La France comptera 1,7 cotisant par retraité en 2018 pour environ 1,4 à partir de la fin des années 2040. Selon le COR, pour sortir de la situation de déficit chronique dans laquelle se trouvent le régime général, le régime agricole ou les régimes spéciaux, une nouvelle baisse des pensions, ou à défaut une augmentation massive des cotisations, serait inéluctable…
Avec une croissance de 1% et un taux de chômage de 10%, le rapport du COR précise qu’il faudrait abaisser de 4,7 % toutes les pensions de retraite dès 2016 pour arriver à l'équilibre. Les différents régimes ont versé au total 278 milliards d'euros aux retraités en 2014, la totalité des recettes s'étant montée à 268 milliards.
Pour équilibrer financièrement le système jusqu’à 2060 la pension moyenne des retraités devrait diminuer de 20% environ par rapport à sa valeur de 2013.
Aujourd’hui, un retraité sur deux perçoit une pension globale inférieure à 1300 € par mois. Un quart des retraités perçoit une pension inférieure à 800 €, environ 10 % moins de 300 €. Le montant moyen de la retraite est 2200 € pour les fonctionnaires civils d’état, 1930 € pour les régimes spéciaux, 1900 € pour les professions libérales, 1160 € pour les salariés du régime général, 720 € pour les artisans, 610 € pour les agriculteurs et 490 € pour les commerçants.Balladur, Fillon, Ayrault : trois "réformes" successives et une régression sociale historique
En 1993, la réforme Balladur a eu des effets particulièrement négatifs :
- augmentation du nombre d’années de cotisation nécessaires à l’obtention d’une retraite à taux plein (40 ans de cotisation, soit 160 trimestres au lieu de 37,5 ans et 150 trimestres auparavant).
- Le salaire annuel moyen (SAM), qui était calculé sur les 10 meilleures années, est calculé dorénavant sur les 25 meilleures, ce qui s’est traduit au fil des années après 1993 par une baisse de près de 20% du montant moyen des retraites du régime général !
- L’indexation annuelle des pensions, calculée à partir de l’indice d’augmentation du salaire moyen, est basée aujourd'hui sur l’indice officiel des prix, datant de 1946 et ne reflétant pas, loin s’en faut, la réalité de l’évolution des prix. Cela a entraîné chaque année une seconde dévalorisation des pensions.
En 2003, la réforme Fillon a aggravé la situation :
- La durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein de 50% à 60 ans a été allongée à 41 ans en 2012.
- Une décote a été instituée avec une réduction progressive de 5% par année manquante en cas de liquidation avant 65 ans sans réunir les conditions du taux plein.
En 2013, la réforme Ayrault a non seulement entériné les deux réformes précédentes mais a allongé encore la durée de cotisation, rogné à nouveau le pouvoir d’achat des retraités et pénalisé durement les jeunes :
- L’allongement a été porté à 42 ans en 2023. Il passera pour une retraite à taux plein à 42 ans et un trimestre en 2026, puis 42 ans et demi en 2029, 42 ans et trois trimestres en 2032 et enfin 43 ans en 2035.
- Les cotisations patronales et salariales ont augmenté de 0,15 point en 2014 puis 0,05 en 2015, 2016 et 2017, soit 0,30 point au total...
- Le report d’avril à octobre de l’indexation annuelle des retraites a entraîné une nouvelle perte de pouvoir d’achat des retraités de 0,9%, en moyenne annuelle...
- Alors que le taux d’emploi des jeunes ne dépasse pas 45% et que la moyenne d’âge d’entrée dans la vie active s’établit à 23,5 ans, ils devront cotiser 43 ans pour une retraite pleine et entière. Le calcul est vite fait : les nouvelles générations ne partiront pas en retraite avant 67 ans, et encore sous réserve qu’elles n’aient pas eu d’interruption de carrière !
- Cerise sur le gâteau, l’accord du 13 mars 2013 concernant les retraites complémentaires ARRCO et AGIRC, signé par la CFDT, FO et la CFTC, a prévu d’indexer dorénavant celles-ci, chaque année, d’un point de moins que le taux d’inflation !
D'autres solutions existent pour un financement pérenne des régimes de retraite mais elles ne plaisent pas aux « réformistes » de gauche et de droite…Selon le COR, le besoin de financement de l’ensemble des régimes de retraites s’établira à 0,4 % du PIB en 2019 et 2020, autrement dit à près de 10 milliards d’euros. Le déséquilibre perdure donc en dépit des engagements des gouvernements successifs mais contrairement à ce que souligne le COR, il y a d'autres pistes pour financer l'équilibre des régimes autres que l’allongement de la durée de cotisation, l’augmentation des cotisations ou la baisse du montant des pensions.
Il est intéressant d’abord de rapprocher les besoinsfinanciers de 10 milliards d’euros à l’horizon 2020 à la détérioration de la part de la masse salariale de 5 points dans le PIB depuis trois décennies, que l’on retrouve essentiellement sous forme de dividendes supplémentaires versés aux actionnaires, soit 100 milliards d’euros par an, 10 fois le déficit attendu en 2020 !
On pourrait donc aller dans une toute autre direction en soumettant à cotisations l’ensemble des revenus des personnes physiques tels que déclarés à l'administration fiscale et non les seuls salaires. Déjà adopté partiellement ou en totalité par plusieurs pays, tous les citoyens sans exception seraient assujettis à cette nouvelle cotisation universelle de Sécurité sociale, remplaçant toutes les autres, y compris la CSG.
Un tel changement serait à la fois plus juste et plus rémunérateur car un point de prélèvement assis sur le revenu fiscal rapporte sensiblement plus que le même taux appliqué sur le seul salaire, et ce d’autant plus si cette cotisation était intégrée à l'impôt sur le revenu et devenait progressive.
Le problème de l’étroitesse de l’assiette salariale se pose également pour les personnes morales et les cotisations dites patronales. En effet, les entreprises à fort taux de main d’œuvre, ayant une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale et une haute valeur ajoutée.
Le remplacement, même partiel, des cotisations patronales par une contribution sur la valeur ajoutée reviendrait pour la première fois à inclure les profits d’exploitation des entreprises dans l’assiette de financement de la Sécurité sociale, notamment les entreprises ayant «ajusté à la baisse» leur masse salariale à l’occasion de restructurations ou délocalisations.
Cette dernière proposition fut explorée à plusieurs reprises par d’anciens premiers ministres, Alain Juppé et Lionel Jospin, mais elle est restée lettre morte. La confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union patronale artisanale (UPA) y sont favorables mais pas le Medef...
Si le système de financement basé principalement sur le recouvrement de cotisations sur salaires a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», il a atteint aujourd’hui ses limites. Et sans réforme véritable pour sortir de la situation de déficit chronique dans laquelle se trouvent le régime général, le régime agricole ou les autres régimes spéciaux, ce sera encore sur les salariés, les retraités et les revenus du travail que pèsera le fardeau de la solidarité nationale…Photo Creative Commons par Yahoo Images
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