Actes Sud fait sa rentrée…littéraire

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Actes Sud fait sa rentrée…littéraire (23-06-2015)

Otages intimes de Jeanne Benameur  (208 pages ) 19 août 2015

C’est l’histoire d’Étienne, photographe de guerre, pris en otage dans quelque lointaine ville à feu et à sang. C’est l’histoire d’un enfermement et d’une  libération – pas forcément ceux qu’on croit.

Sur une thématique éminemment contemporaine, le nouveau roman de Jeanne Benameur s’ouvre comme un film d’action pour mieux se muer en authentique livre de sagesse. Avec la délicatesse d’âme et la profonde sincérité qu’on lui connaît, l’auteur des Demeurées et de Profanes y tend une ligne droite entre la tête et le cœur, un chemin vers des êtres debout.

Crash-test de Claro (240 pages)  19 août 2015

Un employé affecté aux “crash-tests” chez un constructeur automobile, une strip-teaseuse se jouant de ses voyeurs mâles, un adolescent qui échappe à la cellule familiale en découvrant l’autoérotisme dans des bd pour adultes : trois personnages en quête d’un point de rupture, d’une forme d’accident, et qui tous dansent sur le fil du rasoir au centre du sanctuaire que Claro édifie ici à Éros et Thanatos.

Bâtisseurs de l’oubli de Nathalie Démoulin (208 pages) le 19 août 2015

Sur les vestiges des colonisateurs de la Rome antique, Marc Barca, dit “le Mama”, a édifié dans la région de Sète un empire de béton gagné sur des terres deltaïques toujours plus menacées par les eaux montantes de la Méditerranée, en bâtisseur amnésique de sa propre histoire mais émerveillé de laisser à son tour son empreinte sur un territoire rendu légendaire par la succession des siècles.

Magnifique variation sur la permanence du mythe de Prométhée confronté au pouvoir destructeur des exils intérieurs, ce roman célèbre la force du désir humain d’aventure et la transitoire et douloureuse beauté de ses accomplissements promis à la corruption ou à l’effacement.

Boussole de Mathias Énard (480 pages)  le 19 août 2015

Insomniaque, sous le choc d’un diagnostic médical alarmant, Franz Ritter, musicologue viennois, fuit sa longue nuit solitaire dans les souvenirs d’une vie de voyages, d’étude et d’émerveillements. Inventaire amoureux de l’incroyable apport de l’Orient à la culture et à l’identité occidentale, Boussole est un roman mélancolique et enveloppant qui fouille la mémoire de siècles de dialogues et d’influences artistiques pour panser les plaies du présent.

Après Zone, après Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, après Rue des Voleurs… l’impressionnant parcours d’écrivain de Mathias Énard s’épanouit dans une magnifique déclaration d’amour à l’Orient.

La Source d’ Anne-Marie Garat (384  pages)  19 août 2015

Où les histoires commencent-elles et où vont-elles une fois racontées ? Leur flux charrie des corps et des âmes, on entre dans leur eau à ses risques et périls, la vie en est changée. Ainsi la narratrice, écoutant la vieille Lottie sait-elle vers où la précipite la très ancienne histoire qu’elle raconte? En rien celle-ci ne la concerne. Pourtant elle croise à point nommé la sienne et par son cours modifie le sien. Car les récits ni les contes ne sont d’inoffensives machines, leurs remous nous attirent et nous emportent, comme ceux de la Flane dont le méandre embrasse le domaine des Ardenne.

Ah ! ça ira… de Denis Lachaud (432 pages) 19 août 2015

Roman du passage à l’acte qui ne serait plus issu d’une idéologie mais bien du vécu de l’individu, d’un être simple, d’un quidam, d’un vivant ; d’un être qui marche, puis court vers la possibilité du sursaut. Un sursaut qui enfin se décuple et qui pourrait bien, après la violence, l’idéologie et le militantisme, enfin changer le monde.

Notre désir est sans remède de Mathieu Larnaudie (240 pages)  19 août 2015

L’existence mouvementée et dramatique de l’actrice américaine Frances Farmer (1913-1970) a largement excédé son emploi cinématographique de jolie blonde à la raisonnable impertinence. Inspiré librement de sa biographie, ce roman découpé en sept tableaux, de la lumière à l’ombre, de Hollywood à la claustration, soutient une réflexion politique sur le corps jeté en pâture à la gloire.

Merci bien pour la vie de Sibylle Berg (352 pages) 2 septembre 2015

La vie de galère de Jojo débute en 1966 en RDA, qui n’avait peut-être jamais encore été décrite avec tant de noirceur. Manque de chance, le petit Jojo n’a pas de sexe clairement défini. Conçu un soir de beuverie – son père a disparu avant sa naissance, sa mère peu après –, il vit dans un orphelinat qui a tout d’une colonie pénitentiaire. Et pourtant, Jojo ne semble pas dutout affecté par ce départ difficile dans la vie.

Drôle, provocatrice et infiniment tendre, Sybille Berg raconte l’émouvante histoire d’un personnage qui, à travers la pureté même de son esprit, nous révèle combien nous sommes tombés bas. Nous assistons à l’avènement d’un héros emblématique de notre temps, comparable à des figures littéraire immortelles comme Candide, le brave soldat Chvéïk, Simplicissimus, ou encore l’Idiot.

Merci bien pour la vie est la réponse picaresque de Sibylle Berg aux égarements de notre époque.

L’Imposteur de Javier Cercas (448 pages) 2 septembre 2015

En juin 2005, l’histoire d’un paisible nonagénaire barcelonais fait le tour du monde : Enric Marco, le charismatique président de l’Amicale de Mauthausen, qui pendant des décennies a porté la parole des survivants espagnols de l’Holocauste, n’a jamais connu les camps nazis. Et l’Espagne d’affronter sa plus grande imposture, et Javier Cercas sa plus audacieuse création littéraire.
Cet Imposteur est l’aboutissement du “personnage réel” que Javier Cercas met en scène dans tous ses romans. Éblouissante réflexion sur le héros (le mythe est ici déconstruit à mesure que sont démontés les mécanismes ingénieux de son élaboration), sur l’histoire récente de l’Espagne et son amnésie collective, sur la “mémoire historique” et son business, sur le mensonge (forcément répréhensible, parfois nécessaire, voire salutaire ?), sur la fonction de la littérature et son inhérent narcissisme, la fiction qui sauve et la réalité qui tue.

À l’instar de Flaubert, Javier Cercas s’évertue à crier “Enric Marco, c’est moi !” mais le tour de force de ce roman sans fiction saturé de fiction est de placer chaque lecteur au pied du mur, enferré dans ses propres contradictions.
Nous sommes tous Enric Marco, oscillant constamment entre vérités et mensonges pour rendre la vie réelle supportable. À un niveau certes moins ambitieux que celui de notre Grand Imposteur, chacun ne s’efforce-t-il pas de créer, tant bien que mal, sa propre légende ?

Le Quartier américain de Jabbour Douaihy (208 pages)  2 septembre 2015

Abdel-Karim est le descendant d’une grande famille de notables musulmans, les Azzâm, qui a longtemps dominé la vie politique à Tripoli. Comme d’autres enfants de son milieu, il a été scolarisé dans une école chrétienne, s’est nourri de culture française et s’est marié, ou plutôt a été marié malgré lui, à la fille d’un nouveau riche. Il la quitte pour s’installer à Paris, où il vit une brûlante histoire d’amour avec une danseuse yougoslave, mais la soudaine disparition de cette dernière le force à retourner, en plein désarroi, dans sa ville natale. Là, il retrouve le fils de la femme de ménage des Azzâm, Ismaïl, issu d’une famille extrêmement pauvre vivant dans le quartier le plus délabré de Tripoli, dit “le quartier américain”. À la suite de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, des prédicateurs religieux recrutent des combattants pour le djihad. Ismaïl en fera partie, et il sera chargé de mener une opération suicide à Bagdad…
À travers les destins croisés de ces deux personnages, c’est l’histoire récente de toute une ville qui nous est admirablement contée, dans un roman à la fois riche et concis, où rien n’est superflu. 

& Fils de David Gilbert  (528 pages)  2 septembre 2015

C’est l’enterrement de son plus vieil ami, le bien fade Charlie Topping, qui semble déclencher la prise de conscience chez Andrew N. Dyer, grand écrivain new-yorkais, auteur d’une œuvre cultissime et toujours d’actualité.
Soudain saisi par l’imminence fatale de sa propre mort, Andrew décide de réunir ses fils adultes, avec qui le courant est devenu au mieux alternatif : Richard, l’ex-toxico exilé en Californie qui tente de se réparer en s’appliquant à jouer son rôle de père ; Jamie, l’extrémiste du cinéma-vérité aux motivations douteuses. Deux hommes manifestement en fuite – d’eux-mêmes au minimum. Mais surtout il y a le tout jeune Andy, dix-sept ans, le demi-frère. Dyer entend solennellement le “confier’’ aux deux “grands’’ qui le connaissent d’autant plus mal que sa naissance a en son temps brisé le couple parental. D’ailleurs Dyer a une confession à leur faire à tous, le genre qui, bien qu’indispensable pour se mettre en conformité avec la
vérité, vous fait immanquablement passer pour un fou.
Et pour couronner le tout, l’histoire est racontée par Philip Topping, fils de l’ami mort, de toute éternité relégué au seuil de la famille Dyer – comme un joueur remplaçant qui observerait la vie depuis le banc de touche ; qui tenterait de glisser ses propres tragédies dans la lumière des premiers rôles.

Tout cru d’ Arnon Grunberg  (528 pages) 2 septembre 2015

Roland Oberstein, économiste, est un universitaire de renom dont les recherches portent  actuellement sur deux domaines : l’histoire des “bulles” spéculatives et les bénéfices économiques de l’Holocauste. Âgé de quarante et un ans, il a bradé sa vie privée pour sa carrière, quitté les Pays-Bas pour un poste dans une université américaine et laissé derrière lui, sans remords apparent, une famille. À l’occasion d’un colloque, il fait la connaissance d’une Américaine qui tombe sous son charme. Oberstein n’a pourtant rien de charmant : plutôt commun physiquement, il est comme infirme des sentiments, étranger à lui-même et au monde, il semble vivre derrière une façade de politesse et de convenances. Mais il sait que son improbable incapacité passionnelle est précisément ce qui en lui fascine certains, et plus particulièrement les femmes.
Virtuose des partitions inavouables de l’âme, Arnon Grunberg est aujourd’hui mondialement reconnu. Toujours penchés au-dessus du vide, prêts à tomber dans les ténèbres de l’enfer, ses personnages ricanent de leurs propres faiblesses et s’enivrent de celles des autres. Cyniques, ils épinglent l’absurde solitude de l’être humain, une fatalité affective ou une banalité sexuelle autour de laquelle ils semblent danser tel un attroupement de cinglés tout droit sortis d’un tableau de Bacon.
Dans ce registre, Tout cru est l’un des romans les plus achevés de Grunberg, sur le mode d’une comédie enlevée, aux rebondissements tristement hilarants. Grimaçant mais tellement juste, douloureux mais incorrigible, le monde est devenu dingue, il boite ici sans pour autant réaliser qu’il n’a déjà plus qu’une jambe

Neverhome de Laird Hunt   (192 pages) 2 septembre 2015

Pendant la guerre de Sécession, une jeune femme se travestit en homme pour aller combattre à la place de son trop fragile compagnon. Ayant perdu trace de son régiment après une bataille féroce où elle a été blessée, Constance, guidée par l’amour infini qu’elle porte à Bartholomew, entame le long et périlleux périple de retour. Elle sera recueillie et soignée par une infirmière veuve de guerre, qui s’éprend d’elle et lui propose de partager sa vie, ce que Constance refuse. Par dépit, celle qui l’avait entourée de soins la fait enfermer dans une maison de fous, dont Constance parvient à s’échapper.
Subvertissant les catégories du roman historique comme de l’épopée, Neverhome, tout en narrant un authentique parcours, réussit le tour de force de se tenir en équilibre à la lisière de tous les genres littéraires et fonctionne à la manière d’un conte cruel qui, jouant de l’anamorphose, propose une envoûtante méditation sur la fragilité de nos certitudes et l’ambivalence de toute réalité, sur sa nécessaire inconstance dont Constance (au prénom dès lors ironique), incarnation supposée de la droiture et de la bravoure héroïque, fait elle aussi les frais.

La Frontière sud de José Luis Muñoz  (512 pages)   2 septembre 2015

Mike Demon (déjà aperçu dans Babylone Vegas) est vendeur d’assurances. Il mène une existence de bon Américain moyen tout en s’offrant des escapades amoureuses ou sexuelles lors de ses tournées. À Tijuana, il promet à la prostituée sublime dont il est tombé follement amoureux de lui faire passer la frontière. C’est sans compter Fred Vargas, un flic mexicain violent et véreux, qui fait chanter les bons pères de famille yankee venus s’encanailler de l’autre côté de la frontière…
Une double intrigue menée de main de maître pour un western noir sursaturé de violence et de sexe.

Les Os de la vérité de Roger Alan Skipper  (352 pages) 2 septembre 2015

À cinquante-sept ans, Tuesday Price est l’objet du mépris de tous à Green County. Il serait fainéant et préférerait le jogging et la boisson au travail.
Lorsque sa femme lui annonce qu’elle est enceinte, il décide de rentrer dans le droit chemin. Mais un lourd passé ne cesse de se rappeler à lui…
Après Le Baptême de Billy Bean, Roger Alan Skipper livre un roman sombre où vie et mort semblent faire cause commune pour empêcher toute rédemption, un roman sobre et singulier en forme de quête de soi, porté tantôt par la tension du dévoilement attendu d’une vérité dévastatrice, tantôt par le spectacle fascinant d’une “rénovation intérieure”.

Millénium 4 Ce qui ne me tue pas de David Lagercrantz (512 pages) 27 août 2015

Quand Mikael Blomkvist reçoit un appel d’un chercheur de pointe dans le domaine de l’intelligence artificielle qui affirme détenir des informations sensibles sur les services de renseignement américains, il se dit qu’il tient le scoop qu’il attendait pour relancer la revue Millénium et sa carrière. Au même moment, une hackeuse de génie tente de pénétrer les serveurs de la NSA...

Dix ans après la publication en Suède du premier volume, la saga Millénium continue.

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