Un film de Thomas Cailley (2014 - France) avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs
Original, mais...
L'histoire : Les Landes. Arnaud et son frère ont repris l'entreprise de menuiserie de leur père, récemment décédé. La vie s'annonce toute tracée, et pourtant Arnaud se sent attiré par les promesses d'un car de recrutement de l'Armée qui passe dans leur ville. Un essai ? Un stage de survie ? Juste pour voir ? Ca le tente. Il fait la connaissance de Madeleine, la fille de clients pour lesquels il construit un abri de piscine. Garçon manqué, sportive, brute de pomme, bougonnant sur l'inutilité des choses face à l'apocalypse programmée... elle s'entraîne déjà, elle, pour le stage de survie auquel elle veut s'inscrire. Finalement, c'est tous les deux qu'ils iront. Et cela va beaucoup leur plaire... et leur donner des idées.
Mon avis : Encore une fois, me voilà un peu déçue par rapport à l'enthousiasme général suscité par ce film, couvert d'éloges. Oui, c'est bien, et en plus c'est français ; on ne va pas faire la fine bouche. Le scénario présente un certain intérêt, pour une fois ; l'avenir des gamins pose question, une question universelle du reste, et les mômes sont formidables. J'adore Adèle Haenel, une future grande, grande... Elle apporte beaucoup d'humour avec ses déclarations fracassantes, ses déambulations viriles et son air buté ! De la tendresse aussi. Il faudrait juste qu'elle insiste sur ses cours d'élocution car je ne comprends pas tout ce qu'elle dit. Un défaut chez beaucoup de jeune acteurs.
Mais j'ai trouvé ça un peu lent et brouillon, avec une impression d'inachevé. L'histoire est géniale en elle-même, j'ai aimé cette idée de deux mômes passionnés par la survie, par le combat... contre la nature hostile, et pour ce qui devient une sorte d'art : se préparer, s'entraîner, pour s'en faire une alliée et s'y fondre. Nostalgie du paradis perdu. Fantasme de Robinson Crusoe. Horreur face à toutes ces ethnies qui vivaient en harmonie dans leurs forêts et qu'on massacre ou qu'on force à intégrer la ville. Dans le film, cet aspect des choses, ce message magnifique, reste survolé. On ne sait pas trop si les gamins font ça juste pour s'amuser à dépasser leurs limites, s'ils vont vraiment continuer, en faire une philosophie de vie, ayant découvert la sororité de leurs âmes. La fin peut laisser opter pour cette hypothèse mais il manque au film une sorte d'exaltation qui nuit à la démonstration. Le présent "normal" est trop présent, trop concret (le début est beaucoup trop long) et le passage par la case militaire ressemble plus à une partie de paint-ball qu'à un véritable entraînement de survie.
Le film m'a fait penser pour sa portée à La forêt d'émeraude où un père dévasté décide de laisser vivre son fils dans les bois, constatant à quel point il y est heureux. On songe aussi, bien sûr, à Into the wild. Mais ces combattants demeurent pour moi, en quelque sorte, des petits joueurs, et le fil de l'histoire est beaucoup moins bien structuré. Il s'agit cependant d'un premier film, et non celui de vétérans du cinéma, alors tous les espoirs sont permis !
Néanmoins, c'est un bon film français, à découvrir. Différent, original, avec une interprétation remarquable.
Attention, c'est gore : les maquereaux passés au blender... quelle horreur !
Le film, auréolé de récompenses, n'a pourtant fait que 125.000 entrées en France. Dommage. Il vaut mieux, beaucoup mieux que toutes ces niaiseries dont les gens semblent raffoler...