A plusieurs reprises j’ai essayé de me soigner de cette terrible addiction à la musique triste. Pendant un temps, j’ai même cru que je pourrais écouter autre chose, en me réfugiant dans Young Fathers et le dernier A$ap Rocky, les deux albums que j’écoute en boucle ces trois dernières semaines.
Et puis, un dimanche, j’ai retrouvé dans ma pile d’album, « Moonlight Serenades Op.4″ de The Wooden Wolf. Et j’ai fait une rechute. Une terrible rechute de musique triste. En même temps, le garçon met le paquet niveau mélancolie et blues. D’ailleurs l’album ouvre sur un September Blue, une voix doublée et une mélodie jouée en fingerpicking. Tu sens déjà les larmes qui montent, tu sens la gorge qui se sert et cette boule horrible qui t’empêche de déglutir correctement. Mais tu n’as pas le droit de pleurer. Tu t’es fait la promesse d’arrêter de ne plus chialer pour des mecs qui chantent en guitare-voix. Et puis, en plus, tu n’es pas toute seule dans ton appart… ça craint de pleurer, comme ça, pour de la musique. Enfin, merde, un peu de tenue. Tu souffles un grand coup, une grande respiration et tu continues l’écoute de l’album comme si de rien n’était… Ça s’étoffe un peu, sur le deuxième titre, une guitare électrique vient s’ajouter pour donner une dimension plus bluesy, plus dramatique aussi. Niveau lyrics, ça fait mal. Très mal : « I don’t smell your skin anymore but the memory of it on your dress, and I don’t see your heart but the pride of your breasts, I don’t feel your lips anymore but the numbness of mine« … D’accord, une chanson post-rupture… Deux jours avant, je me disais que Lover you should have come over était la plus belle chanson post-rupture du monde… En fait, The Wooden Wolf vient de lui faire une difficile concurrence. J’ai les poils qui se dressent, j’ai chaud et froid en même temps… Mais je tiens bon. Non je pleurerai pas. Hors de question. Je ferme les yeux et Slow Moving Dreams m’achève. Minimal à souhait, des paroles presque chuchotées, l’interprétation à fleur de peau, ça se joue comme une valse à la guitare, quelques accords d’une simplicité enfantine et merde, ce violoncelle en support derrière.
[Là, je suis obligée d’arrêter l’écoute et d’enfouir mon visage dans le premier coussin que j’attrape, laissant au passage une traîne de mascara dessus… Encore une victime tuée sur l’autel des chansons tristes que j’écoute trop].
Je relance l’écoute et heureusement pour moi, The Wooden Wolf a compris qu’après trois chansons beaucoup trop pleines émotionnellement parlant, il fallait un break histoire de ne pas exploser le cœur déjà gros des auditeurs. Un interlude aux accents faussement country, une petite ballade de cow-boy pour se remettre les idées en place avant de reprendre le chemin des larmes et des grands frissons. Fuck me tender, Fuck me True… j’ai souri en pensant à Elvis Presley et le romantique mais mielleux Love me tender. Là, disons que c’est la version honnête des relations amoureuses. « You’re my darling I make love to you, don’t we play love cause we love to play cause I won’t make my life with you but let’s pretend that it’s okay« .
Si les premières chansons sont presque nues, avec Gone With The Rain, la guitare s’accompagne d’un piano et d’un violoncelle histoire de faire chanter les silences. Encore une fois, la voix d’Alex Keiling me fait penser à celle de feu Jason Molina. Apaisante, reposante et si intense. J’imagine que s’il mettait le bottin en chanson, ce serait splendide. Ce qui est splendide aussi, c’est quand on sent que l’enregistrement de l’album est home-made et qu’on entend la bande craquer. Sur Where are you now, The Wooden Wolf fait dans le dépouillement maximal et donne l’impression de s’adresser directement à toi avec ces intonations et cette façon de conter une histoire très bobdylanesque. Avec Morning Sun, sur un air de flamenco mélancolique, deuxième cascade de larmes. Pourtant, la chanson, non le poème, dure moins de deux minutes mais c’est comme un uppercut dans la face…
La dernière cascade de larmes vient avec le très long et dernier titre Thieves in the Trees. Le titre le plus étoffé de l’album, le plus arrangé mais toujours avec ce souci de dépouillement. La voix chevrotante, ce « I’m lost in the way we are now » répété avec douleur, cette guitare qui clôt le titre… Autant d’éléments qui achèvent totalement. Ça fait encore mal, mais putain, qu’est-ce que c’est bon. Damien Rice disait que les chansons tristes étaient des déchets qu’il fallait expulser de son corps, des démons à exorciser. Les écouter c’est aussi se laver l’esprit en pleurant un bon coup pour se sentir ensuite renaître. C’est la meilleure explication que j’ai trouvé pour le moment pour justifier mon addiction aux chansons tristes et surtout à celle de The Wooden Wolf.
J’ai aussi envie de dire merci à ce garçon. Merci pour ces moments de folk pur et simple. Merci de croire au pouvoir du guitare-voix, merci pour les quatre albums tous magnifiques, pour ce songwriting poignant, pour les mélodies épurées, pour les chansons pansements, pour Slow Moving Dreams, la plus belle chanson que j’ai entendu cette année. Il nous faudrait un peu plus de Wooden Wolf en France…