Cet article est né d'un agacement. Agacement devant la multiplication de bêtises que l'on peut trouver sur internet. Des âneries utilisées à tord et à travers, notamment pour véhiculer des thèses nauséabondes. On a le droit de penser, nous ne disons pas le contraire. Encore faudrait-il le faire de manière réfléchie. Et si on arrêtait d'agir en imbéciles ? Agacement, vraiment.
Projeté en Mai dernier sur la Croisette, à l'occasion de la Quinzaine des Réalisateurs lors du Festival de Cannes, Much Loved, le film de Nabil Ayouch est depuis, au coeur d'une polémique sans fin. La diffusion a été interdite au Maroc semblerait-il en raison du sujet qu'il traite : la prostitution. Nous préférons utiliser le conditionnel car à notre sens, nous ne pensons pas que ce soit le thème du film qui pose problème. La prostitution est connue de tous, bien qu'elle soit un sujet tabou. Ayant visionné -avec beaucoup de difficultés- le film, nous restons néanmoins perplexe devant la soit-disant raison de cette censure.
Qu'on se le dise, le film ne vole pas bien haut. Bien que l'ont soient deux fervents partisans de la liberté d'expression, nous avouons ne pas avoir saisis la finalité du film. Lever le voile sur la misère et les galères de ces femmes qui exercent le plus vieux métier du monde est une chose. Nous cautionnons. Pondre un film qui n'est que vulgarité, blasphèmes, clichés, trivialité, mépris et haine en est une autre. Nous ne cautionnons pas. On lui donnerait le bon dieu sans confession à cette liberté d'expression, encore faudrait-il ne pas franchir les limites. Pour le coup, elles ont été franchies à 1000 miles. C'est un gap ! Que disons-nous ? C'est une péninsule !
Les trolls du web, râleurs exemplaires. Après avoir régné pendant un temps bien trop court sur les esprits, la pensée réfléchie commence à perdre de son aura. L'actuelle déferlante du nivellement par le bas est symptomatiquement de ce retournement d'opinion : à coups de grossièreté, de grotesqueries, et autres non-réjouissances, le droit au -ras-le-bol est revendiqué plus que jamais ! Et celui, pour les moroses et autres bougons, de paraître au grand jour sans avoir besoin de faire semblant. Assumer ses humeurs, ses opinions, ça a du bon, cela va s'en dire. Il faut juste bien l'exprimer ; tant sur le fond que sur la forme. C'est ici que réside tout le travail !
Les personnes qui prennent un minimum de recul sur les questions de société vous diront qu'il ne sert à rien de foncer tête baissée pour se lancer aveuglément dans la discorde, dans cette querelle millénaire des anciens et des modernes qui n'a jamais été aussi actuelle, dans ce combat de coqs acharné entre les conservateurs et les progressistes, ces deux clans ennemis qui se sont jurés de se combattre jusqu'à la mort ; jusqu'au versement de la dernière goûte de sang.
A peine réveillés de leur torpeur, et sans une seconde de répit, ils sombrent pleinement dans un vacarme étourdissant de la pensée obscurcie par le bruit de leurs envies, par le spectre de leurs influences, par le poids asservissant de leur conditionnement et de leur déterminisme divers, par le dictat des conventions et des normes sociales... Ils se perdent peu à peu dans ce vague à l'âme assourdissant qui se transforme en bordel nauséabond, où les langues de putes prolifèrent pour asséner un coup fatal au frère ennemi. Pendant ce temps là, les prostituées forcées deviennent des catins souillées qui perdent leur âme sous l'effet abject de la corruption des mœurs. Il parait qu'à partir d'un certain seuil, la répétition régulière et assidue des habitudes procure du plaisir. Les dévergondées décadentes ont donc pris le relais et ne cachent plus leur malin plaisir à manipuler leurs proies.
Montaigne n'avait-il pas résumé la chose en une formule minimaliste mais ô combien percutante : le monde est-il une branloire pérenne ? A force de se branler, le monde ne perd-il pas pied ? Cette phrase multidimensionnelle recouvre de son sceau tout le sens que nous aspirions à insuffler à notre article. Rendons hommage à celles qui ont reconstruit de leur corps des destins brisés. Qui ont payé de leur peau et de leur chaire l'éphémère recommencement d'ébats " amour-eux " salvateurs. N'est ce pas un mal pour un bien ? Nous sommes nous-mêmes en plein doute. Seul Dieu sait ô combien est-ce tortueux de résister aux plaisirs de la chair. Un combat de tous les instants contre soi-même. Une torture intérieure. Dépasser ses pêchés et ses pulsions. Aboutir au dépassement de soi par soi. Voici la consécration des grands hommes. L'accomplissement majeur des saints qui se sont affranchis de leur corps pour se connecter à l'Esprit. Personne ne peut reprocher à l'homme normal de ne point y parvenir sauf le Magnanime, le tout puissant qui du haut de son trône sait pertinemment ce qui se trame dans le cœur de chacune de ses créatures.
A force de répéter les mêmes erreurs, ils se jettent corps et âme dans une guerre fratricide, aussi stérile que vaine. C'est peine perdue comme disent les plus aguerris. Pourquoi doit-on à chaque fois tomber dans le simplisme le plus infecte au lieu de chercher la simplicité salutaire ? Les personnes qui exercent le fruit mûr de leur intellect et qui méditent sereinement la leçon des choses ont compris qu'il ne sert à rien de courir ou de se précipiter. Il faut prendre la mesure de toute chose et le temps de comprendre, d'assimiler, de disséquer, de digérer, d'intégrer et de mûrir les tenants et aboutissants du problème, le décomposer pour mieux l'appréhender.
Nous vivons dans l'ère tragique de l'hégémonie des impressions. Nous sommes à leur merci, nous nous prosternons devant elles sans prêter gare à l'essentiel. Elles dominent le débat public. On ne juge que par elles. On se soumet à leur force. Nous sommes enchainés. Nous nous émerveillons de la pompe et l'apparat qu'elles laissent entrevoir. Elles provoquent en nous l'envie et le désir. Elles ont monopolisé la place publique, et on ne vit plus que par elles. Pourquoi sommes nous si facilement impressionnés par les impressions et leur effet dévastateur ? N'avons-nous pas compris quelle était leur finalité première ? Les mots ont il perdu tout leur sens pour nous ? Éloignons nous de la doxa qui nous oblige à éviter le questionnement, à le fuir et à émettre des jugements hâtifs à tout va qui n'enrichissent pas le débat et ne font que l'appauvrir. Comme si nous éprouvions le besoin inextricable de donner son avis sur tout. Au nom de quoi ? De la médiocrité ? Du sous-esprit, du manque d'esprit ou de son absence totale ? De l'arriération ? De l'insignifiance ? De l'absurde ? De la pauvreté de votre pensée ? Réfléchissez avant de parler au lieu de répéter des schémas préétablis que vous mâchez à longueur de journée. Penser qu'il faille interdire un film qui ne fait qu'engendrer la discorde autour de lui et n'apporte avec lui aucun semblant d'éclaircie, aucune ébauche de solution ne fait pas des gens qui le pensent des obscurantistes ou des obtus d'esprit. Je n'en pense pas moins de ceux qui ne sont pas fans des déhanchés ravageurs de J-LO. La médiocrité appelle l'avilissement et la décrépitude. L'image est frappante à la lueur de ce mot. Toute chose fane même les fleurs à l'apogée de leur épanouissement.
Quant à nous, et sans surprise nous ne sommes dans aucun clan. Nous estimons que l'indifférence à tout votre brouhaha est la meilleure des réactions. Ne pas donner d'importance à des choses qui ne méritent même pas un clignement d'œil. Voilà la plus belle maxime qu'on peut tirer de ce genre d'affaires aussi tapageuses qu'inutiles. Les plus réactionnaires d'entre vous déclareront que je ne me mouille pas beaucoup. A ceux là, nous aimerions répondre que nous sommes des humanistes : nous partageons la souffrance des autres et nous aimons mieux agir au lieu de nous indigner. Dans l'idéal, nous aimerions nous positionner dans le clan des réformateurs ; des Hommes de terrain qui allient l'acte à la parole, qui parlent peu mais qui s'engagent pleinement pour transformer les choses en profondeur, et instaurer la dignité humaine comme un droit infaillible et irrévocable accessible aux opprimés, aux laissés pour compte, aux marginaux oubliés que la société a lâchement sacrifiés.
Amoureux de la liberté, nous sommes deux fervents activistes de la démocratisation de la dignité et de l'égalité partout où l'oxygène se répand et prospère. Nous allons de ce pas nous " branler " sur l'autel dégradant de votre médiocrité. Excusez notre vulgarité outrageuse. Nous avons cru comprendre qu'il fallait choquer, provoquer pour exister. La critique bête et méchante n'a jamais sauvé des vies. Les films véhéments, osés, et grossiers non plus. Jusqu'à preuve du contraire... L'humanité est en danger, car l'humanisme qui arrosait les cœurs est en voie d'extinction. Finalement vous êtes incapables de vous extraire de votre personne pour communier avec les âmes en souffrance. Aujourd'hui votre cœur aride déborde d'envie, de jalousie et de mélancolie. Vous avez cédé aux invocations et insufflations du malin.
Nous nous sentons comme Nöé, les ultimes rescapés de l'Arche. Pauvre de nous...
Asmaa & Larbi 0Une illuminée de plus dans la nature ! Étudiante de 24 ans en communication et relations presse. Bonne vivante à temps plein et blogueuse à mes heures pas perdues. D'un naturel passionné, je prêche l'épicurisme auprès de mes semblables. Geekette dans l'âme, j'aime traiter de sujets divers et variés. Vive l'éclectisme !