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Shakespeare, Douglas Harding et Aldous Huxley

Publié le 20 juin 2015 par Joseleroy

Douglas Harding citait souvent ce passage de Shakespeare extrait de Mesure pour mesure (acte 2 scène 2)

“But man, proud man,
Dress'd in a little brief authority,
Most ignorant of what he's most assur'd—
His glassy essence—like an angry ape
Plays such fantastic tricks before high heaven
As makes the angels weep”

« L’homme, l’homme fier …

Drapé dans une petite autorité passagère,

Ignorant le plus ce dont il est le plus assuré,

Son essence transparente comme le cristal,

comme un singe en colère

Joue de si invraisemblables tours devant le Très-Haut

Qu’il fait pleurer les anges. »

Ignorer son essence transparente, c'est ne pas prêter attention à la vacuité au-dessus des épaules, notre vraie nature, immense et translucide. En oubliant notre véritable identité, nous nous identifions à une individualité limitée et mortelle, orgueilleuse, (le singe en colère) très souvent agressive et misérable.Cette essence transparente est évidente (ce dont il est le plus assuré), toujours ouverte et disponible. 

Aldous-Huxley-getty

L'écrivain Aldous Huxley a consacré aussi plusieurs articles à cette citation de Shakespeare, articles publiés dans les années 40. Voici les commentaires de Huxley :

1er extrait :

"Le Brahman, le fondement, la claire lumière du vide, le royaume de Dieu désignent tous une même réalité intemporelle. Cherchez-la en premier, et tout le reste - depuis une philosophie adéquate jusqu'à la libération de la compulsion à nous abrutir et à nous détruire nous-mêmes - vous sera donné en plus. Ou, pour parler comme Shakespeare, si nous cessons d'être « très ignorants » de ce dont nous sommes « très sûrs, notre essence trans­parente » - l'esprit indivisé, le principe de notre être. L’atmân,alors, nous pourrons être différents de cette épou­vantable caricature d'humanité qui

Comme un singe en colère.

Joue de tels tours à la face du ciel

Qu'elle en fait pleurer les anges."

Aldous Huxley, Sur une phrase de Shakespeare

 Deuxième extrait

"Homme, homme fier, drapé dans sa dignité dérisoire –

Plus ignorant de ce qu'il croit être le plus assure.

Son essence transparente — comme un singe en colère.

Il joue de tels mauvais tours à la face du ciel

Qu'il en fait pleurer les anges.

Ainsi parle Shakespeare dans la seule de ses pièces qui révèle un souciprofond des réalités spirituelles ultimes. C'est l’«essence transparente» de l'homme qui forme la réalité dont il est le plus sûr, la réalité qui le soutient et en vertu de laquelle il vit. Et cette essence transparente est de même nature que la claire lumière qui est l'essence de l’univers. En nous, cette « étincelle », cette « profondeur non créée de l'âme », cet atman, demeure sans souillure, quelque mauvais tour que nous puissions jouer, tout comme, dans le monde extérieur, la nuit et les étoiles demeurent elles-mêmes malgré les lumières de Broadway et de Piccadilly, malgré les phares et les bombes incendiaires. L'immense monde non humain, qui est présent en même temps en nous, est gouverné par ses propres lois divines, lois auxquelles nous sommes libres d'obéir ou de désobéir. L'obéissance conduit à la libération, la désobéissance à être plus profondément esclave de la souffrance et du mal, à vivre notre vie comme des singes en colère. L'histoire humaine se résume en un conflit entre deux forces : d'une part, la présomption imbécile et criminelle qui rend l'homme ignorant de son essence transparente, d'autre part, l'aveu qu'à moins de vivre en accord avec le cosmos immense, l'homme est le mal absolu et son monde un cauchemar. Dans ce conflit interminable, les deux forces remportent alternativement la bataille. Aujourd'hui, nous pouvons témoigner du triomphe temporaire de ce qui est spécifiquement humain dans la nature humaine. Nous avons choisi pour quelque temps de croire que notre petit monde de néons et de pyromanes est le seul monde réel, et qu'il n'y a en nous aucune transparence essentielle. Et d'agir en conséquence. Singes en colère, nous-nous imaginons, parce que nous sommes malins comme des singes, que nous som­mes des anges ou, pour dire vrai, plus que des anges, des dieux, créateurs et architectes de notre destin. Ce triomphe de ce qui est purement humain en l'homme, quelles en sont les conséquences ? Les manchettes des journaux du matin fournissent une réponse sans équivoque : la destruction des valeurs humaines par la mort, la dégradation et la perver­sion, pour le bien de la politique, de la révolution et de la guerre. Nous avons la prétention d'être, ou de devenir, dans un futur utopique, « pareils à des dieux » alors qu'en fait nous sommes en danger mortel de devenir des démons uniquement capables (bien que nos idéaux soient élevés, bien que nos projets soient magnifiques) de ruiner notre monde et de nous détruire nous-mêmes. Le triomphe de l'humanisme est la défaite de l'humanité."

Aldous Huxley, L'homme et la réalité


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