L’organisation Maritime International célèbrait hier la Journée mondial des Gens de la Mer, autrement dit les travailleurs de l’océan. L’occasion pour moi de vous parler de pêche durable
La situation aujourd’hui
Pour commencer, le point avec le WWF
Une infographie pour que tout le monde comprenne :
Le message principal, c’est qu’en terme de pêche, la logique économique normale d’augmentation de la production n’est pas viable. On parle d’animaux sauvages qui ont besoin de temps pour se renouveler. Certains poissons ont besoin de 30 ans avant d’atteindre leur maturité sexuelle. Si vous pêchez tous les jeunes, vous mettez en péril toute la survie de l’espèce. Il est donc capital et pour les poissons et pour les pêcheurs, de trouver des solutions pour parvenir à une pêche durable
Par ailleurs, la pêche telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui comporte plusieurs problèmes:
– La pêche illégale : un certain nombre d’autorités, l’UE en tête, ont mis en place des quotas de pêche à respecter. Certains estiment que ces quotas sont encore trop haut comparés à la réalité écologique et critiquent les décisions des états en faveur des pêcheurs. Cependant malgré ces quotas élevés, beaucoup de pêcheurs ne respectent pas les maximum donnés et prélèvent quelques tonnes supplémentaires. Le contrôle n’étant pas automatique, plusieurs centaines de milliers de tonnes dispairaissent ainsi des océans sans figurer sur aucune statistique.
– Prises accidentelles : les bateaux de pêche se spécialisent généralement sur une ou plusieurs espèces de poissons. Par contre les filets de pêche ne sont, eux, pas sélectifs et capturent tout ce qui passe. Le WWF estime ainsi que 300 000 cétacés, 100 000 requins et 340 000 phoques sont capturés accidentellement par des bateaux de pêche. La pêche de 450g de carrelets engendre 7kg de poissons en dommage collatéral. Ces pertes ne sont pas uniquement engendrées par les filets. La pêche à la ligne pour le thon par exemple ou l’espadon attrape jusqu’à 250 000 tortues par an.
Les solutions pour une pêche durable
Quand on parle de pêche durable, on fait référence au principe de développement durable, c’est à dire la prise en compte des sphères sociale, environnementale et économique.
Pour être durable, la pêche doit ainsi préserver l’environnement et les stocks de poissons, assurer un revenu aux acteurs et leur permettre des conditions de travail et de rémunération acceptable.
La plus grosse partie du travail concerne la sphére environnementale et la préservation des stock. Pour protéger ces stocks, il est nécessaire de:
- Pêcher de manière plus selective pour réduire les prises accidentelles
- Redéfinir des quotas plus en adéquations avec l’avis des scientifiques
- Faire respecter ces quotas de manière plus arbitraire
- Faire respecter les tailles minimum de poisson pour éviter de les pêcher trop jeune
- Ne pas avoir recours á des méthodes de pêche néfastes pour l’environnement
- Ne pas cibler les espéces les plus menacées
- Assurer une traçabilité du lieu de pêche au lieu de consommation
Pour la partie économique, le problème des quotas est qu’il implique une rémunération fixe des pêcheurs. Aucune possibilité pour eux d’accroitre leur volume pour pallier à une baisse des prix. Par ailleurs le kilo leur est souvent acheté 4 à 5€ tandis qu’il est revendu en magasin pour 5 fois plus cher.
En France, le problème, soulevé par le Nouvel Obs en 2013 suite à la divulgation d’un rapport de la Cour des comptes est que la filiére pêche est quasimment subventionnée à 100%. Ce qui veut dire qu’il n’y a aucun mécanisme de marché à l’oeuvre pour réguler la filière. De par la nature des aides allouées, la filiére n’est incitée en aucun cas à faire des efforts, que ce soit en terme de respect des quotas, de réduction des consommations ou de sélection des espèces. Cette situation a largement participé au retard de la pêche française en terme de pêche durable. Depuis 2013, de nombreux amendements ont été voté pour rétablir une situation plus saine et faire progrésser la filiére. Voir par ici pour l’analyse plus approfondie.
Pêche durable : les labels
Comme pour beaucoup de biens de consommation, il existe également des labels pour la pêche durable. le plus célèbre d’entre eux, que vous aurez probablement déjà vu sur vos poissons panés (ou pas), c’est le label MSC pour Marine Stewardship Council.
Ce label se base essentiellement sur le code de bonne conduite en matière de pêche durable, publié par la FAO, la branche de l’ONU pour l’alimentation et l’agricultre. La pêcherie labelisée doit suivre trois principes de base à savoir la durabilité des stocks, l’impact sur l’environnement et la gestion de la pêcherie pour assurer sa durabilité
Je vous avouerais qu’après avoir épluché le site, il est difficile de trouver une explication claire des différents critères que doit remplir une pêcherie pour avoir la certification. Il est question par endroits de 23 critères puis ensuite de 28 mais aucune liste claire n’est donnée. Pour moi, ce label reste extrêmement flou.
Par contre j’ai plus facilement trouvé des cas de certifications douteuses et plusieurs critiques envers ce label, notamment de la part de Greenpeace et de l’association Bloom qui oeuvre pour la préservation marine. Ces critiques dénonce surtout le laxisme du label notamment sur l’évaluation des stocks et de l’impact sur l’environnement. Plusieurs certifications ont été données en dépit de l’état alarmant des stocks dénoncé par les scientifiques (cas de la légine antarctique). Par ailleurs, le label MSC n’interdit pas le chalutage de fond qui a pourtant un impact non négligeable et bien connu sur l’environnement. Enfin pour effectuer un recours, il faut, au préalable, payer 6000€ au MSC, 6000€ pour avoir le droit de s’insurger…
Pour la partie production (pêcherie), il se comporte de 12 principes:
- gouvernance capable d’encadrer une exploitation durable
- Préservation de la capacité reproductrice des stocks
- Pas d’impact sur les espéces protégées et menacées via des prises accidentelles
- Faible impact ou nul sur l’habitat
- Limitation de l’utilisation des énergies fossiles
- Pollution par déchets solides, liquides ou gazeux est évitée
- Bonnes conditions d’emploi, de vie de mer et de sécurité pour l’équipage
- Équipage formé et sensibilisé à la sécurité, l’hygiène et le développement durable
- Fraicheur et qualité garantie
- Produits bien valorisés et traçabilité garantie
Le label étant très récents, peu de produits sont certifiés pour le moment, mais les exigences sont plus claires que celles du MSC. Affaire à suivre donc
Que faire en tant que consommateur?
Vous pouvez commencer par acheter du poisson ecolabelisé pêche durable, ce sera un bon début.
La meilleure des solution reste cependant de ne pas manger de poisson. Si vous vivez loin des océans ou des lieux de pêches traditionnels, vous réduirez grandement votre empreinte écologique. Si vraiment vous ne pouvez pas vous en passer, il faut alors contrôler votre consommation. Une à deux fois par semaine suffisent amplement pour vous apporter les éléments nutritionels contenus dans les produits de la mer
Le peu que vous consommez doit être choisi avec soin. La premiére chose à faire, c’est d’arrêter de consommer les espéces menacées, pour enlever la pression sur les stocks existant. Le Slow Food france vous donne une idée de ces espèces ici
Il faut également privilégier les poissons de saison
En hiver : Rouget, sargue, sardine, sériole, pagel, anchois, lotte de mer, pélamide, maquereau, palourde, turbot, poulpe, seiche, coryphène.
Au printemps : Saurel, maquereau, grondin, loup de mer, sargue, liche, pélamide, pagel.
En automne : Germon, loup de mer, rouget, turbot, grondin, coryphène.
En été : Saurel, sole, daurade, sériole, loup de mer, grondin, sargue, sardine, anchois.
Toute l’année : Mulet, capelan, picarel, oblade.
Vous ne connaissez pas la moitié de ces poissons? C’est normal les consommateurs ont perdu leurs connaissances de nombreux produits, fruits et légumes compris. Il est d’ailleurs grand temps de réapprendre. Je vais vous aidez avec des images (visible sur le site uniquement)
Maintenant que vous êtes incollables sur les poissons, il faut également penser à privilégier une pêche artisanale. La pêche au thon en Méditerrannée est par exemple beaucoup moins nocive pour les stocks que la pêche industrielle. Si vous vivez près des côtes, vous pourrez savoir plus facilement le type de pêche utilisée. Dans les supermarchés malheureusement, c’est souvent de la pêche industrielle.
Enfin, on fait attention à la taille des poissons et on privilégie ceux qui ont un cycle de vie court (maqueraux, harengs, anchois, etc.). Ils se reproduisent ainsi plus rapidement et renouvellent les stocks plus vite. Par ailleurs les poissons à cycle de vie plus long ont besoin de 20 à 30 ans pour atteindre la maturité sexuelle et se renouvellent donc plus lentement. Ils doivent également être pêchés plus en profondeur et plus loin en mer ce qui augmente l’impact négatif sur le climat.
Vous voilà parré pour manger du poisson de manière responsable. N’hésitez pas à vous renseigner pour trouver des circuits cours. Même si vous vivez dans les terres, il y a toujours moyen de pêcher saumon (dans l’Allier par exemple), carpes, brochets ou truites dans les rivières et fleuves de France.