Article de Marie-Claire (et toc) - Avril 2015
Plutôt nues que conquérantes à l'écran, frappées elle aussi par le plafond de verre, les actrices, réalisatrices ou scénaristes sont encore loin de l'égalité avec les hommes dans ce milieu. Mais l'initiative du groupe Kering au Festival de Cannes compte bien leur apporter temps de paroles et lumière.
Patricia Arquette aux Oscars
Quel est le point commun entre Le seigneur des anneaux, Pulp fiction, The social network et Le loup de Wall Street ? Tous ces films échouent lamentablement au test de Bechdel. Ce test, récemment remis en lumière par le Swedish Film Institute et par le site Women in Films, soumet chaque oeuvre cinématographique à trois questions :
- Y a-t-il au moins deux personnages féminins identifiables par un nom ?
- Se parlent-elles ?
- Si oui, parlent-elles d'autre chose que d'un homme ?
Si ce test paraît un peu simplet - et n'est pas infaillible - il a au moins le mérite de mettre officiellement les pieds dans le plat. Car, oui, en 2015, le cinéma est encore très loin de l'égalité des sexes. Dans les films américains à succès, seuls 30 % des personnages qui s'expriment sont des femmes, dont presque un tiers en tenues suggestives, voire partiellement nues... contre 7 % des hommes dans le même appareil. Quant aux métiers qu'elles exercent, là aussi c'est savoureux : Hollywood fait pire que la réalité avec, par exemple 10 % de rôles de médecins, quand elles sont 32 % à l'être dans la vraie vie. Plus inquiétant, la représentation des filles de moins de 20 ans nues ou presque nues a augmenté de 35 % entre 2007 et 2012 ! Et en 2014, les femmes représentaient seulement 12 % des protagonistes du top 100 des films qui ont eu du succès, soit encore moins qu'en 2013 (15 %) et 2012 (16 %). Bref, la situation, catastrophique, s'aggrave.
L'explication de ce manque criant de femmes à l'écran (habillées et douées de parole, si possible) se trouve ne partie derrière la caméra : en France, seuls 23 % des réalisateurs de longs métrages agréés sont des femmes. Et elles bénéficient, sans surprise, de moins de financements : en moyenne 3,45 millions d'euros, contre 5,66 millions d'euros pour les hommes. Aux Etats-Unis, on compte seulement 9 % de réalisatrices, 15 % de scénaristes et entre 17 % et 25 % de productrices. Une disparité vertigineuse, bien représentée aux Oscars, puisque 77 % des électeurs sont des hommes. Lors de la dernière cérémonie, Patricia Arquette a d'ailleurs prononcé un émouvant discours en faveur de l'égalité, très applaudi par Meryl Streep et Jennifer Lopez. Y aura-t-il un équivalent cette année à Cannes ? Une initiative en tous cas : le groupe Kering (anciennement Pinault-Printemps-Redoute) organise l'évènement Women in Motion. Chaque jour pendant le festival, des débats auront lieu sur des thèmes relatifs à la place de la femme au cinéma - accès aux financements, place dans les sociétés de production, à l'Académie des Oscars... - qui seront retransmis sur la chaîne TCM Cinéma. Une initiative à saluer dans le cadre d'un festival qui, rappelons-le, rassemble mille huits cents films chaque année... dont seulement 7 % réalisés par des femmes.