Sophie Calle décrit sa démarche en ces termes : « J’ai reçu un mail de rupture. Je n’ai pas su répondre. C’était comme s’il ne m’était pas destiné. Il se terminait par les mots : Prenez soin de vous. J’ai pris cette recommandation au pied de la lettre. J’ai demandé à 107 femmes, choisies pour leur métier, d’interpréter la lettre sous un angle professionnel. L’analyser, la commenter, la jouer, la danser, la chanter. La disséquer. L’épuiser. Comprendre pour moi. Répondre à ma place. Une façon de prendre le temps de rompre. À mon rythme. Prendre soin de moi ».
Parmi les 107 interprétations exposées, j’ai particulièrement aimé les photos représentants chacune de ces femmes dans différents lieux et postures. Elles posent en lisant la lettre ou après l’avoir lue. 107 expressions corporelles différentes pour exprimer une même douleur…
Mais cette exposition montre surtout 107 créations plus ou moins touchantes. Si je ne me suis pas reconnue du tout à travers les diverses interprétations des chanteuses (lyriques, rap, rock…), j’ai en revanche été sensible ou amusée par bon nombre d’œuvres :
- Une vidéo de GUESCH PATTI. Assise sur un banc, immobile. Une voix off (que l’on devine être la sienne) lit la lettre tandis qu’un interminable cortège de manifestants défilent bruyamment derrière elle. Elle finit sa lecture, lève un regard perdu, froisse la feuille, verse quelques larmes, puis s’en va.
- Deux dessins de SOLEDAD BRAVI. Sur le premier, un homme à l’expression particulièrement satisfaite de lui-même, pose le doigt sur une touche de son clavier d’ordinateur. Une bulle sort de sa bouche avec le mot « envoyé ». Derrière lui, des piles de dictionnaires et encyclopédies jonchent le sol. Le second dessin met en scène une femme au regard triste, assisse dans le noir. Elle ne parvient pas à détacher son regard de son écran d’ordinateur, seule source lumineuse du dessin.
- Une réflexion de MAUD KRISTEN (voyante). « Méditez sur ce travers commun à tant de femmes. Dès qu’elles voient un crapaud avec une patte arrachée, elles s’imaginent qu’en le regardant droit dans les yeux, il va devenir un oiseau de paradis ».
- Le texto d’une ado à Sophie : « Il se la pète »
Et aussi les slogans publicitaires de MERCEDES ERRA, l’ordonnance de la sexologue CATHERINE SOLANO, les larmes de crocodiles de LUCIANA LITTIZZETTO… Juges, avocates, compositrices, traductrice, latiniste… Elle se sont toutes prêtées au jeu. Et le résultat fait du bien…