Auparavant confinés dans la bulle puante de l'extrême droite, les discours identitaires, s'inspirant plus ou moins consciemment de la théorie fantasmagorique d'un prétendu choc des civilisations, ont donc émigré à droite, c'est incontestable, par la passerelle d'un sarkozysme sans scrupules ni morale qui l'a très cyniquement instrumentalisée à son seul profit électoral. Plus préoccupant encore, voilà que ce genre d'idées discriminantes et agressives autrefois dévolues à l'extrême droite gagnent jusqu'à cette gauche incertaine que nous connaissons aujourd'hui. Nous assistons donc, impuissants, faute de penseurs, de politiques et de philosophes suffisamment puissants et convaincants, à la contamination de l'ensemble du paysage politique, miné par l'anti-humanisme que ce genre d'idées constituent. Elles détruisent indubitablement notre terreau commun. Il devient de plus en plus difficile à présent de résister à cette invasion idéologique sans passer pour un illuminé, un bisounours, ou un individu déconnecté des réalités, ce qui est pourtant bien loin d'être mon cas. Si je les oubliais, elles se chargeraient bien vite en effet de se rappeler à moi, compte-tenu de ma situation personnelle... Et comme si tout cela ne suffisait pas, après que le président d'une agonisante république se soit commis lui aussi dans la récupération des éléments de langage de l'extrême droite, voilà que notre premier ministre prolonge le mouvement de régression que constitue ce type de discours qui ajoutent du malaise au malaise, et de l'incompréhension à l'horreur. Voudrait-il rassembler la France derrière ce discours de haine qu'il ne ferait pas autrement. ce sont les militants du FN qui doivent jubiler... Il y a des basculements sémantiques qui ne sont pas neutres, et je me dois de le marteler. En parlant de choc des civilisations aujourd'hui, il ne fait lui-aussi qu'emprunter, au moins sur le plan linguistique, à l'extrême droite. Ayant gagné la bataille du discours, des concepts et des mots, le FN notamment ne peut que se sentir infiniment victorieux, et fier de son emprise idéologique sur l'ensemble du spectre politique. En suivant ce sillage, et ce type de perception du monde que définissent les concepts et les mots, fussent-ils un enfumage, de l'extrême droite et des identitaires, ce gouvernement là ne fait que collaborer avec notre ennemi idéologique. Car se mêler à ce mode de pensée de plus en plus dominant hélas, qui produit ses ennemis plutôt exclusivement parmi la communauté musulmane, c'est aller vers l'impasse d'un vivre ensemble devenu impossible. C'est justement ce que veux, attend et espère l'extrême droite. S'il y a guerre de civilisation, les tenants d'une certaine civilisation bien française et européenne fantasmée n'auront qu'un souhait, qu'une envie, et qu'un besoin : exclure les tenants d'une civilisation musulmane indistincte tout aussi fantasmée. Et quelles que soient les subtilités de langage, je ne suis pas très sûr que les bas du front national et autres petites têtes identitaires soient en capacité de saisir les nuances du " padamalgam ", dont ils se gaussent déjà un peu partout sur les réseaux sociaux... Bientôt, comme en une autre époque qu'on croyait derrière nous, renforcés par le discours identitaire qui a gagné jusqu'à cette prétendue gauche qui ne pense pas ou plus, se croyant soutenus y compris jusque dans un camp politique adverse dans leur haine commune, on entendra de plus en plus fort des français qui se disent " de souche " (on ne rit pas, même jaune) demander le renvoi des " musulmans en musulmanie "... Et cela, quand bien même fussent-ils français, comme c'est le cas de ces êtres malfaisants qui ont dernièrement défrayé la chronique par leurs crimes odieux, de Charlie hebdo à l'hyper casher en passant par Saint-Quentin-Fallavier.
je le dis, le redis, et le re-martèle ici à coups de burin sur mon clavier : je rejetterai toujours, de toutes mes forces et de toute mon âme, jusqu'à mon dernier souffle, cette vision sociétale si peu emprunte de l'humanisme le plus élémentaire. Car lui seul, structuré autour de valeurs communes plus conformes à notre idéal républicain qui est en train de se déliter, peut permettre à tout un chacun de vivre dans une société apaisée, et cela quels que soient son origine sociale ou géographique, ses croyances, ou la couleur de sa peau. S'il y a guerre, notre ennemi n'est pas d'une culture, d'une religion ou d'une ethnie différente de la nôtre. Notre ennemi, c'est le camp de la haine, du racisme, de la xénophobie, de l'intégrisme religieux, de l'autoritarisme, et du non-respect inconditionnel de la vie, d'où qu'ils viennent.