Slow West est un travail d'orfèvre, le premier film de John Maclean qui a aussi appartenu aux groupes The Beta Band et The Aliens; de là, on comprend comme le rôle de la musique est pour lui prépondérant à l'installation d'une atmosphère, et pourquoi le score hante chaque plan du film. Fin esthète et on l'imagine, doté d'une sensibilité particulière, Maclean créée des plans d'une beauté graphique indéniable, comme celui montrant une maison jaune siégeant seule dans une vallée verte, entourée d'un chant de blés et surplombé d'un grand ciel bleu ; si il s'agit ici de son premier film, son directeur de la photographie (Robbie Ryan - Les Hauts de Hurlevent) est au top et conjure l'éclatante beauté de la nature néo-zélandaise dans un film censé se passer dans le Far West des années 1870…
À bien des égards, Slow West pourrait être le résultat d'un croisement entre le cinéma de Wes Anderson et celui des frères Coen; il y règne une atmosphère surréaliste, causée en grande partie par ces décors naturels stupéfiants de beauté qui créent un décalage inhérent au statut recherché de western; on y fait aussi des rencontres étranges et parfois absurdes comme si le Far West recélait de ses découvertes inopinées. Enfin, le réalisateur a un œil certain pour les détails incongrus, un humour inattendu et sait aussi user d'une délicatesse infinie lorsqu'il filme Caren Pistorius, incarnant Rose (notamment ses postures ou certains éléments de sa garde-robe), tout comme il sait jouer de l'intensité naturelle de Michael Fassbender, en retrait mais dévorant pourtant l'écran.
Il règne tout le long du film un sens de la solennité vis-à-vis d'une terre pleine de promesses mais encore intraitable et dangereuse. La quête romantique de Jay est emplie d'une mélancolie profonde et le jeune homme trouve en Silas un guide inattendu, quand bien même les deux confrontent leurs points de vue sur ce monde qui semble les engloutir : lors de leur première rencontre, Silas, homme d'action endurci, sait que la violence est nécessaire dans ce nouveau monde, concept auquel refuse de croire Jay qui pense que son idéalisme lui suffira. On y parle d'innocence perdue et d'un passage à l'âge adulte forcé qui traîne à s'accomplir.
Quelques flashbacks retracent l'itinéraire de Jay en Écosse, sa relation avec Rose et les circonstances qui vont tous deux les amener à quitter leur terre natale ; ces souvenirs troublés d'une lumière froide ne sont jamais ouvertement discutés mais offrent un plan de lecture alternatif à l'histoire présentée. Entièrement tenu du point de vue du garçon, le film se révèle être plus riche qu'on ne pouvait l'imaginer à premier abord, y compris dans sa dramatique chute, aussi symbolique que littérale et mise en scène de façon explicitement cruelle (impossible de spoiler tant les petites idées de mises en scène sont superbes et symboliques). Slow West prend véritablement son temps à raconter le poids de l'innocence sentimentale et le pas fourvoyé d'un garçon qui se sait pas vraiment ce qu'il cherche, trop aveuglé par son amour pour penser qu'il devrait agir différemment.
Date de sortie encore inconnue en France.
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Les Hauts de Hurlevent de Andrea Arnold (2012) était numéro 8 de notre top 2012.