Ermite fou
Chacun de vous le connaît Constant. Sa barbe, ses cheveux hirsutes, son chapeau et sa tunique moyenâgeuse marron ceinte à la taille par une corde, ses pantoufles trouées rafistolées avec de la ficelle, ses chevilles crasseuses. A bien y regarder, comme me le fit remarquer F., son habillement est bien plus élaboré qu’il n’y paraît au premier abord. Ses haillons sont savamment assemblés et superposés. Sa folie se traduit par des vociférations intenses et les installations qu’il fait, dans la rue ou chez les commerçants : il prend des objets et les déplace.
Ce soir, il converse de façon étonnamment calme avec ses démons, tout en observant la vitrine d’un magasin de BD. Etrange, son look s’est modifié, il porte un bermuda de basketteur blanc sur son pantalon et des tennis blancs aussi, flambants neufs. Une voiture le dépasse, ralentit, s’immobilise trente mètres plus loin. Quelques instants. Puis recule lentement, jusqu’à sa hauteur. Le passager semble être un jeune homme. Le conducteur sort son bras et tend quelques pièces à Constant. Il les prend, sans un mot. La voiture redémarre. Lui aussi poursuit son chemin.
Colette Milhé