Magazine Culture
En 1978, on est en plein ce qu'on a appelé le post punk. Le punk étant par essence éphémère, il ne connut son heure de gloire que sur la seule année 1977 ou presque. Howard Devoto, l'ayant compris avant tout le monde, délaisse les Buzzcocks, un des fers de lance du mouvement, pour monter Magazine, qui anticipera la new wave, même si un disque comme "Real Life" reste aujourd'hui toujours aussi unique en son genre. Il est en tout cas mon album préféré de ce millésime. Derrière l'appellation post punk, se cachent des albums qui n'ont rien à voir, par exemple les hurluberlus de Devo, sorte d'equivalents débiles des Talking Heads. Pas chien, Brian Eno produira aussi bien les 2 groupes, pour 2 disques importants de 1978. Les anglais de Wire ou les américains de Pere Ubu peuvent s'enorgueillir du titre de formations cultes du post punk. Les premiers pour leur vision hétéroclite et très carré du punk, les seconds pour l'aspect plus expérimental de leur démarche, un genre de punk à outrance, poussant leur hallucinant et halluciné leader David Thomas à devenir même... témoin de Jéhovah. Le reste du classement est composé de formations punk plus "classiques" comme les trop méconnus The Adverts ou les plus renommés The Jam, de filles alors hautement fréquentables comme Kate Bush et Blondie et enfin d'un des groupes les plus influents de l'histoire de la musique moderne, Kraftwerk. "The Man Machine" est leur chef d'oeuvre. C'est dire l'importance de la chose.
10- The Adverts- Crossing The Red Sea With The Adverts The Adverts avaient tout pour devenir énormes: un son dans l'air du temps, punk et mélodique, un chanteur à forte personnalité et sa femme sexy à la basse. Mais bizarrement, ça n'a pas pris, ou alors uniquement sur ce premier disque qui n'a rien à envier aux meilleurs spécialistes du genre, des Buzzcocks aux Sex Pistols.
9- The Jam - All Mod Cons
Troisième album de The Jam classé dans mon top 10 annuel, sauf que comme je les publie dans l'ordre inverse de l'ordre chronologie, "All Mod Cons" correspond au début de l'apogée de la carrière de Paul Weller. Le punk est moins perceptible et les influences pop des années 60 (superbe reprise du "David Watts" des Kinks) et mod sautent aux oreilles. The Jam montre que les anglais ont toujours su produire des groupes sachant condenser à merveille leur héritage musical et culturel.
8- Talking Heads - More Songs About Building And Food
Bon, osons le dire tout de suite, ce "More Songs...", première collaboration entre les têtes parlantes et Brian Eno est loin de valoir les deux suivantes. Ça commence pied au plancher, puis ça ralentit, ça expérimente au risque de lasser et de laisser indifférent. Un disque moins évident qui regorge malgré tout quelques joyaux.
7- Wire - Chairs Missing
Il n'y a rien de mieux pour ne pas vieillir que n'être jamais à la mode. Les anglais de Wire se sont retrouvés un peu par hasard affiliés au mouvement punk. Dès ce deuxième album, "Chairs Missing", ils s'en détachent aisément avec une musique aventureuse et passionnante qui ne se refuse presque aucun dérapage mais toujours contrôlé. Même celui d'écrire des titres ouvertement pop comme les brillants "Outdoor Miner" ou "I am the fly".
6- Pere Ubu - Dub Housing
Deux disques sur la seule année 1978 pour cette formation totalement hors norme. "The Modern Dance" marquait déjà une profonde différence, mais lâchait par moments l'auditeur en cours de route, par trop d'expérimentations sonores. "Dub Housing" reste ardu pour des oreilles chastes mais en même temps passionnant après de nombreuses écoutes pour les plus persévérants. Le jeu en vaut donc la chandelle. Vous aussi vous hurlerez comme ce damné de David Thomas, le chanteur de Pere Ubu.
5- Kate Bush - The Kick Inside
C'est le Pink Floyd, David Gilmour, qui a produit le premier disque de Kate Bush. "The Kick Inside" reste pour moi le meilleur album de l'anglaise, le moins formaté. Même si une constante demeure chez elle, cette incapacité pour nous à pouvoir fredonner ses chansons tellement son chant part tout azimut dans les suraigus. Ce disque reste une claque et une inspiration tenace pour nombre de jeunes folkeuses.
4- Blondie - Parallel Lines
Blondie a été l'un des premiers groupes à marier aussi naturellement les guitares punk aux claviers new wave, faisant un genre de synthèse apte à plaire à monsieur tout le monde,. Surtout avec une chanteuse qui est loin d'être madame tout le monde. Deborah Harry surpasse de très loin ses acolytes, faisant d'elle une icône rock intemporelle. "Parallel Lines" est le disque qui rend le mieux hommage à sa réputation.
3- Devo - Q: Are We Not Men? A: We Are Devo!
Ce groupe ne pouvait qu'être éphémère. Un groupe qui revendique dès ses débuts sa débilité ainsi que celle du monde qui l'entoure aura forcément du mal à se renouveler, à trouver plus audacieux. Devo était un concept avant d'être de la musique diront les détracteurs. Mais il faudrait aussi être fou pour ne pas entendre le formidable potentiel des chansons de ce premier album produit par Brian Eno. Rien que pour la reprise de "Satisfaction"...
2- Kraftwerk - The Man Machine
Les allemands de Kraftwerk, précurseurs de la musique électronique au sens large du terme sortent en 1978 leur grand oeuvre pop avec le bien nommé "The Man Machine". On ne s'est jamais senti aussi proche de machines. "We are the robots..." On se disait bien qu'un album aussi parfait et précis ne pouvait être réalisé par l'homme.
1- Magazine - Real Life
"Hunky Dory" de Bowie rencontre les Buzzcocks, le tout mâtiné d'un zest de synthé. C'est un peu le résumé du premier disque de Magazine. Et c'est plus que réussi. C'est une petite merveille. Le meilleur album de Devoto, enterre dès 1978 le mouvement punk. Bienvenue dans la "Real Life" ! Terrifiant comme sa pochette, terrible comme sa musique.