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Le chevalier à la rose: le Festival Richard Strauss de Garmisch projette le film muet de Robert Wiene avec accompagnement d´orchestre
Publié le 26 juin 2015 par Luc-Henri Roger @munichandcoLes organisateurs du Festival Richard Strauss de Garmisch-Partenkirchen ont eu cette année la délicieuse et idée d´organiser la projection du film muet Der Rosenkavalier que Robert Wiene et Ludwig Nerz avaient tourné au départ d´ un scénario qu´Hugo von Hofmannstahl avait lui-même retravaillé à partir de son propre livret avec entre autres acteurs Huguette Duflos, Jaque Catelain et Michael Bohnen. Le film fut tourné dans les studios de Schönnenbrunn et à Vienne. En partie perdu (et notamment pour la dernière bobine des scènes finales), ce film muet avait connu un important travail de restauration et a été présenté à la télévision en 2006 par la chaine ARTE, à l´occasion du 80ème anniversaire de sa sortie en salles.
Comme lors de la première au Semperoper de Dresde en 1926 le film a été projeté avec la musique pour orchestre que Richard Strauss avait composée au départ de son opéra homonyme à l´usage de ce film, et qu´il avait d´ailleurs dirigée le 10 janvier 1926 lors de la première du film. La deuxième projection avait eu lieu à Londres, elle aussi accompagnée d´un orchestre dirigé par le compositeur.Par la suite, les projections cinématographiques eurent lieu avec un enregistrement sur disque, toujours dirigé par Richard Strauss. Une tournée du film avec un orchestre dirigé par le compositeur avait été programmée aux Etats-Unis, mais le projet tomba à l´eau car en 1927 parurent les premiers films du cinéma parlant, ce qui rendit l´orchestre superflu.
Pour la première fois dans l’histoire de la musique, un opéra avait été recomposé en une version instrumentale destinée à être exécutée pendant la projection du film. On est en 1926 à l´aube d´une nouvelle ère multimédiatique qui permettra la diffusion des opéras au plus grand public, un phénomène aujourd´hui coutumier qui élargit considérablement le public des grandes maisons d´opéra grâce á la diffusion dans les salles de cinéma ou à la télévision, et plus récemment encore, par voie d´internet.
Ici à Garmisch, l´Orchestre symphonique de Münster est placé sous la direction de Fabrizio Ventura, un orchestre fondé en 1919 et qui a une tradition straussienne puisque Richard Strauss le dirigea comme chef invité. Le chef italien est un spécialiste de la musique d´opéra qu´il a dirigée dans de grandes Maisons, il est depuis 2007 le directeur général de la musique de la ville de Münster.
On a passé une soirée extraordinaire, drôle et émouvante au Festival de Garmisch. Extraordinaire d´abord par la grande qualité de l´interprétation musicale del´orchestre de Münster. Fabrizio Ventura attaque les tempi avec une vitesse et une vigueur étonnantes pour qui connaît les interprétations de l´oeuvre, mais cette vitesse et cette vivacité correspondent bien aux intentions de Richard Strauss comme en témoigne l’enregistrement gravé en avril 1926 par l’orchestre Tivoli de Londres sous la direction du compositeur. Ventura travaille avec un moniteur sous les yeux qui lui permet de coller la musique au film projeté sur des écrans placés de part et d´autre du grand orchestre. Le travail de synchronisation du chef et de l´orchestre est parfaitement maîtrisé. Drôle et émouvante parce que les codes sociaux et amoureux évoqués dans le film de 1926 nous sont devenus étrangers, d´autant plus qu´ils sont exprimés avec les moyens de la sémantique du cinéma muet, avec ses tableaux et ses mimiques lentes et appuyées, que le cinéma parlant allait bientôt balayer et rendre obsolètes. L´étiquette des cours autrichiennes nous semblent d´un autre âge et l´expression de l´émoi amoureux, des jeux de séduction par des regards appuyés et des mains qui osent à peiner se toucher, les langueurs et le désir qui s´enoncent par des attitudes proches de l´évanouissement, la sexualité partout présente mais jamais filmée, l´acte amoureux qui n´est suggéré que par un décolleté dérangé qu´une actrice rajuste, tout cela est à une telle distance que nous le percevons aujourd´hui comme comique et que ce qui émouvait alors nous fait aujourd´hui sourire avec tendresse quand ce n´est pas rire aux larmes.
A la fois, cette projection avec orchestre nous rapproche du temps de Richard Strauss et nous permet de mieux appréhender le monde dans lequel il a vécu et nous faire comprendre l´ intérêt qu´un librettiste et un compositeur pouvaient avoir pour le nouveau moyen de diffusion de leurs oeuvres qu´offrait le cinéma. Un beau moment festivalier!