiblement pervers de la zone franche sarde autour de Genève qui a vu son territoire souffrir d'un manque d'investissement industriel par rapport à ce qui se passait hors zone. Malgré cela, on notera toutefois que la Haute-Savoie s'en sort beaucoup mieux que la Savoie puisque tout comme pour la population , les chiffres de la richesse économique se sont inversés en 150 ans, et que le phénomène s'accroît chaque année en faveur de la "Iaute" (comme on dit par chez nous)
Pour se faire une idée de la richesse de notre département, il suffit de lire les chiffres ci-dessous:
Revenu fiscal moyen par foyer(en 2012):
Haute-Savoie: 32107€
Savoie: 25641€
France: 25135€
On voit donc que le revenu moyen en Haute Savoie est de 28% supérieur au revenu moyen français et qu'il est le plus élevé de la région Rhône-Alpes. Quant on sait que cet enrichissement ne s'est pas ralenti depuis 3 ans et que le Genevois est l'un des cantons les plus riches de la Haute-Savoie, on comprend que notre territoire est ce qu'on peut appeler un "pays de cocagne".
Concernant l'agriculture, elle a perdu beaucoup de son poids relatif dans la richesse du Genevois. Les 30 dernières années ont vu la surface agricole utilisée grandement réduite à cause de la forte urbanisation de notre territoire; ce qui a conduit à la création de ZAP (Zone Agricole Protégée) comme celle qui fut mise en place dans les années 2000 sur les communes de St-Julien, Neydens et Archamps pour protéger les agriculteurs en leur garantissant des terres cultivables. L'arboriculture et les cultures maraîchères restent vivaces. Concernant la production laitière, on a assisté à la disparition des fruitières, avec une collecte faite désormais directement par les groupes laitiers, (ex: Les Laiteries Réunies dans la petite zone franche) Cependant certaines mesures vont lui être favorables: C'est ainsi que l'adoption à partir de 1960 des appellations d'Origine Contrôlée (AOC) va être très favorable à l'activité fromagère de notre département (reblochon par ex.) Dans le même temps, l'essor du tourisme va favoriser la viticulture et l'écoulement des produits régionaux.
A partir des années 70, une véritable manne va se déverser sur les Pays de Savoie grace à l'or blanc ( le tourisme lié aux sports d'hiver). De nouvelles stations d'altitude sont créées (Flaine, Avoriaz) et l'urbanisation des stations de ski génère une forte activité économique qui profite à l'ensemble des 2 départements. Ceci sera couronné par un nouvel accueil des Jeux Olympiques d'hiver en 1992 à Albertville.
Et SaintJulien dans tout cela....
L'entrée sud de St-Julien au début des années 1960
Le 12 décembre 1958, le maire de St-Julien, Jean Pissard et l'ensemble de son Conseil Municipal démissionnent pour défendre la zone: ils obtiennent des autorités douanières une nouvelle réglementation, plus souple, dans le fonctionnement de la zone franche. qui donna satisfaction aux usagers et surtout aux acteurs économiques qui souffraient de contrôles tatillons. Le 8 octobre 1960, la ville de St-Julien eut le grand honneur de recevoir le Président de la République Charles De Gaulle ( à qui mon père eut le privilège de serrer la main). En 1965, a lieu la fusion des deux communes de Thairy et de Saint-Julien, ce qui renforce cette dernière comme ville centre du canton. La forte croissance démographique de la ville conduit la municipalité de Mr Desjacques à acheter 16 ha de terrains pour créer la Z.A.C du Puy Saint-Martin.
Le Général de Gaulle à St-Julien reçu par le maire Me Jean Pissard le 8 octobre 1960 pour le centenaire de l'Annexion
Pour comprendre l'évolution démographique du Genevois, et plus particulièrement de sa ville centre, Saint-Julien-en-Genevois, rien ne vaut mieux qu'un graphique qui montre comment la population de la cité frontalière est passée de 1300 habitants en 1860 à près de 13000 hb aujourd'hui, soit une multiplication par 10 en 150 ans, avec une accélération significative à partir des années 1970.
Nb:Face à la pénurie de logements dans le Canton de Genève, une part importante de la population genevoise n'a d'autre choix que de se loger de ce coté de la frontière, surtout depuis les années 2000, ce qui contribue à l'explosion démographique des 15 dernières années.
L'évolution de la population à St-Julien-en-Genevois de 1800 à nos jours
Le quartier des Prés de la Fontaine vers 1960 avec la "nouvelle" gendarmerie en cours de finition
Les raisons de ce formidable développement économique et démographique
Depuis 50 ans, un certain nombre de grands équipements, particulièrement de transports et communications ont permis de rendre notre territoire transfrontalier particulièrement attractif avec une position stratégique idéale reconnue chaque jour un peu plus.
N'est ce pas ici que l'Europe a décidé d'implanter le CERN en 1954? A cheval sur la frontière entre la France et Genève, le Centre Européen de Recherches Nucléaires est leader mondial dans son domaine, et encore plus depuis qu'a été inauguré en 2008 le LHC, le plus grand accélérateur de particules au monde.
Tunnel du LHC (Large Hadron Collider) sous la frontière franco-genevoise
L'ouverture du tunnel du Mont-Blanc en 1964, couplé avec la réalisation de l'Autoroute Blanche et plus récemment de l'autoroute Liane vers Annecy ont permis de faire du Genevois un canton parmi les mieux desservis en France, proche de l'Italie et de la Suisse, à 10 minutes de l'aéroport international de Genève qui a vu passer plus de 15 Millions de passagers en 2014.La liaison TGV qui met Genève à moins de 3 heures de Paris nous permet aussi d'être relié au réseau européen de lignes à grande vitesse.
Outre la réalisation majeure qu'est le business park ARCHAMPS TECHNOPOLE qui offre un cadre exceptionnel aux entreprises et un emploi à plus de 1700 personnes, depuis quelques années de gros investissements en loisirs (Multiplex Gaumont d'Archamps, Vitam de Migros, Casino de St-Julien, l'immense discothèque Macumba fermée en avril 2015) relayés par des événements touristiques de premier plan ( Hameau du Père Noel, Grandes Médiévales, Guitare en Scène) ne font qu’accroître la vitalité touristique de notre territoire.
Le centre Vitam (Migros) à 3 kms de St-Julien-en-Genevois
Tout ceci a contribué à l'essor économique et démographique du Genevois, qu'on pourrait appeler en anglais le "French Geneva County", sans compter l'essor de la vie économique de Genève, qui couplé avec le manque de logement de l'autre coté de la frontière, a contribué à une croissance démographique parmi les plus fortes de France (plus de 2% en moyenne annuelle) avec plus de 80000 personnes qui traversent la frontière chaque jour pour aller travailler à Genève
NB: On notera aussi que les postes de douane de la zone franche ont été supprimés (au Chable, à l'Eluiset, à Valleiry et Etrembières, etc...); celle-ci existe toujours mais est désormais "dématérialisée", avec le concours occasionnel de la "Volante" que l'on voit fréquemment sur les routes autour de Saint-Julien-en-Genevois.
Le rapprochement avec Genéve
Tous ces événements qui ont été accélérés par la signature en 2002 des bilaterales entre l'Europe et la Suisse ont conduit les responsables politiques français et suisses à chercher des moyens pour coordonner et harmoniser le développement transfrontalier. Cette volonté de travailler ensemble s'est concrétisée par la signature en 2007 du Projet d'agglo Franco Valdo genevois (renommé depuis Grand Genève) qui malgré quelques vicissitudes et quelques obstacles mis sur sa route d'un coté par les Annéciens, de l'autre par les partis populistes genevois permet quand même de tendre vers une collaboration plus forte entre Genève et son arrière pays.
Les différentes étapes de la formation du Canton de Genève
A ceux qui peuvent être surpris de mes propos, on rappellera que comme on a pu le découvrir tout au long de cet exposé, les destinées et les intérêts de la Savoie du Nord et tout particulièrement du Genevois frontalier ne sont pas toujours communs avec ceux de la Savoie prise dans son ensemble. Ce qui nous différencie de nos amis savoyards, voire même de nos amis Annéciens, est bien entendu notre proximité avec Genève, capitale économique de notre territoire, qui suscite bien des jalousies. Et si notre destinée de réunion avec notre capitale ne s'est pas concrétisée ( une opportunité magnifique ayant échoué par la seule faute des habitants de Genève qui ne voulurent pas de leurs cousins catholiques en 1815), cela ne nous empêche pas d’œuvrer au rapprochement des 2 composantes du Genevois, le français et le suisse.
Au fil des ans, chacun a bien compris des deux cotés de la frontière ( à l'exception de quelques extrémistes ignares) que nos intérêts économiques et culturels étaient liés et que Genève avait autant besoin de son arrière pays savoyard que nous avions besoin de Genève pour notre prospérité. Cette interconnexion est d'autant plus évidente depuis l'entrée en vigueur des accords bilatéraux en janvier 2002.
Les bilatérales
Au cœur géographique de l'Europe, Genève n'est institutionnellement pas dans l'Europe puisqu'en 1992 une votation populaire Suisse a refusé que la Confédération Helvétique ne rentre dans l'Union Européenne: on rappellera cependant que si le 6 décembre 1992 le non (pour rejoindre l'UE) gagne à 50.3% dans l'ensemble de la Suisse, les Genevois ont eux voté à 78.1% pour entrer dans l'Espace Economique Européen. Quoi qu'il en soit ce résultat conduit la Suisse à entrer dans des négociations bilatérales avec l'UE.
En décembre 1998 un accord est signé à Vienne, concernant 7 secteurs, qui prévoit, entre autres, la libre circulation des personnes entre les pays d'Europe et la Suisse. Cet accord,validé par la population helvète lors d'une votation en mai 2000, a grandement facilité l'octroi d'un permis de travail pour les non résidents en Suisse, et en particulier pour les frontaliers résidant en France voisine. Il suffit de jeter un coup d’œil au graphique ci-dessous pour comprendre le puissance du phénomène depuis le début des années 2000. La forte croissance démographique que l'attrait de Genève a engendrée en France voisine dès les années 1970 a généré des problèmes financiers pour les communes françaises voisines du canton et il est donc nécessaire de parler ici des fonds frontaliers, mis en place pour y remédier.
Les Fonds frontaliers
En préambule, rappelons que le canton de Genève retient à la source les impôts des frontaliers qui travaillent à Genève, en contradiction avec la règle généralement admise dans la plupart des pays qui voit les salariés payer leurs impôts sur leur lieu de résidence. Pour compenser le manque à gagner des communes de l'Ain et de la Haute-Savoie limitrophes du canton de Genève qui hébergent les travailleurs frontaliers, une négociation eut lieu entre l'Association des Maires des Communes Frontalières et le Canton de Genève, ce qui déboucha, non sans mal, sur la signature d'un accord entre la France et la Suisse le 29 janvier 1973.
Par cet accord, le Canton de Genève acceptait de rétrocéder aux communes françaises frontalières de Genève une compensation financière prélevée sur les impôts payés par les frontaliers à Genève et égale à 3.5% de la masse salariale de référence; cette compensation genevoise mieux connue sous l'appellation fonds frontaliers est destinée à financer les investissements et le fonctionnement des communes françaises où résident les travailleurs frontaliers.
Notons que 76% de ces fonds sont attribués à la Haute-Savoie et 24% au département de l'Ain, tandis que l'Etat Français ne perçoit rien sur cette manne financière. Le montant payé aux différentes communes est calculé au prorata du nombre de frontaliers recensés dans chaque commune par rapport à l'ensemble des frontaliers déclarés.
Depuis lors, ces fonds frontaliers ( 5.125 Millions de CHF en 1973) se sont considérablement accrus pour atteindre 273 Millions d'euros en 2014. Même si leur répartition a évolué depuis leur entrée en vigueur, puisque les communes ne reçoivent plus que 55% du montant payé par Genève contre 45% pour le Département, ces fonds sont extrêmement importants pour le budget de nos communes (près de 5 M€ à Saint-Julien-en-Genevois en 2014)
On ne saurait clore ce paragraphe sans adresser un formidable bravo et un grand remerciement aux quelques personnes qui se sont battues bec et ongles pour arracher cet accord: Sans aucun soutien des instances départementales et nationales, ils durent se battre contre le mépris du Président du Conseil Général et du Préfet de Haute-Savoie de l'époque pour faire triompher leur cause. Ils furent des visionnaires à qui notre territoire doit beaucoup et ils méritent tout notre respect et notre gratitude. Saluons tout particulièrement MM. Gilbert DUBOULE & Jean BABEL du coté genevois et Lucien VINDRET, maire de Collonges sous Salève, Louis SIMON, maire de Gaillard, Pascal MEYLAN, maire de Ferney-Voltaire, Marcel ANTHONIOZ, maire de Divonne, et Max PREAU qui dirigeait alors le Groupement des Frontaliers pour la partie française. Ces hommes se sont battus contre vents et marée pour faire aboutir le premier accord franco-genevois qui est selon moi l'acte fondateur du Grand Genève, où des deux cotés de la frontière on a heureusement compris qu'on ne pouvait s'ignorer et qu'il était indispensable de coopérer intelligemment.
NB: Pour en savoir plus, je recommande vivement la lecture de l'article d'Henry Chevalier ci-dessous.
Le Grand Genève et l'avenir franco-genevois
Bien que ne faisant pas partie de l'Union Européenne, je suis convaincu que d'être aux frontières de l'Union Européenne est sans conteste un atout considérable pour Genève par rapport aux autres villes suisses. Ville internationale de renommée mondiale, Genève abrite de nombreuses organisations internationales liées à l'ONU ( BIT, OMS, OMC, OMPI, etc... ) et compte plus de 35000 fonctionnaires internationaux. Elle accueille aussi de nombreux sièges d'entreprises multinationales (plus de 100 au nombre desquelles des géants comme Procter & Gamble, Carghill, et bien d'autres...); enfin la cité du bout du lac est aussi un centre de premier plan pour les Conventions et Congrès internationaux.
La beauté et la qualité du cadre de vie, sa localisation géographique et la qualité des moyens de communication qui desservent le Grand Genève (TGV, Aéroport de Cointrin, Carrefour d'autoroutes) en font l'un des territoires les plus attractifs d'Europe, qui, pour donner sa pleine mesure, a absolument besoin de son arrière pays français et de sa population frontalière qui lui apporte sa force de travail et ses compétences multiples.
Genève et son arrière pays français sont au cœur géographique de l'Europe Occidentale et de l'Union Européenne
Conscients de l'interdépendance de nos deux territoires, les représentants de Genève et de la France voisine (Pays de Gex, Genevois français, Agglomération d'Annemasse...) ont compris qu'il fallait donner un cadre juridique pour organiser la collaboration entre les deux parties de l'espace transfrontalier. Après l'instauration du CRFG en 1973, la volonté s'est manifestée d'aller plus loin dans le resserrement des liens et c'est ainsi que fut signé en 2007 un pacte, renouvelé en 2012, le Projet d'Agglomération Franco-Valdo-Genevois. Cet acronyme jugé un peu compliqué à comprendre à fait place depuis quelques années à l'appellation Grand Genève, plus parlante, qui permet aux autorités politiques des deux cotés de la frontière, ainsi que dans une partie du Canton de Vaud, de travailler ensemble pour harmoniser le développement de notre bassin de vie. C'est ainsi que le lundi 28 janvier 2013, le Comité de pilotage du Grand Genève fait place au Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT). Cette nouvelle organisation politique, administrative et de concertation permet de pérenniser et renforcer la gouvernance de l’agglomération. Structure de droit public suisse, il dispose de la capacité juridique et de l’autonomie budgétaire et fonctionne comme l'entité responsable de la politique des agglomérations au regard de la Confédération Helvétique. Il constitue ainsi le premier GLCT de droit suisse chargé de la conduite d’un projet d’agglomération transfrontalier. Les élus suisses et français y sont représentés de manière équilibrée.
Les membres élus, français et suisses, du premier GLCT
Pour comprendre ce que représente le Grand Genève à l'échelle économique Cliquer ici pour découvrir les chiffres clés de ce territoire, l'un des plus dynamiques de la région Rhône-Alpes.
Frontières (----) du Grand Genève et de l'ARC
Au sein de cette organisation transfrontalière qui comprend du coté suisse le canton de Genève et une partie du canton de Vaud, les intérêts français sont regroupés au sein de l'ARC (Association Régionale de Coopération du Genevois Français) qui encercle Genève du Pays de Gex à Thonon en passant par le Genevois, Annemasse Agglo et le Bas Chablais.
Et quoi de mieux pour rapprocher les gens que de mettre en place un réseau de transport qui va faciliter les échanges et la complémentarité des deux faces d'un même territoire. C'est ce qui a été réussi avec la décision de construire le CEVA.
Un exemple d'intégration transfrontalière : Le CEVA
Une véritable révolution dans les transports publics régionaux va se produire prochainement avec l'ouverture du CEVA, renommé récemment Léman Express, le RER transfrontalier qui reliera en 2019 la ville d'Annemasse à la gare de Cornavin en 20 minutes. Ce maillon essentiel (dont on parle depuis 1912) qui traversera Genève en souterrain va permettre de relier l'ensemble du territoire dans un rayon de 60 kms autour de Genève grâce à des interconnexions pratiques et rapides qui permettront aux savoyards d'Annecy ou de Saint-Gervais de se rendre facilement et rapidement à l'Aéroport de Genève ou dans le Canton de Vaud. Outre le service rendu aux populations locales, un des effets induits sera de favoriser le tourisme en Haute-Savoie puisque les stations de ski Haut-Savoyardes deviendront plus proches de Genève que celles du Valais alors qu'Annecy sera plus proche de Genève Aéroport que ne l'est Montreux. Une véritable révolution dont peu de gens ont aujourd'hui saisi l'impact profond qu'il entraînera dans la mobilité des populations dans et atour du Grand Genève.
Le futur RER franco-Valdo-Genevois : le CEVA
Vous trouverez plus d'informations et une vidéo de présentation sur le site internet: www.ceva-france.fr
Quelques pistes d'avenir pour assurer la prospérité de notre territoire.
Alors que le cours élevé du franc suisse peut à terme poser problème à l'économie suisse, il est urgent que les acteurs économiques genevois prennent conscience du fabuleux atout compétitif qu'ils ont sur leurs concurrents de Zurich en disposant de l'arrière pays du Genevois français où ils pourraient à bon escient installer back-offices et logistique afin de pouvoir être le plus compétitif possible pour aborder les marchés européens.
Il serait opportun de créer quelques pôles d'excellence des 2 cotés de la frontière: un premier exemple étant celui du Bio Tech qui se développe à la fois à Genève mais aussi à St-Julien et Archamps. On rappellera que le dispositif français d'aide à la recherche et à l'innovation, le Crédit Impôts Recherche est particulièrement incitatif à investir en France.
Jouer la carte de l'international en faisant de notre territoire un lieu d'implantation favori pour les entreprises non européennes (Américaines et Chinoises) des deux cotés de la frontière, avec des équipements de premier plan (école chinoise, école coréenne....) qui rendront notre région incontournable.
La revitalisation des zones franches (Pays de Gex et Genevois) est une autre piste à explorer: il faudrait leur permettre de bénéficier de concessions sociales et fiscales pour accroître leur attractivité et permettre leur développement face à Genève. Faire bénéficier les entreprises agricoles ou alimentaires installées dans ces zones du label "SWISSNESS"
On le voit, les pistes sont nombreuses, qui tendent toutes à affermir la situation de notre territoire transfrontalier comme l'un des plus dynamiques et vivants d'Europe, et cela dans un cadre naturel de toute beauté.
La Savoie: française ou pas?
On ne saurait traiter de l'histoire de notre Pays de Savoie sans mentionner l'existence de mouvements régionalistes voire indépendantistes. C'est ainsi que dans les années 1970, se crée le MRS, un mouvement qui milite en faveur d'une région Savoie. Malheureusement, le 15 mai 1973, les votes des deux Conseils Généraux écartent cette perspective au profit d'une réunion à la région Rhône-Alpes. Depuis lors les tentatives de ce mouvement n'ont pas rencontré le succès auprès des électeurs savoyards.
Quant à la Ligue Savoisienne qui dans les années 1990 cherche à retrouver une indépendance vis à vis de la France , ce pays qui n'a pas respecté les clauses du traité d'Annexion, elle va beaucoup plus loin, puisqu'elle souhaite ni plus ni moins se séparer de la France. Lisons ce qu'écrit Jean de Pingon (l'un des fondateurs de la Ligue) dans son livre "Savoie française":
"Le paquebot France va au devant des flots qui l'engloutiront. Il entraîne dans son sillage la goélette Savoie, derrière lui arrimée. La goélette Savoie est certes bien moins impressionnante que le paquebot France, pourtant elle est mieux taillée pour affronter la tempête que ce paquebot dont les moteurs s'arrêteront bientôt et qui ne tiendra plus aucun cap lorsque le"s flots gronderont."
Sans partager les revendications de la Ligue,(dont le rayonnement est fortement déclinant depuis quelques années) je déplore cependant vivement que l'histoire de notre pays ne soit pas enseigné aux enfants qui habitent notre région. Ce n'est pas renier la France que dire que nous ne sommes français que depuis 150 ans alors que nous fûmes indépendants pendant 800 ans. Il est aussi nécessaire pour bien comprendre l'histoire du Genevois d'intégrer le fait que celui-ci n'a pas toujours eu (c'est encore vrai aujourd'hui) les mêmes intérêts qu'Annecy, et à fortiori que la Savoie propre. On notera à ce sujet l'existence de la Confédération Savoisienne qui, tout en défendant les droits de la Savoie issus du Traité de Turin, prend en compte cette dimension Savoie du Nord, et se bat pour faire exister la (petite) zone franche.
Pour savoir où l'on va, il est essentiel de savoir d'où l'on vient, et c'est bien ce que j'essaie de faire à mon modeste niveau en publiant cette histoire du Genevois. D'autre part, en tant que Savoyard, on ne peut pas ne pas s’inquiéter de la création de cette nouvelle région Rhône-Alpes Auvergne dont les leviers de pouvoir s'éloignent inexorablement de notre région. Il est sans doute souhaitable que le mouvement du MRS se revigore pour soutenir les efforts des deux Présidents de Conseil Départemental, MM. Christian Monteil et Hervé Gaymard qui envisagent de fusionner les deux départements à condition que les compétences qui lui soient octroyées soient intermédiaires entre celles d'un nouveau département (après la réforme territoriale) et celles d'une région à part entière. Dans cette optique, je compte sur M. Monteil, homme de dialogue et d'ouverture qui est devenu le Conseiller Départemental de notre canton pour comprendre notre spécificité et défendre nos intérêts. Je suis aussi confiant du fait que ce soit la député de notre circonscription Virginie Duby-Muller qui va s'occuper des relations transfrontalières; elle a les compétences, la stature et le sens de la diplomatie pour négocier au mieux de nos intérêts avec nos amis suisses. La Haute-Savoie, et les Pays de Savoie dans leur ensemble ont tout à gagner d'un Genevois fort et prospère
La fête du lac à Annecy
Conclusion
Le Mont-Blanc vu du haut du Salève, la montagne si chère au cœur de tous les Genevois
Comme nous l'avons vu dans cette histoire du Genevois, le destin de ce territoire qui avait toutes les raisons d'être intimement lié à celui de sa "capitale" Genève a été contrarié à de nombreuses reprises essentiellement pour des raisons d'abord religieuses puis politiques qui se sont avérées plus fortes que les raisons géographiques ou économiques. Cette situation est-elle figée à jamais? bien malin qui pourrait en jurer. Ce qui est sûr, c'est que des 2 cotés de la frontière, des gens bien intentionnés essaient de se libérer des contraintes politiques pour trouver des moyens de faire vivre ensemble, et le mieux possible, deux populations qui partagent le même bassin de vie et qui ont des intérêts communs. C'est dans cet esprit de dialogue et de coopération que seront trouvées les solutions qui assureront un avenir radieux à nos enfants.
Quand on aura ajouté que nombre de genevois français sont des binationaux franco-suisses et que le nombre de genevois de nationalité suisse sont chaque jour plus nombreux à s'installer en France voisine faute de logements dans le canton de Genève, on comprend à quel point cette interpénétration des deux populations est forte, quoi qu'en disent les partis extrémistes genevois qui n'ont rien compris au film, eux qui se nourrissent souvent de partisans fraîchement arrivés à Genève, méconnaissant l'histoire commune de nos deux territoires, et uniquement soucieux de préserver leur confort.
Si pendant des siècles Genève fut une ville fermée, à l'abri de ses murailles (qui ne furent démolies que vers 1850), la croissance urbaine très forte au XXéme Siècle l'a transformée en une agglomération transfrontalière au centre d'un bassin de vie qui compte près d'1 million d’âmes et qui s'étale jusqu'à 20-30 kms du centre ville. Le développement et la prospérité de Genève seraient fortement compromis sans l'apport de main d'oeuvre et de compétences des frontaliers et sans l'espace qu'offre la France voisine. Parallèlement, la prospérité dont bénéficient le Pays de Gex et la Haute-Savoie, et particulièrement le Genevois savoyard, doivent énormément à Genève. C'est donc une collaboration étroite recherchant le gagnant-gagnant qui doit être privilégiée à toute forme d'antagonisme. Il est temps que chacun s'en convainque, de part et d'autre de la frontière, afin que celle-ci ne résiste pas à notre envie de vivre ensemble.
Pour visionner l'image en haute définition, cliquez ici
Sources
www.lasalevienne.org
Le Genevois - Marie-Thérèse Hermann
L'histoire du Département de la Haute-Savoie - A. Folliet - C. Duval - M. Bruchet
Saint-Julien en Genevois - Abel Jacquet
Savoie française, Histoire d'un pays annexé - Jean de Pingon
Atlas Historique du Pays de Genève - Claude Barbier & Pierre-François Schwarz
St-Julien en Genevois 1940-1944 - La Résistance - Michel Duparc, Jean-Claude Ruche, Yves Duparc
La Savoie, ses relations avec Genève et la Suisse - Université de Genève
Articles connexes d’intérêt:
Histoire de la Savoie de 1860 à 1914 - Wikipedia
La grande zone franche par Jean de Pingon
L'affaire des zones franches devant la cour permanente de justice internationale
Suisse et Savoie - La zone franche de haute-Savoie par L. Paul-DuboisL'affaire des fonds frontaliers par Henri Chevallier
Remerciements
Je voudrais remercier ici les membres de la Salèvienne , la société d'histoire de notre territoire qui fait un travail exemplaire, et particulièrement son président M. Claude Megevand, qui m'a donné gout à l'histoire de ce pays singulier. Je ne saurai trop vous recommander de rejoindre cette communauté enrichissante d'amoureux de l'histoire de notre Salève et du bassin genevois.
Je voudrais aussi remercier les historiens qui ont écrit ou réalisé des conférences sur le sujet ( MM. Amoudruz, Amoudry, Barbier, Regat, etc...) et les amis qui m'ont prété leurs livres (Mme Martine Clément, MM. Gilbert Balleydier, Michel Duparc, Bernard Gaud, Jean-Luc Daval, etc....).
Enfin je tiens à rendre ici un vibrant et respectueux hommage au Pr Paul Guichonnet, le grand historien de l'histoire de la Savoie dont les connaissances et le gout de les partager en fait l'un des Savoyards les plus remarquables qu'il m'ait été donné de rencontrer. Un immense merci à lui pour son oeuvre et sa générosité de tous les instants.
PS: Je n'ai jamais eu la prétention de faire oeuvre d'historien, seulement de donner envie aux habitants de ce territoire, suisses comme français, de mieux connaitre l'histoire riche et mouvementée de leur lieu de résidence. J'aimerais que mon travail puisse déboucher sur la réalisation d'un Centre d'Etudes et de Documentation du Genevois qui pourrait recueillir et abriter les nombreux documents (livres, écrits, photos, cartes postales,....) retraçant l'histoire de notre territoire. Ce serait une magnifique oeuvre de coopération transfrontalière puisque je ne la conçois évidemment pas sans la participation active de notre voisin et ami, le Canton de Genève. Et bien entendu, c'est à Saint-Julien-en-Genevois, ma ville de naissance et de cœur que j'aimerais le voir s'établir.
Pierre Brunet
Saint-Julien le 29 juin 2015