No Offense est une nouvelle série de huit épisodes diffusée depuis le début mai sur les ondes de Channel 4 en Angleterre. L’action prend place à Manchester alors qu’à la suite d’une bourde un soir où elle enquêtait sous une fausse identité, la sergente Dinah Kowalska (Elaine Cassidy) est rétrogradée par sa supérieure Vivienne Deering (Joanna Scanlan) et c’est sa timide collègue Joy Freers (Alexandra Roach) qui prend sa place. Le travail est de taille puisque l’unité doit résoudre une affaire impliquant un tueur en série qui s’en prend à des trisomiques, en plus d’essayer de coincer un revendeur de drogues et de calmer les tensions raciales qui sévissent au sein de la ville. Création de Paul Abbott, plus connu pour les versions anglaise et américaine de Shameless, No offense ne nous laissera pas un souvenir aussi impérissable. Nous avons droit à une série de type procédurale très proche des créations sans saveurs qui inondent le marché aux États-Unis. Mais ce qui retient davantage l’attention, c’est que ce sont des femmes qui occupent les rôles principaux d’agent de la paix et considérant qu’on n’a pas su faire abstraction des stéréotypes qui vont avec, la série déçoit au final.
Un Shameless un peu moins effronté
C’est déguisée en prostituée que Dinah tente d’arrêter un suspect de meurtre, mais aussitôt a-t-elle le dos tourné qu’il se fait écraser par un autobus. Cet accident lui coûte son poste, mais elle ne s’offusque pas pour autant que Joy prenne sa place et lui apportera même son concours. À ce propos, dans le premier épisode, la police est confrontée à un deuxième meurtre impliquant une personnetrisomique. Grâce aux renseignements qu’elle a obtenus, Dinah est à la recherche d’une certaine Cathy Calvert (Charlie May-Clark) qu’elle suspecte être la prochaine victime. Après de multiples enquêtes, elle la retrouve alors qu’un homme essaie de la noyer. Cette dernière est sauvée in extremis, mais son agresseur, sûrement le tueur recherché, parvient à prendre la fuite. Sans famille, Dinah l’accueille sous son toit. Cet « excès » de générosité lui vaut d’être exclue de l’enquête parce que l’objectivité n’est plus au goût du jour selon le chef de police Darren MacLaren (Colin Salmon). Néanmoins, Dinah trouve le moyen de retrouver grâce à ses yeux dans l’épisode suivant après qu’elle et Joyce, déguisées en prostituées (encore), parviennent à épingler un éminent revendeur de drogues.
Shameless a connu un succès tel que Channel 4 ne pouvait que se réjouir d’avoir à développer encore une fois une nouvelle fiction signée Paul Abbott, lui-même très friand semble-t-il des séries policières. En présentant la série à la presse, voici comment on qualifiait No Offense :« Raucous, riotous and razor sharp, No Offence is a new and completely original take on the world of the police procedural and is set to shock, move and invite audiences to laugh themselves silly by turns. » Après trois épisodes (sur huit, faut-il le rappeler), on se demande encore en quoi la série se démarque. Le ton est mal défini, mélangeant le drame et un humour qui n’a rien de bien subversif et beaucoup trop dilué au profit d’enquêtes très standards. Certes, il est rare de voir autant de trisomiques à l’écran dans une même émission (en victimes, par surcroît), mais au final, ça n’apporte pas grand-chose de neuf à l’histoire et on passe le plus clair du temps dans le quartier général de la police à spéculer au lieu de passer à l‘action. Le fait que des femmes soient aux commandes explique-t-il l’apathie qui émane de cette fiction? Petites comparaisons…
Enquêtes au féminin
Du 17 au 26 avril en France s’est déroulé la sixième édition de Séries Mania; un festival mettant les séries internationales à l’honneur. Parmi les nombreuses conférences liées aux projections, on s’est intéressé à la place qu’occupaient les femmes en fiction, en particulier dans le genre policier et le doctorant Mathieu Arbogast s’est rendu compte qu’en France en 2010, seulement 30 % des femmes occupaient le métier de policiers, mais que dans la réalité, elles ne dépassaient pas les 15 %. En admettant que l’on puisse transposer ces statistiques à l’Angleterre ou aux États-Unis, on parle donc de surreprésentation; une sorte de discrimination positive.Or, ces policières n’ont pas nécessairement le beau rôle puisque puisqu’elles nous sont presque toujours dépeintes comme étant d’abord et avant tout des femmes et les points négatifs à cette « double personnalité » sont multiples. Premièrement, l’instinct maternel vient souvent entraver leur métier comme c’est le cas ici avec Dinah qui est exclue d’une enquête pour avoir pris sous son aile Cathy. Dans la troisième saison de The Following, l’agente Nina Mendez (Valerie Cruz) se rend compte qu’elle n’a finalement pas les reins assez solides et quitte son poste pour se consacrer à sa famille. Même chose dans The Mysteries of Laura dont le concept repose sur une protagoniste qui peine à faire son boulot tout en essayant d’élever ses deux petits monstres d’enfants.
Deuxièmement, les producteurs croient peut-être faire une pierre deux coups en incluant des femmes dans les séries policières EN PLUS de leur donner un poste dans les hautes sphères de l’organisation. Certes, ce sont elles qui prennent les grandes décisions, mais elles ne prennent jamais part à l’action; ce qui intéresse vraiment le téléspectateur et de toute façon les policiers sur le terrain n’en font qu’à leur tête. La commandante Kim Guziewicz (Janet McTeer) dans Battle Creek et Lynn Monahan (Anne Heche) dans Dig en sont de bons exemples.
Troisièmement, il semble qu’un des critères d’embauche de ces femmes soit la beauté puisqu’à un moment ou à un autre, elles auront inévitablement besoin de se servir de leurs charmes pour arriver à leur fin. C’est le cas de l’agent Carter (Hayley Atwell) dans la série du même nom, d’Aurora Luft (Evelyne Brochu) dans X Company, de Molly Parker (Tricia Helfer) dans Killer Women et bien entendu de Joy et Dinah avec No Offense. Ce mythe de la femme fatale est bien révolu et il est rare que leur congénères masculins aient à se déguiser pour soutirer des informations de leurs suspects et presque jamais l’aspect « séduction » est un pré requis quand ce n’est pas totalement l’inverse (pensons entre au personnage d’Everett (Rainn Wilson), pour le moins dégoutant dans Backstorm).
No offense n’est pas aussi caricaturale que les séries évoquées ci-haut, mais elle a tout de même de la difficulté à s’affranchir de ces codes préétablis et malgré des intrigues moyennes, elle a tout de même attiré 3,19 millions de téléspectateurs lors de sa première : le deuxième meilleur programme présenté durant la semaine du 4 mai pour Channel 4. Pour s’inspirer, on souhaitera voir plus de personnages comme Catherine Cawood (Sarah Lancashire) dans Happy Valley, Stella Gibson(Gillian Anderson) dans The Fall, Angie Flynn (Kristin Lehman) dans Motive et Andrea Cornell (Juliette Lewis) dans Secrets and Lies qui nous ont offerts de grandioses moments de télévision et qui sans surprises, reprendront toutes du service au cours de la saison Automne-Hiver 2015-16.
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