Dans la nature la valeur de la vie n'est pas la même que celle du monde de l'homme : c'est d'une manière arbitraire que ce dernier mesure la valeur des choses dans un système construit par lui qui est à l'origine de bien des maux.
Nous accordons plus de prix à l'homme qu'aux autres êtres vivants en faisant abstraction d'une réalité : sorti du monde du vivant qui l'entoure, l'homme n'existe plus.
Pete Singer, professeur de bioéthique à l'université de Princeton, a prétendu que la vie des animaux a beaucoup plus de valeur de celle de certains humains.
Certes les consciences évolues : en Argentine la justice des hommes a reconnu qu'une femelle orang-outan baptisée Sandra est une " personne non humaine " et qu'elle a des droits que nous devons respecter. Il est surprenant que cet événement se produise dans une ancienne dictature ; c'est une avancée considérable seulement la France, pays qui se dit être celui des droits et des libertés, s'est contentée de réviser sommairement son code de la justice qui dit que les animaux sont " doués de sensibilité ".
En vérité cette modeste décision émane d'une ligne de conduite raisonnée ; elle est arbitrée par le pouvoir de l'homme qui dans cette idée pernicieuse brise ses obligations morales vis-à-vis de la nature. L'on cherche en quelque sorte un compromis entre son obligation morale et sa conscience morale en préservant son propre intérêt.
Antoine Spire, journaliste animateur radio, a écrit que " mutation et sélection ont fait l'homme de la même façon, qu'elles ont modelé n'importe quel autre vivant " , or l'être vivant qu'il soit animal ou végétal est inscrit dans le modèle économique de l'homme où le bœuf est débité en tranches, où l'arbre est débité en planches. L'être humain raisonne en valeur économique et convertit l'environnement en matière première. Son concept crée inévitablement de l'inhumanité surtout que dans les faits il est lui-même marchandise. Il est victime de sa propre stratégie, de son expansion ; son système le conduit à une dévaluation de sa personne qui l'oblige à une course folle vers un but inintelligible.
Si selon Emmanuel Kant, " l'autonomie de la volonté est le principe unique de toutes les lois morales et des devoirs qui y sont conformes ", sur un plan psychologique, sa quête d'autonomie est devenue un insatiable besoin qui en fait le mobile de l'activité humaine.
Dans ce besoin, l'homme considère le bien de consommation du monde moderne comme le bien essentiel. Il tombe dans une forme d'hédonisme sur lequel l'économiste Jean Romeuf écrivait qu'il est la conception de l'économie selon laquelle la raison et la fin de toute activité économique n'est au fond que la poursuite du maximum de satisfactions.
Devant la naissance, y compris la gestation, devant la maladie et la mort, même devant son identité sexuelle, l'homme est persuadé de pouvoir décréter ce qui est réel, ce qui est vrai et ce qui est bien. Freud y verrait sans doute dans son analyse un trouble obsessionnel compulsif (TOC).
Encore quelques décennies, la planète entièrement dominée par une unique espèce, l'homo sapiens, croulera sous une population qui devrait dépasser la dizaine de milliards.
Comment pouvons nous envisager raisonnablement l'avenir, avec quelle nature ? Avant de répondre, retournons dans le passé.
Entre l'an 1550 et 1610, les scientifiques ont remarqué un fait surprenant : une forte baisse du taux de CO 2 de l'ordre de 7 à 10 particules par million selon l'unité de mesure (ppm). La probabilité que cette chute brutale soit liée à l'homo sapiens est avancée : les hommes traversent l'océan Atlantique pour conquérir l'ouest, pas tout à fait seuls, car ils transportent avec eux des virus. La variole, la syphilis, la grippe se répand dans tout le Nouveau Monde, bien plus vite d'ailleurs que les conquérants, ce qui a pour conséquence de rendre à la nature des millions d'hectares de terre qui étaient exploités jusqu'à leur débarquement par les Amérindiens. Les pionniers qui les découvraient alors ont cru à tort que ces territoires étaient vierges alors qu'ils étaient à nouveau recouvert de superbes forêts qui se nourrissaient de milliards de tonnes de CO 2.
A Sumatra, pour produire de l'huile de palme, l'homme rase les Forêts, massacre les Éléphants. Peu importe qu'il s'agisse de tel fabricant de pâte à tartiner ou de telle autre industrie indélicate, les systèmes économiques négligent les facteurs moraux portés par des êtres qui semblent vivants alors que leurs actes tuent la vie pour de l'argent, un élément abstrait spéculatif de son imaginaire.
L'humain tourne autour de la liberté morale dont il fixe personnellement la ligne rouge à ne pas franchir, or nous constatons que le devoir moral n'a pas la même portée d'une communauté à une autre. Si cette différence est heureuse pour la diversité culturelle, le moteur de la vie, elle complique sérieusement les choses dans les rapports humains.
L'avenir réservé à l'homme qui est arrivé égoïstement aux extrêmes limites de son développement, n'accorde plus l'espace vital aux autres êtres vivants. L'écosystème formé par tous les êtres vivants n'est plus en mesure d'assurer l'équilibre dynamique de la planète où cohabitent humanité, faune et flore.
L'empreinte écologique de l'homme est telle qu'elle empiète sur cet espace vital indispensable au développement de la vie, et de ce fait il met en danger sa propre existence. Les gens du pouvoir transforment le devoir moral en une obligation économique qui prévaut sur l'obligation morale, avancent à chaque fois de nouvelles exigences qu'ils justifient par une volonté de protéger, de progresser, d'améliorer le bien-être de la communauté, en établissent les règles dissociées de celles de la nature où l'argument économique prime manifestement. Dans cette contradiction qui oppose l'homme à la nature, le respect envers les autres êtres vivants devient secondaire.
La nature humaine est irrémédiablement pervertie, alors c'est sans scrupule que nous pouvons nous s'interroger si le trop plein de vies humaines qui se déverse sur terres et sur mers est utile à l'épanouissement du monde car face à cet esprit corrompu et immoral, le caractère cynique de la question est gommé. Même si cela n'entre pas dans la dimension de l'être humain, nous pouvons convenir comme Antoine Spire qu'au regard de cet état de choses nous n'aurions pas eu raison de naître.
La baleine a encore du souci à se faire car elle finit encore aujourd'hui dans l'assiette, transformée en sushi ; le chien garde toujours à ce jour une dent contre l'homme car il finit en " hot-dog " sur les étals chinois.
" La reconnaissance est un maladie du chien non transmissible à l'homme. " - Antoine Bernheim.
C'est étonnant comme une vision peut venir en contradiction avec une autre : jusqu'en 2010 la justice chinoise condamnait à la peine de mort le meurtre d'un panda, la peine est aujourd'hui commuée en prison à vie.
L'homme est plus enclin à reconnaître la valeur économique d'un être vivant dès qu'il y voit intérêt. Lorsque sa sacro-sainte sphère économique modelée par sa main est menacée financièrement en raison de la disparition d'un simple insecte, l'abeille, l'animal est immédiatement converti en monnaie fiduciaire, une monnaie de singe qui ne nourrit pas le milieu naturel.
Le végétal n'est pas épargné par son comportement : dès l'aube de l'humanité, l'homme sélectionne ce qui lui convient, élimine ce qui le gêne. Souvenons-nous que c'est lui qui décrète ce qui est bien. Pour l'herbe envahissante de son jardin qui ne présente pas d'intérêt à ses yeux, il élabore le moyen pour éradiquer l'indésirable. Il lui importe que l'insecte qui s'y nourrit succombe, sauf si cet insecte est une abeille ouvrière qui travaille pour lui.
L'homme cultive l'illusion d'une puissance qui lui donne le pouvoir de se substituer à la nature en devenant le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, alors que son existentiel est nature. Il est intimement lié à ses lois inscrites dans la finitude et l'infinitude de l'univers qui ne relèvent pas de son autorité.
L'homme a édicté des règles où le droit opposable à tous renferme le droit à la vie, seulement il est l'intérêt et le principal de cette apologie. Sachant qu'il existe les droits de l'homme plus ou moins appliqués, à l'approche d'une prochaine conférence sur le réchauffement climatique, l'homme de pouvoir émet l'idée de rédiger de nouveaux droits qu'il nomme " droits de l'humanité ". Nous voyons immédiatement que dans ce titre la finalité de ce texte est orienté encore une fois vers l'humain. S'il y a une codification de nouvelles lois à établir, ce doit être les " droits de la nature ".
Depuis l'extinction des dinosaures il y 66 millions d'années, l'homme, le plus grand prédateur que la terre ait portée, défait depuis le début du XXème siècle, c'est-à-dire en quelques générations seulement, ce que la nature a développé dans intervalle. Le nombre d'espèces qui disparaissent au siècle dernier est cent quatorze fois supérieur à ce qu'il aurait été sans activité humaine selon les estimations les plus optimistes en matière d'extinction des experts.
La course folle se poursuit : le guépard, le félin reconnu pour être le plus rapide, est passée en dessous de la barre de 10.000 individus ; le puma, ou couguar, mammifère emblématique, est déclaré officiellement disparu à l'état sauvage. En 2050, nos enfants ne verront plus d'éléphants à l'état sauvage sur le continent africain.
Robin Cook a dit que " le virus est le dernier prédateur de l'homme. ", et contrairement à la reconnaissance du
chien, cette maladie transmissible est capable de rayer l'espèce humaine du globe.
La pérennité de l'homme n'est possible qu'aux côtés de l'animal.