Kazuki Yamada
Premier grand concert d´une semaine festivalière riche en découvertes musicales avec ce brillant chef japonais de renommée internationale qui vit aujourd´hui à Berlin. Kazuki Yamada dirige depuis 2010 l´Orchestre de la Suisse romande, et, depuis septembre 2014, est aussi le chef principal invité de l´Orchestre philarmonique de Monte-Carlo, dont il deviendra le Directeur artistique et musical à partir de la saison 2016/2017. A Garmisch, il dirige l´Orchestre d´Etat de Weimar (Staatskappelle Weimar), un orchestre quadricentenaire avec lequel collabora en son temps Richard Strauss, un compositeur qui occupe une place de choix dans son répertoire. La Staatskappelle a fait le déplacement au grand complet puisque la première oeuvre interprétée, le Don Juan du jeune Richard Strauss, demande le déploiement d´un grand orchestre de 80 instrumentistes.En 1888, Richard Strauss n´a que 24 ans lorsqu´il compose son poème symphonique Don Juan au départ d´un poème du poète romantique autrichien Nikolaus Lenau (1802-1850), un homme tourmenté au destin tragique puisque il meurt interné dans un asile. Si Strauss place trois extraits du poème de Lenau dans la préface de sa partition, il ne souhaite cependant pas que son oeuvre rappelle ou s´inscrive dans la tradition du Don Giovanni de Mozart ou des oeuvres littéraires qui ont contribué á élaborer le mythe d´un grand séducteur. Son objectif avoué est de „produire par l´expression de la musique érotique une impression profonde à tous ceux qui sont capables de la ressentir“.
Kazuki Yamada, lutin bondissant, maîtrise à la perfection l´orchestration straussienne du poème symphonique en faisant virevolter le grand orchestre des expressions musicales d´ensemble à l´individualisation des groupes musicaux. Il donne à voir et à ressentir jusqu´à la moelle l´érotisme de cette oeuvre qui évoque la personnalité pulsionnelle du séducteur dont elle évoque d´abord l´histoire pour la mêler ensuite aux thèmes qui incarnent la femme et l´idéal féminin. Une musique qui nous traverse et nous emporte comme un torrent.
La seconde partie de la soirée s´ouvre avec un moment plus léger, quasi anecdotique, les trois préludes de Guntram, le premier opéra de Strauss, avec ses accents encore très wagnériens. Les musiciens de la Staatskappelle l´interprètent avec l´affection familière qu´on a pour ses ancêtres puisque cet opéra connut sa première en 1895 précisément à Weimar. La soirée s´achève en apothéose avec Tod und Verklärung (Mort et transfiguration), un poème symphonique d´un mysticisme inspiré que Strauss compose alors qu´il n´a encore que 25 ans, juste après avoir terminé son Don Juan. Dans cette oeuvre à l´aura métaphysique, Strauss aurait voulu exprimer la dernière heure d´un artiste dans une expression musicale où le sublime dépasse le tragique. L´interrogation sur la mort se retrouve à plusieurs reprises dans l´oeuvre de Strauss et notamment dans le célèbre vers des Quatre derniers Lieder, "Ist dies etwa der Tod?". Richard Strauss évoquera d´ailleurs cette oeuvre sur son lit de mort. Kazuki Yamada et la Staatskappelle de Weimar en dont donné une interprétation pénétrée, solennelle et mystique, un très grand moment musical.
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