Cet arrêt juge que l'acheteur ne peut invoquer la garantie des vices cachés dès lors qu'il connaissait l'existence du vice constitué par la présence de mérule :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 septembre 2013), que par acte sous seing privé du 31 octobre 2009, réitéré par acte authentique du 19 décembre 2009, la société Immobilier VDV a vendu à la société Capucine Zibaut & cie (la société Capucine Zibaut) un immeuble à restaurer ; qu'ayant constaté la présence de mérule, la société Capucine Zibaut a assigné la venderesse en paiement de diverses sommes au titre de la garantie des vices cachés ; que la société Immobilier VDV a appelé en garantie M. X..., qui avait réalisé l'état parasitaire de l'immeuble ;
Attendu qu'ayant constaté que l'état parasitaire annexé à la promesse de vente attestait de la présence d'agents de dégradation biologique du bois, notamment de pourriture molle et de coniophores des caves, que l'acte notarié mentionnait la présence des agents de dégradation biologique du bois ainsi repérés et que l'acquéreur reconnaissait avoir été en mesure de visiter entièrement l'immeuble et de constater cette dégradation du bois et qu'y étaient annexés, outre un second état parasitaire rédigé en termes identiques, le rapport établi par le cabinet Immexpert faisant état d'importants facteurs de dégradation du bâti tels qu'un indice de présence de champignons lignivores sur le plafond de la salle de bains et un risque de rupture de la poutre de la salle de bains et dans lequel étaient incluses deux photographies montrant l'état de dégradation très avancé des bois, relevé que la mérule et le coniophore étaient des champignons lignivores tout aussi dommageables pour le bois et que les états parasitaires employaient le terme générique de champignons lignivores et celui de coniophore des caves et retenu que l'acquéreur avait ainsi connaissance au jour de la vente de la présence de champignons de nature à altérer la structure de l'immeuble et qu'il lui appartenait de prendre les mesures nécessaires pour estimer les conséquences exactes de cette infestation, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs qu'en l'absence de caractère caché des désordres, l'action de la société Capucine Zibaut en garantie des vices cachés ne pouvait être accueillie ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société Capucine Zibaut & cie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Capucine Zibaut & cie à verser la somme de 3 000 euros à la société Immobilier VDV et la somme de 3 000 euros à M. X... ; rejette la demande de la société Capucine Zibaut & cie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Capucine Zibaut & cie.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Sarl Capucine Zibaut & Cie de l'intégralité de ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés ;
AUX MOTIFS QU'il est constant en l'espèce et suffisamment établi par les constatations des professionnels ayant visité les lieux que l'immeuble acquis par la société Capucine Zibaut était, au jour de la vente, infesté par divers insectes et champignons, et notamment le champignon mérule ; qu'il n'est pas plus contesté que la présence de ce champignon lignivore dans un immeuble rend celui-ci impropre à l'usage, en ce qu'il est de nature à affecter sa solidité ; que son éradication implique de lourds travaux ; que la principale question posée à la Cour est de rechercher si la présence de ce champignon présentait pour l'acquéreur un caractère caché au jour de la vente ; qu'en premier lieu, la société Capucine Zibaut dont l'objet social est « l'administration d'immeubles et autres biens immobiliers » ne peut valablement soutenir être profane en matière de transactions immobilières ; qu'ensuite, à l'acte de vente sous signatures privées du 31 octobre 2009 était jointe une « attestation d'état parasitaire de février 2009, en attente d'un nouvel état parasitaire d'octobre 2009 » ; que l'attestation d'état parasitaire établie par M. X... le 19 février 2009 concluait : « il a été repéré des agents de dégradation biologique des bois » et notamment de nombreuses traces d'humidité et de salpêtre, de la petite vrillette, de la pourriture molle, mais aussi « sur un morceau de plinthe derrière la porte accès cuisine : il a été repéré de la pourriture cubique sur quelques centimètres : coniophore des caves » ; qu'enfin, l'acte notarié du 19 décembre 2009 stipulait : « le vendeur déclare qu'un diagnostic établi par M. Gérard X... le 20 octobre 2009 ne révèle pas la présence de termites, mais révèle la présence d'agents de dégradation biologique du bois dans le bien objet des présentes. L'acquéreur reconnaît avoir été en mesure de le visiter entièrement et de constater la présence de ladite dégradation du bois telle que décrite dans le diagnostic de M. X... ci-dessus visé » ; qu'était jointe à cet acte notarié une attestation d'état parasitaire établie le 20 octobre 2009 par M. X..., reprenant les termes de celle du 19 février 2009 ; qu'était également joint à l'acte un rapport de diagnostic établi par le cabinet Immexpert, lequel avait essentiellement pour but de rechercher le risque d'exposition au plomb, mais qui fait également état d'importants facteurs de dégradation du bâti, à tel point qu'il en avertit les services de l'état conformément aux dispositions du Code de la santé publique ; qu'il a de fait constaté des « traces importantes de coulure ou de ruissellement d'eau » ; « plusieurs unités de diagnostic d'un même local recouvertes de moisissures ou de taches d'humidité » ; « indice de présence de champignons lignivores » sur le plafond de la salle de bains ; un « risque de rupture » de la poutre de la salle de bains ; que deux photographies montrant l'état de dégradation très avancé des bois étaient incluses dans ce rapport ; que le 5 janvier 2010, l'architecte chargé de la réhabilitation de l'immeuble a invité le propriétaire à « faire des investigations complémentaires par une entreprise qualifiée afin de pouvoir conclure en la présence de champignons, et d'en évaluer leur étendue et leur typologie » ; que la société Normandie Termites, spécialisée dans les pathologies des bois, a effectué divers sondages en février 2010 et son rapport fait état : - de la présence du champignon mérule « en quantité importante » sur les maçonneries du mur de la boutique, ainsi que sur les murs de la chambre 1 ; - de la présence d'un champignon Coniophore dans la chambre 8 ; - de la présence de champignon coprinus radians au plafond de la laverie et au plafond de la buanderie ; - de la présence des champignons Treschispora et Antrodia dans la salle de bains et la chambre 8 ; que dans son rapport d'anakyse, la société Normandie Termites précise que la mérule et les Antrodia produisent, de même que le coniophore, une pourriture cubique du bois, et que le coprinus Radians et les Trechispora ne sont pas particulières dommageables pour le bois, au contraire de la mérule ; que la documentation produite par la société VDV montre que la mérule et le coniophore des caves sont des champignons lignivores semblables et tout aussi dommageables pour les bois, leur principale différence tenant aux taux d'humidité nécessaire à leur fructification ; que certes, les état parasitaires joints aux actes de ventes n'emploient pas le terme « mérule » ; qu'il est toutefois employé le terme plus générique de « champignons lignivores » ainsi que celui de « coniophores des caves » ; qu'il s'ensuit que la société Capucine Zibaut a été informée lors de la vente de la dégradation importante des bois de l'immeuble, notamment par l'effet de champignons lignivores ; que dès lors, peu important que le terme « mérule » n'ait pas été employé, et peu important également que l'importance de l'infestation n'ait pas été totalement diagnostiquée, puisque cela aurait supposé des sondages destructifs qu'il n'appartenait pas au diagnostiqueur de réaliser, il apparaît que l'acquéreur, professionnel de l'administration d'immeubles, avait nécessairement connaissance au jour de la vente de la présence de champignons de nature à altérer la structure de l'immeuble ; qu'il lui appartenait en conséquence de prendre toutes mesures nécessaires pour estimer les conséquences exactes de l'infestation et le coût de la remise en état ; qu'en l'absence de caractère caché des désordres, la société Capucine Zibaut ne peut donc prospérer en son action en garantie des vices cachés, et le jugement sera infirmé ;
ALORS D'UNE PART QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels qu'ils sont fixés par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions respectives des parties que la qualité d'acquéreur profane de la société Capucine Zibaut , qui avait été reconnue par les premiers juges, n'était pas discutée en cause d'appel ; qu'en retenant cependant que la société Capucine Zibaut ne pouvait valablement soutenir, eu égard à son objet social, être profane en matière de transactions immobilières, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la qualité de professionnel, susceptible d'entraîner une présomption simple de connaissance des vices décelables selon une diligence raisonnable, ne peut être reconnue qu'à celui qui dispose d'une qualification professionnelle permettant de supposer de sa part une réelle capacité de contrôle de la chose vendue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, pour présumer sa connaissance du vice affectant l'immeuble, a déduit la qualité d'acquéreur, professionnel des transactions immobilières, de la société Capucine Zibaut de son seul objet social consistant dans « l'administration d'immeubles et autres biens immobiliers », sans caractériser en quoi cet objet social permettait de supposer une réelle capacité de la société Capucine Zibaut à contrôler l'immeuble vendu, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;
ALORS ENFIN QUE le vendeur est tenu des défauts cachés de la chose qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, et dont l'acheteur n'a pu se convaincre lui-même ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate que les états parasitaires joints aux actes de vente ne faisaient état que d'infestations très limitées (plafond de la salle de bain et plinthe derrière la porte de la cuisine) par des champignons lignivores non désignés comme étant de la mérule, et que l'importance réelle de l'infestation ne pouvait être diagnostiquée que par des sondages destructifs qui n'ont pas été réalisés ;
qu'en retenant cependant l'absence de caractère caché des désordres pour rejeter l'action en garantie de la société Capucine Zibaut contre le vendeur professionnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résulte que le vice était indécelable dans son ampleur et ses conséquences par l'acquéreur, a violé les articles 1641 et 1642 du code civil."