À lire dans le Sujet du Mois :
Agnès Varda, la première vague : La Pointe courte, de Agnès Varda (1954), par Simon Bracquemart
Les vacances d’été, l’espace-temps du rêve : Les Géants, de Bouli Lanners (2011), par Jean-Baptiste Colas-Gillot
Sur la route des vacances – Truquette à la plage : La Fille du 14 Juillet, de Antonin Peretjatko (2013), par Marianne Knecht
Vacances sous caméra subjective et horreur psychologique : My European Dream, de Rafael Cherkaski (2013), par Thomas Olland
Chaque saison a toujours été caractérisée, médiatiquement parlant, par son lot de sujets bateaux : les marronniers. Et même si La Nuit du Blogueur n’est pas un blog d’actualité comme les autres, nous nous sommes aussi glissés dans la peau de tous ces journalistes, parfois débutants, qui sillonnent les routes de vacances et autres stations balnéaires. À cela près que nous nous sommes intéressés aux films de l’été. Non pas les blockbusters qui inondent souvent les salles obscures lors de la belle saison, mais bel et bien les films qui la prennent pour sujet, comme « arène » de leur récit.
Il faut reconnaître que l’été, et particulièrement les vacances d’été, ont toujours été un sujet largement traité au cinéma, démocratisé par les grandes comédies populaires. En France, qui ne se souvient pas des séries des Gendarmes, de celles des Bronzés, ou même plus récemment de celle des Camping ? Mais l’été n’est pas qu’une belle saison pour les grosses productions, il a aussi ses émules dans le cinéma d’auteur.
Adieu Philippine, de Jacques Rozier (1963)
La Nouvelle Vague, par exemple, en a très vite fait un cheval de bataille. Le premier film de Jean-Luc Godard, considéré comme le point de départ de cette nouvelle manière de concevoir le cinéma, À Bout de Souffle, est d’ailleurs un film d’été. Aujourd’hui encore les jeunes cinéastes font de l’été un domaine de prédilection : Albert Serra avec Honor de Cavalleria, Miguel Gomes avec Ce Cher Mois d’Août, Antonin Peretjatko avec La Fille du 14 juillet ; et plus récemment Les Combattants de Thomas Cailley, ou encore Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador.
À vrai dire, filmer l’été n’est pas tant un choix esthétique qu’un choix économique et pratique pour toutes les petites productions qui constituent ce panel de films d’auteur se déroulant en été, pendant les vacances. Filmer en extérieur, en été, c’est avoir une plus grande assurance d’avoir du beau temps, et donc moins de chance d’être soumis aux aléas d’une météo capricieuse. D’autant plus qu’aujourd’hui, les tournages se font de plus en plus « pauvres », de plus en plus courts.
Tourner en été, c’est aussi l’assurance, pour ceux qui l’affectionnent, de tourner en équipe réduite, en utilisant moins de projecteurs et moins d’éclairage, en ayant une plus grande liberté de mouvement. Ce n’est pas pour rien que la Nouvelle Vague aima l’été, privilégiant souvent un cinéma plus libre, d’extérieurs, tourné en équipe réduite. Deux réalisateurs, à l’époque firent d’ailleurs de l’été un de leurs thèmes de prédilection, un de leurs décors favoris : Jacques Rozier (Adieu Philippine, Du côté d’Orouët, Les Naufragés de l’Île de la Tortue…), et Éric Rohmer (Le Rayon Vert, Pauline à la Plage, Conte d’Été…). Rohmer, d’ailleurs, était aussi connu pour ses choix de mise en scène simples, insistant pour n’utiliser que très peu de matériel : une valise de deux mandarines (faibles projecteurs surnommés ainsi pour leur couleur) et deux autres petits projecteurs, ainsi qu’un réflecteur de lumière constitué d’un carton à dessin recouvert d’aluminium.
Mais l’été n’est pas qu’une saison d’économie de moyens, et le cinéma n’a pas fini d’interroger toutes les thématiques que brasse la saison des vacances. En effet, les vacances d’été ne sont-elles pas le moment de tous les possibles, loin de sa vie de tous les jours ? C’est la saison de la fantaisie, de l’amour, des premières relations et de la détente. Mais que se passe-t-il lorsqu’on vient bousculer ce rouage du voyage ?
Conte d’été, de Éric Rohmer (1996)
Pour parler de l’été, nous n’avons pas choisi de faire un article sur Jacques Rozier, ni même sur Rohmer, car il nous a semblé intéressant d’aller vers des films du genre moins classiques, en se tournant vers la comédie déjantée, le cinéma à la première personne « coup de poing », la liberté difficile d’enfants abandonnés pendant les vacances, ou encore vers une cinéaste que l’on estime importante, parfois trop oubliée, une grande petite dame du cinéma français, Agnès Varda, qui elle aussi a aimé filmer les ambiances ensoleillées.
Mais l’été est une saison aux possibilités et expressions cinématographiques innombrables et nous serons peut-être amenés à écrire sur la saison dans notre rubrique focus. En attendant de vous retrouver à la rentrée prochaine pour un nouveau sujet thématique, je vous invite à passer l’été cinématographiquement, en regardant tous ces films, passionnants et, pour beaucoup d’entre eux, rafraîchissants.
Simon Bracquemart