Il y a trente ans que la France cycliste attend vainement un successeur à Bernard Hinault. C’est long, trop long, et le premier à pouvoir assurer la descendance du champion breton sera fêté comme un héros de la nation.
Un honneur à double tranchant car il s’agira ensuite d’assumer le poids de responsabilités nouvelles et d’exigences toujours plus importantes de la part du public. On imagine qu’ils sont plusieurs à rêver à ce défi sans oser l’avouer. Comme un secret bien gardé mais qui agit comme une immense motivation. Surtout après l’édition 2014 qui a mis Jean-Christophe Péraud (37 ans) et Thibaut Pinot (24 ans) sur le podium et Romain Bardet (24 ans) à la 6ème place finale. Mais Froome (deux chutes et abandon sur les pavés), Contador (chute et abandon 10ème étape), Quintana (vainqueur du Giro et préservé pour 2015) manquaient à l’appel et la donne était différente, ce qui a favorisé le sacre de l’inaccessible Vicenzo Nibali (4 succès d’étape et 19 jours en jaune !).
Cette fois, ils seront tous là : Froome (vainqueur du Dauphiné), Contador (lauréat du Giro et de la Route du sud), Quintana et Nibali. Un constat qui oblige à rester prudent sur les réelles possibilités des coureurs français, confrontés cette fois à l’élite du peloton professionnel. Car Péraud est loin d’afficher la forme qui était la sienne il y a douze mois et on peut même s’inquiéter à son sujet malgré qu’en mars dernier il a remporté sur le fil le Critérium international devant Pinot . Les années se suivent mais ne se ressemblent pas forcément pour le vétéran d’AG2R (38 ans) qui aura du mal à rééditer son exploit cette année, d’autant plus qu’un seul chrono individuel de 14 km est inscrit au programme. Du jamais vu depuis 1936 ! Cela devrait au contraire réjouir Pinot et Bardet ainsi que Pierre Rolland (29 ans), révélé par ses succès à l’Alpe d’Huez (2011) et La Toussuire (2012). Certes, on l’a peu vu à son avantage cette saison mais peut-être a-t-il caché son jeu en prévision de cette édition 2015 ?
Avec six arrivées en altitude, sans compter le Mur de Huy (3ème étape), le Mur de Bretagne (8ème étape) et le final sur les hauteurs de Mende (14ème étape), le Tour 2015 va faire la part belle aux grimpeurs. La bonne nouvelle pour Pinot, Bardet et le jeune Breton Warren Barguil (24 ans), ex-vainqueur du Tour de l’Avenir, et qui a dévoilé il y a deux saisons ses belles qualités sur les routes de la Vuelta avec deux victoires d’étape. Mais se pose le problème de la solidité et de l’efficacité de leur équipe, que ce soit pour la FDJ, AG2R, Europcar et Giant. Le chrono collectif de la 9ème étape entre Vannes et Plumelec (28 km) sera révélateur à ce sujet.
A condition de ne pas vouloir défier frontalement les cadors annoncés, mais en les surprenant plutôt par des actions individuelles, Pinot, Bardet, Rolland, Barguil peuvent espérer trouver la bonne ouverture un jour ou l’autre et tirer leur épingle du jeu. Pour une victoire d’étape, on pense aussi au talentueux Tony Gallopin, au rusé Voeckler, aux sprinters Bouhanni, Coquard, Démare, à Jérôme Coppel, tout frais champion de France du contre la montre, et au vétéran Chavanel (35 ans), laissé libre de faire sa course par Iam Cycling.
Il faudra pour cela sortir indemne des bordures de la mer du Nord (2ème étape) et de l’aventure redoutée (7 secteurs pavés pour un total de 13,5 km) entre Seraing et Cambrai. (4ème jour). L’an dernier les pavés avaient coûté 2’28 à Pinot, Rui Costa, Valverde, Bardet et Van Garderen, 2’54 à Contador qui s’était ensuite retiré le jour de La Planche des Belles Filles après étre tombé dans la descente du Petit Ballon (genou abîmé). Un épisode qui avait marqué le Tour et, après le retrait de Froome, privé la course de son deuxième grand favori.
Qu’en sera-t-il cette année ? Les spéculations vont bon train sur les chances des uns et des autres et il y a longtemps que le cyclisme français n’avait eu autant de raisons d’espérer.
Bertrand Duboux