Les premiers chapitres de ce livre ont été très difficiles pour moi. D’abord parce que j’ai eu beaucoup de mal avec le personnage de Calliope, que je n’ai pas, mais alors pas du tout réussi à comprendre. A commencer par la rupture avec sa meilleure amie, qui ouvre le livre, et qui m’a paru incompréhensible. Calliope en est littéralement effondrée, mais n’essaye ni de la retenir, ni d’obtenir une explication, ce qui colle assez mal avec l’attachement qu’elle lui voue. A la lire, sa vie s’arrête, ce qui là encore s’accommode peu de la présence de Daniel, son petit ami, dévoué et surtout qu’elle aime sincèrement. Pour moi, si Calliope vit un amour aussi solide et aussi réconfortant avec lui, c’est qu’elle est loin d’être aussi isolée, aussi marginale qu’elle ne le dit. Il y en a un de trop dans cette histoire.
Le personnage de Daniel m’a d’ailleurs profondément déçu, lui aussi. Dès le début du livre, au moyen d’une mise en scène très frileuse, on apprend qu’il s’agit d’un métamorphe. Mais on ne nous montre aucune métamorphose (il se contente de se dissimuler dans les bois pour revenir sous sa forme animale) ce qui rend l’annonce à la fois brutale et décevante quand on aime le fantastique. Et Calliope l’accepte très facilement. Bon j’admets qu’elle-même n’est pas tout à fait normale, mais il me semble qu’entre avoir une sensibilité si fine que l’on agit sur les émotions des gens et changer carrément d’apparence physique, il y a quand même un gouffre. Ceci dit, ce personnage métamorphe, s’il est annoncé tôt, sert surtout à expliquer l’apparition des mercenaires et ne sera pas du tout exploité pendant le reste du roman: Daniel se retrouve donc très vite éjecté du scénario, et j’espère vraiment qu’il aura droit à un peu plus d’ampleur dans les prochains tomes, parce que sinon, ça fait vraiment ficelle un peu facile à tirer.
L’organisation mercenaire ne m’a pas convaincue non plus, parce qu’elle passe beaucoup trop facilement. Soit je suis une indécrottable réaliste, soit la plupart des gens autour de moi trouvent tout à fait normal de découvrir que leur meilleure amie est en fait élevée depuis l’enfance pour en faire une tueuse à gage qui va dégommer du loup-garou entre deux partiels. J’aime quand le surnaturel s’invite dans le quotidien avec un peu plus de subtilité, de résistance. Ici, tout est beaucoup trop bien accepté.
A partir du moment où cette étape “d’entrée” dans le fantastique (qui prend quand même une petite moitié du livre) était passé, c’est devenu plus simple et j’ai mieux accroché. D’abord parce que les réactions de Calliope se faisait plus cohérentes, qu’il s’agisse de fuir devant le danger ou ses phobies, ou d’exprimer son manque de sa famille et de ses proches. Ensuite parce qu’arrivent les vrais personnages fantastiques intéressants: les Ombres, ces créatures qui vivent invisibles parmi nous pour nous guider. Sur ce point, Déborah Galopin a beaucoup plus travaillé sa mythologie et ça paye: leur organisation, à la fois fraternelle mais avec une part de cruauté, est très intéressante et le cheminement de Calliope parmi eux est un véritable parcours initiatique, puisqu’elle côtoie la mort de très près pour mieux revenir à une forme d’amour essentielle et universelle. Peut-être aurait-il fallu y arriver un peu plus vite.
La dernière chose qui m’a un peu lassée est le style. Non pas qu’il ne soit pas soigné: Déborah Galopin a à coeur de s’exprimer dans une langue recherchée. Mais justement, peut-être un peu trop, et cela donne parfois (voire souvent) des formules très artificielles, inutilement ampoulées, voire carrément déplacées dans le registre ou dans le sens. A titre d’exemple, j’ai eu du mal à comprendre comment on pouvait avoir “l’estomac qui descend dans la cage thoracique”, et j’ai gloussé en imaginant comment, en parlant de concert de musique, on pouvait suivre “un groupe qui se reproduit dans la région”. De même que j’ai un peu de mal à systématiquement appeler le coeur “le myocarde”. J’ai l’impression qu’à trop vouloir s’astreindre à une écriture ornée et originale, par peur peut-être de la platitude, on frôle la lourdeur voire la pédanterie et on s’éloigne vite d’un discours crédible et efficace.
La note de Mélu:
Un livre qui a des qualités, mais qui ne m’a pas semblé abouti. Je remercie néanmoins l’auteure de me l’avoir proposé à la lecture.
Un mot sur l’auteur: Déborah Galopin (née en 1991) est une jeune auteure qui a créé sa propre maison d’édition pou rééditer son premier livre La Boite de June (d’abord édité chez Kirographaire) ainsi que celui-ci qui a été plébiscité sur MyMajorCompagny Books