L'émotion qui a été ressentie par quatre adolescents en vacances dans le Périgord le 8 septembre 1940 devait être énorme. Ils venaient de découvrir des peintures et des gravures qui avaient été réalisées par des ancêtres 200 siècles plus tôt.
Le nom de Marcel Ravidat figure parmi les inventeurs (c'est comme cela qu'on désigne quelqu'un qui fait une découverte de cet ordre, comme on le fait aussi quand il s'agit d'île ou d'étoile).
S'il existe vingt-cinq grottes ornées dans la région celle de Lascaux est sans doute la plus riche puisqu'elle a été surnommée la Sixtine de la Préhistoire.
Une exposition itinérante permet d'approcher ce sentiment. Intitulée Lascaux III à l’initiative du Conseil Départemental de la Dordogne, elle se déplace depuis 2010. Elle est en ce moment présentée au Parc des Expositions de la Porte de Versailles, à Paris jusqu'au 30 août 2015.
Lascaux fut immédiatement reconnu comme site remarquable et draina un très grand nombre de visiteurs. On constata assez vite un certain nombre de maladies qui affectaient les parois. Des algues et des champignons commençaient à endommager les œuvres. Le ministre de la culture André Malraux décida alors de fermer le site en 1963.
Grace aux progrès techniques il fut possible d'ouvrir vingt ans plus tard une réplique de la galerie principale sous le nom de Lascaux II, que j'avais eu la joie de visiter il y a une dizaine d'années.
L'exposition restitue par le biais d'un film en 3 D le décor de la Salle du Taureau et du diverticule axial, long d'une vingtaine de mètres que l'on regarde avec des lunettes spéciales.Je ne me souvenais pas exactement de la beauté du lieu, sans doute parce que j'étais le jour de ma venue préoccupée par la surveillance de mes enfants. Je me rappelle d'une température très froide.
Le film est d'excellente qualité et l'effet 3 D est impressionnant. Il est ensuite plus facile d'observer les dessins qui sont reproduits sur des plaques de bois.
Des maquettes 1/10 en six tronçons permettent de se rendre compte de l'architecture et du réseaux de couloirs souterrains.
Après quelques panneaux explicatifs, le public est invité à pénétrer dans le cœur de l'exposition pour voir grandeur nature des œuvres qui ne figurent pas dans Lascaux II. Ce sont les répliques exactes de leurs œuvres les plus célèbres composant un ensemble de cinq fac-similés, réalisés en 2011 selon la technique du "voile de pierre" à partir des parois de la grotte périgourdine.
Des scènes qui, à ce jour, n’avaient jamais été vues du grand public. Ce sont les panneaux de la Nef, composés de la frise des bouquetins et le panneau de l'empreinte, le panneau de la vache noire, le panneau des bisons adossés,...
... la frise des cerfs qui rassemble 4 têtes de cerfs sur une longueur de cinq mètres ...
... et la scène du puits, qui est l'unique représentation humaine que l'on surprend au fond du puits d'un mystérieux homme-oiseau au sexe dressé.
Surgissent des Bouquetins affrontés, des Chevaux chinois, la Vache qui saute et des signes abstraits.
La délicatesse des bois étonne, la puissance des taureaux impressionne, la majesté des animaux impose le respect. On le voit encore plus nettement en lumière noire, laquelle fait "ressortir" par intermittence les contours invisibles des gravures qui ne seraient pas perceptibles à l'oeil nu.
A ce stade du parcours on commence à avoir une idée précise de ce qui peut appeler le style Lascaux. Les animaux sont toujours représentés de profil. Ils ont une petite tête surmontant un abdomen ballonné, une queue démesurée, une crinière vaporeuse, une robe dessinant la lettre M. Leurs membres sont courts et animés par des segments articulés. Une réserve de la forme d'un 3 exprime le bout du nez.On peut aussi détailler chaque œuvre car toutes ont été reproduites sur 117 mètres carrés de calque, et spécialement numérisées pour l'exposition. Par exemple ci-dessus la tête d'un cheval tombant.Des félins et signes, très proches du panneau de contreplaqué de la première salle.
Le Rhinocéros de la scène du puits
L'Homme et bovidé de la scène du puits.
Des diapositives sont particulièrement touchantes. Norbert Aujoulat a été autorisé à passer 1 heure par semaine dans la grotte pour photographier les parois. Il lui a fallu une détermination hors norme car 23 ans ont été nécessaires pour venir à bout de sa mission. On en découvre avec émotion un aperçu.Les bisons adossésLa frise des cerfsLa scène du puits
On termine par une analyse de la fresque intitulée la Vache noire et son cortège. On observe que c'est une femelle auroch précédée de vingt chevaux.Un diaporama pointe les éléments au fur et à mesure que se déroule le commentaire explicatif.
Des objets complètent l'exposition. On remarque une lampe à graisse, et une aiguille percée de son chas en apprenant que le système a été inventé il y a tout de même 20 000 ans.Les falaises du Périgord ont été peuplées il y a quarante mille ans parce qu'elles étaient hospitalières et giboyeuses. On a retrouvé sur le sol des outils, des objets pour s'éclairer, des outils du quotidien qui n'avaient rien à y faire. On n'a toujours pas la réponse à la question de savoir ce qu'ils faisaient là.On est confrontés aussi à quatre sculptures anatomiques hyper-réalistes d’un vieillard, d’une femme, d’une adolescente et d’un enfant, réalisées par l’artiste Elisabeth Daynes en s’appuyant sur les données de la paléoanthropologie.
Paris est une halte de Lascaux III dans une tournée mondiale qui a déjà attiré près d’un million de visiteurs et en espère 150 000 cet été dans la capitale.
Les concepteurs ne prétendent pas à une reconstitution qui créerait l'illusion comme dans la grotte Chauvet (qui va jusqu'à restituer les odeurs). Et c'est ce que j'ai apprécié. Cette exposition de 1520 m² est didactique, avec une juste proportion d'information, d'explications, et de jeux interactifs. Rien n'est gadget. Même pas les manipulations. De plus le parcours est conçu de manière à ménager des zones de repos, invitant à s'asseoir pour écouter des informations complémentaires.
On apprend à la fin du parcours que la réalisation d’un nouveau fac-similé de la totalité de la grotte est en cours depuis un an. Il sera intégré au futur Centre International de l’Art Pariétal de Montignac-Lascaux (CIAPML). Dénommé Lascaux 4, il ouvrira ses portes à l’été 2016, au pied de la colline de Lascaux.
Dans la boutique, inévitable, les familles pourront acquérir un kit avec les pigments pour s'exercer à l'art pariétal.
Lascaux à Paris
Du 20 mai au 30 août 2015
Ouvert tous les jours de 10H à 18H en mai et juin
De 10H à 19H en juillet et août
Fermetures exceptionnelles : les mardis en mai et en juin
Paris Expo, Porte de Versailles, Pavillon 8/B
1 Place de la Porte de Versailles - 75015 Paris
Métro : ligne 12, station Porte de Versailles
Tramway : Ligne T2 et T3 - Bus : Lignes 39 - 80