« En descendant l’escalier, elle se surprit à vouloir augmenter le jeune homme. Un deux-pièces aussi ordinaire, dans un quartier trop excentré, voilà tout ce que l’élite du pays pouvait s’offrir ? Il méritait quand même mieux. A son poste, il devait émarger à cinq mille euros mensuels. Il y avait vingt ans, ça lui aurait paru indécent. On finissait par s’habituer à l’argent. »
Selon Le Larousse, est initiée la personne qui est dans le secret, qui est au courant de certaines pratiques (...). Dans ce roman, les initiés appartiennent à la noblesse d'Etat. Ils travaillent au cœur de la haute finance, soit à Bercy, soit dans le secteur privé après un passage obligé dans le secteur public. L'action se situe après 2008. Un président de gauche est au pouvoir, élu en adoptant la posture de l'ennemi de la finance. Il a nommé à Bercy une sorte de Montebourg en jupe et en talons hauts qui détonne dans le milieu très bourgeois et très feutré des inspecteurs des finances.
« Son salaire doit friser les cinq cent mille euros annuels et il a culot de m’expliquer qu’il ne faut pas augmenter le Smic trop vite pour ne pas déstabiliser les entreprises. Je peux vous dire que l’entretien n’a pas duré longtemps. »
Cette élite de l'énarchie tente de circonscrire l'action du gouvernement, notamment celle de son ministre de tutelle. Pour elle, gauche et droite sont des notions obsolètes... la gauche surtout ! Ces hauts fonctionnaires qui abusent de leur prestige ont la certitude de servir avec loyauté la France en mettant l'Etat au service de la finance pour favoriser la croissance du secteur. Ainsi, plus les banques françaises sont "grosses", estiment-ils, mieux les intérêts de la France sont défendus dans le contexte de la mondialisation. Sauf que derrière ce théorème fumeux, ce sont le cynisme et le carriérisme qui sévissent en règle générale avec des retours d'ascenseurs pour services rendus, de la connivence, de l'entre-soi, de la cooptation et de l'omerta qui permettent à certains inspecteurs des finances de pantoufler ensuite dans le secteur bancaire privé et de s'enrichir en multipliant au moins par dix leurs revenus.
« Non, la situation n’est pas inédite. Au contraire, il s’agit toujours de la même histoire. Une banque va mal, et elle n’a même pas besoin d’appeler l’Etat à son secours : il y vole spontanément. »
Too big to fail... Le récit se déroule au moment où la principale banque française de taille internationale, dirigée par un de leurs pairs - on pense incidemment à François Pérol ou à Daniel Bouton - se trouve dans une situation très inconfortable après avoir profité de la généreuse manne financière de l'Etat en 2008. La banqueroute menace ! Cette banque va devoir vendre à perte certaines filiales, mais sans pouvoir se sauver elle-même. Elle aura vite besoin de l'argent frais des contribuables, du secours de cet Etat qu'elle méprise et qu'elle vomit en temps normaux !
« Je lis la presse comme vous mesdemoiselles, avait-il commencé, et si j’ai voulu vous voir c’est justement parce que je sais que, en tant qu’inspectrices des finances, vous ne vous contenterez pas des analyses partielles, et partiales, des journaux qui ne posent pas les bonnes questions. Ne tournons pas autour du pot. Je veux parler de la presse de gauche, qui a toujours ce prisme idéologique malheureux quand il s’agit d’analyser des situations pourtant claires. La question n’est pas de savoir si ce plan de soutien sur lequel vous travaillez a favorisé telle ou telle banque. La question est de savoir si ce plan était nécessaire. »
Mais, la ministre de l'économie n'envisage pas un remake de 2008 qui transforma la crise de la dette privée des banques en crise de la dette publique. Certes, cette banque devra être sauvée pour éviter l'effondrement de l'économie réelle, mais, ses dirigeants et ses principaux actionnaires devront en payer le prix, et ce faisant, servir d'exemples...
« Ce n’est pas un jeu. Dans des situations comme celle de 2008, on ne joue pas, mademoiselle. Toutes les banques pouvaient, à un moment ou à un autre, avoir besoin de ce plan. Il était plus cohérent que tout le monde en profite au même moment, pour que personne ne soit stigmatisé. Le pouvoir politique a imposé cette décision pour que nous puissions, nous et les autres, continuer à proposer des crédits à l’économie française. c’était un gentleman’s agreement. On n’a pas parlé de concurrence à ce moment-là. On a parlé de solidarité. »
Or, pourra-t-elle mettre en œuvre son plan ? Elle devra à la fois convaincre le président de la République, et contrecarrer l'influence de la haute finance au sein de l'Etat, si besoin est, en exploitant une enquête interne sulfureuse sur la précédente crise financière qui révèle la collusion et la consanguinité du pouvoir politique et de la haute administration avec le principal dirigeant de cette banque.
« Vous préférez quoi, mademoiselle ? Manger ou être mangé ? Pour ma part , j’ai choisi. Je me défends. Par tous les moyens. Il y a des moments où l’intérêt de l’Etat rejoint celui de ma banque. La crise de 2008 a été l’un de ces moments-là. Ces moments sont nombreux et vont l’être de plus en plus, mademoiselle. Nous avons besoin d’alliés au sein de l’Etat. Nous avons besoin des plus brillants. Vous en faites partie, je vous l’ai déjà dit la dernière fois. (…) Vous avez beaucoup à gagner à être de notre côté, avait-il repris. Beaucoup plus. ( …) Combien gagnez-vous, à l’Inspection, mesdemoiselles ? Quatre mille, cinq mille euros ? A combien finirez-vous votre carrière si vous restez dans l’administration ? Huit mille, dix mille au mieux ? Réfléchissez-y. »
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Ah oui, dernière chose, je précise que les initiés sont, bien entendu, une œuvre de fiction ! Toute coïncidence avec des faits ou des individus réels est purement fortuite... :D