Le livre que je vais vous conseiller de lire parle d’un sujet qu’on aborde rarement. C’est un livre qui parle d’un tas de choses savantes, dans un vocabulaire abordable, et qui n’hésite pas à évoquer la couleur de votre pipi ou la consistance de votre caca. Bref, un livre qui parle de science avant tout, mais qui adopte une démarche résolument « grand public », et de la lecture duquel vous sortirez probablement un peu plus savant.
Ce livre a fait le succès de son auteur, outre-Rhin: Le charme discret de l’intestin (titre original: Darm mit Charm) s’est en effet vendu à plus d’un million d’exemplaires en Allemagne, et je lui souhaite de connaître le même succès par chez nous. Son auteur, Giulia Enders, ravissante étudiante d’à peine 25 ans, y décrit avec beaucoup d’humour et de pédagogie le fonctionnement de notre appareil digestif. Et j’avoue y avoir appris bien plus de choses que lors de mes cours de sciences-naturelles au siècle dernier…
Le propos de Giulia Enders est à peu près le suivant: l’être humain dispose d’un appareil digestif d’une apparente simplicité, mais qui se révèle d’une richesse fonctionnelle inouïe et d’une très forte capacité d’adaptation, en partie grâce à la multitude de bactéries qui réside dans notre intestin. Comprendre comment fonctionne la digestion et quel regard porter sur ces bactéries, voici le but ultime du Charme discret de l’intestin.
Plus prosaïquement, le livre est découpé en trois parties, dont la lecture progressive permet de mieux appréhender la finesse de notre appareil digestif.
La première partie est une description sommaire de notre appareil digestif, des organes qui le composent, et du rôle de chaque organe, depuis l’assimilation des aliments jusqu’à la dépose de la petite (ou grosse) commission. Rien ne vous sera épargné, et sans tomber dans la scatologie, Giulia Enders aborde des sujets très, comment dire, matériels. Mais n’allez pas croire que ce livre est vulgaire ou inintéressant, au contraire, j’y ai enfin compris pourquoi à Pessah on mange et boit accoudé du côté gauche…
La seconde partie décrit les mécanismes qui font que la digestion fonctionne de telle manière. Les mécanismes nerveux associés à l’assimilation des aliments y sont détaillés, et c’est la partie qui pour moi a pule plus porter à confusion auprès de certains lecteurs, qui y ont lu au premier degré la description d’un second cerveau, comme dans cet extrait du journal de TF1.
Loin de sous-entendre que l’appareil digestif pouvait rivaliser avec la complexité du système nerveux central et du cerveau, Giula Enders y rappelle comment la sophistication des mécanismes qui s’y déroulent, et ce, indépendamment du système nerveux central. Elle donne d’ailleurs en exemple un organisme marin qui se nourrit de son cerveau au terme de son voyage et une fois fixé au sous-sol marin: son cerveau ne lui sert qu’à se déplacer.
La troisième partie, enfin, est la plus captivante. Le charme discret de l’intestin consacre en effet une centaine de pages à un univers encore largement inexploré, celui des bactéries qui habitent notre intestin. Plusieurs milliers de milliards de ces organismes y logent, et ce sont eux qui organisent la digestion. Sans eux, vous ne pourriez assimiler aucun aliment. Seulement il y a un hic: certaines bactéries sont inoffensives, d’autres sont plus hostiles… du moins quand leur nombre dépasse un certain seuil: elles portent le doux nom d’helicobacter, ou d’E.Coli, et les dégâts qu’elles causes varient d’une simple coulante, à des cancers de l’estomac. Pourtant, on ne peut s’en passer complètement, car c’est leur présence aide notre système immunitaire à se développer.
Le plus intéressant, c’est la posture qu’adopte Giulia Enders en guise de conclusion. Elle rappelle que l’hygiène est une notion de création récente, et que trop d’hygiène est aussi néfaste que pas assez. Nous consommons trop d’antibiotiques, et de ce fait éliminons les bonnes bactéries en même temps que les mauvaises. Nos défenses immunitaires en pâtissent. L’auteur y donne donc de sages recommandations en termes d’approche médicamenteuse.
Enfin, ce livre se démarque par deux qualités originales. D’une part, des illustrations dans un art naïf, qui reproduisent fidèlement les propos de Giulia Enders, et ont été dessinées par sa propre soeur. D’autre part, une traduction en français dans un style impeccable, ponctué de références et de notes d’humour propres à la culture française: plus qu’une traduction, une véritable adaptation pour le public français.
Le charme discret de l’intestin, Giulia Enders, 350 pages, Actes Sud.
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