Le franc suisse, meilleur allié des investisseurs étrangers ?

Publié le 23 juin 2015 par Vincentpaes
Crédit : franc suisse par Shutterstock Autres articles Le CHF s’apprécie face aux autres devises depuis les années 1970, même si certains modèles de change (comme la parité de pouvoir d’achat et le taux de change effectif réel) ont régulièrement indiqué que la monnaie suisse était surévaluée. Pour les investisseurs en EUR, chacune des trois phases d’appréciation du CHF au cours des cinquante dernières années, a démontré que l’exposition au risque de change sur le CHF (à savoir le fait de ne pas se couvrir) s’est avérée être la meilleure option : les investisseurs en EUR ont atteint des performances supérieures avec une volatilité inférieure ! Les fluctuations du CHF ont eu notamment pour effet de réduire la volatilité pour les investisseurs en actions étrangers et ont ainsi permis d’améliorer le profil risque/rendement d’une exposition aux actions suisses.

Pourquoi l’exposition au risque de change permet-elle d’améliorer les performances ? Comme pour d’autres économies largement tournées vers l’exportation, l’explication tient à la très faible corrélation entre les fluctuations du CHF et les performances du marché local. Ainsi, la corrélation est négative sur les vingt et dix dernières années, proche de zéro sur les cinq dernières. Autrement dit, le fait de s’exposer à la fois au risque de change et au risque de marché peut se révéler très avantageux en termes de diversification.  

Qui plus est, le CHF est généralement considéré comme une valeur refuge en période de crise, une réputation due au fort excédent de la balance courante suisse, d’importantes réserves de devises étrangères, une faible dette publique, ainsi qu’une une grande stabilité politique et sociale. C’est pourquoi le CHF a eu tendance à s’apprécier dans les périodes successives de forte chute des marchés actions, en particulier durant la crise financière mondiale de 2008, la crise de la zone euro en 2011 et, plus récemment, lors de la forte baisse survenue à la suite de l’annonce de la BNS de l’abandon du taux plancher avec l’euro. Outre une exposition bénéfique au risque de change sur le CHF, les investisseurs étrangers ont de bonnes raisons de regarder de très près les actions suisses libellées en euro. Sur les quinze dernières années, le marché actions helvète (indice SPI) a surperformé significativement ses homologues S&P 500 et MSCI Europe : en comparaison des deux autres indices, le SPI a généré des performances supérieures (7% annualisé pour le SPI, contre seulement 2,5% et 3%, respectivement, pour le MSCI Europe et le S&P 500), pour une volatilité moindre (13% annualisé pour le SPI, contre plus de 15% pour ses homologues*). Les raisons sont d’ordre structurel. Outre la stabilité de la situation macroéconomique et sociale de la Suisse déjà évoquée, l’accès au capital y est plus facile qu’ailleurs. La flexibilité du marché de l’emploi, les accords commerciaux bilatéraux, un environnement fiscal accommodant et une forte culture de fonds propres («equity culture») parmi la base d’investisseurs domestique représentent des atouts fondamentaux du marché suisse.

Mais surtout, les sociétés suisses génèrent le plus haut niveau de rendement interne du capital investi (CFROI), en comparaison des grandes économies mondiales. Ce ratio, qui mesure les entrées de liquidités d’une société par rapport à ses sorties de trésorerie est probablement le meilleur indicateur de l’efficience opérationnelle d’une entreprise et de sa capacité à créer de la valeur pour les actionnaires. La force du CHF a, durant de nombreuses années, imposé un défi de compétitivité aux entreprises suisses, qui ont dû apprendre à être flexible, pragmatiques et à innover constamment. Elles s’affichent aujourd’hui dans le peloton de tête mondial des dépenses en recherche & développement. Ces efforts déterminants leur ont permis de développer des produits à haute valeur ajoutée, qu’elles vendent avec des marges supérieures partout dans le monde. Les compagnies suisses ont semble-t-il surmonté le handicap de la « cherté » de leur devise.

A propos de l'auteur : Eleanor Taylor-Jolidon est gérante de portefeuille actions suisses chez UBP.