Mustang, ou une brillante variation sur le thème de l’adolescence
Avec un petit décalage d’une semaine, un coup de projecteur sur un film ni français, ni américain, mais turc, qui est la grande révélation du dernier Festival de Cannes. Oh, non pas de la Sélection Officielle, mais d’une des nombreuses manifestations annexes, à savoir la Quinzaine des Réalisateurs.
Cette Quinzaine, qui a révélé depuis 1969 une foultitude de réalisatrices et de réalisateurs connus mondialement depuis (Spike Lee, Mikael Haneke, Sofia Coppola, pour ne citer qu’eux) a donc distingué cette année, par acclamations, « Mustang », de la réalisatrice turque Deniz Gamze Ergüven, qui, de toute évidence a dû voir le très beau « Virgin Suicides », de Sofia Coppola, que nous venons de citer. Mais il n’y a aucune honte de sa part à traiter un sujet proche de celui qu’avait, en son temps, traité la fille de Francis Ford Coppola.
Les cinq adolescentes héroïnes de son film n’ont que peu de rapports avec les adolescentes américaines de Sofia. Ne serait-ce que parce que dans « Mustang », nous sommes en Turquie, pays où la réalité de la condition féminine n’est pas la même qu’aux Etats Unis, même dans le Sud profond. Ces cinq adolescentes, ces cinq sœurs orphelines, âgées environ de 12 à 19 ans, élevées par une grand-mère et un oncle traditionaliste, n’ont aucune envie de connaître un destin fait de mariages arrangés par leur famille et d’une vie dans laquelle leur seule créativité consistera à préparer avec application des pâtisseries orientales. Et c’est donc la guerre permanente, guerre des générations qui se terminera tragiquement pour l’une d’entre elles, et par une lueur d’espoir pour deux autres sœurs.
Sans développer les péripéties du scénario (sachez seulement que, dans une formidable séquence où l’on coupe le courant pour une raison que je ne vous donnerai pas, la solidarité de toutes les femmes, jeunes et vieilles, se reconstitue…), un des nombreux mérites de ce film est de créer, de faire vivre à l’écran une fratrie féminine qui déborde d’énergie, d’inventivité, et d’une sensualité adolescente qui sonne tout le temps très vrai. Cela est dû à un « quintette » de jeunes actrices qui explosent de naturel, de joie de vivre, de complicité pour diriger des adolescentes comme cela, Deniz Gamze Ergüven est la digne héritière de l’immense François Truffaut, à son époque. Ce n’est pas le moindre des compliments que l’on puisse lui faire.
Essayer de retenir le nom de cette réalisatrice… Je sais, c’est difficile ! Mais il y a eu pire, à Cannes, en matière de prononciation : vous souvenez vous d’Apichatpong Weerasethakul, qui a eu la Palme d’Or à Cannes en 2010 avec « Oncle Boonmee » ? Placez ce nom -là, sous un prétexte quelconque, à l’oral du bac, ou dans un dîner en ville : vous gagnerez une bonne note dans le premier cas… et un grand respect de tous les convives dans le second !
Christian Seveillac