Vous l’avez sûrement appris par les gazettes, la basilique Saint-Donatien, l’une des principales églises de Nantes vient de brûler, quarante-trois ans après le grand incendie de la cathédrale Saint-Pierre. Les photos témoignent de la violence de l’incendie : la charpente est totalement consumée et la voute risque de s’effondrer. L’émotion est forte chez les Nantais.
Je suis né à Nantes (où on ne le parle pas). Il est donc logique qu’Artetvia consacre un article à cet édifice. Il possède la particularité, même si la construction actuelle est récente, d’être le berceau de l’histoire chrétienne de la ville.
Donatien et son frère Rogatien sont deux enfants d’une famille patricienne du Portus namnetus, ville alors très importante (20 000 habitants dit-on) et propriétaire d’un domaine situé en dehors de l’enceinte. Appartenant à la jeune et petite communauté chrétienne – on pense qu’il n’y avait même pas encore de clergé permanent, mais seulement des prêtres de passage – ils refusent d’abjurer leur foi et sont massacrés sur le lieu où est construit l’actuelle basilique – en réalité, les historiens sont divisés, certains placent le lieu du drame à quelques dizaines de mètres. Cela s’est passé vers l’an 300. Leurs reliques sont placées dans un sarcophage en pierre, puis transférées à Orléans pendant les invasions normandes. De retour à Nantes, elles sont déposées dans une châsse en or. La révolution les dispersera et seul le premier reliquaire en pierre subsistera. Il est toujours visible dans le bas-côté gauche de l’église actuelle.
Le culte des deux enfants nantais est fulgurant. Rapidement une première église est érigée sur les lieux du drame, dont on ne sait pas grand’chose il faut l’avouer. Saint Grégoire de Tours mentionne l’église et lui attribue déjà le titre de basilique. Le titre officiel, quant à lui, sera accordé … en 1889.
L’histoire de l’église est ponctuée de destructions, de reconstructions, de travaux et d’ajouts : 1226, 1637, 1739, 1778… Pendant la révolution, les cloches sont fondues et l’édifice sert d’hôpital, il est partiellement détruit l’année suivante sauf la façade et le clocher. Rachetée en 1796, l’église est rendue au culte en 1804.
En 1871, l’évêque de Nantes promet de construire un nouveau bâtiment si la guerre épargne la ville. C’était un peu la mode : nous avons le cas également à Lille (Sacré Cœur) ou à Angers (La Madeleine). Chose promise, chose due : les fondations sont creusées en 1872, la première pierre est bénie en 1873. L’église l’est en 1878, bien qu’inachevée : elle sert déjà de lieu de culte. Elle est consacrée en 1889, avant la fin des travaux (ce qui est assez étonnant, car traditionnellement, une église était consacrée, parfois longtemps après la reprise du culte, une fois la construction achevée… et une fois les crédits remboursés – on ne consacre que ce que l’on possède). En 1901, trente après le début des travaux, l’édifice est terminé, avec l’adjonction de deux hautes tours (44 mètres) qui remplacent les flèches initialement prévues.
C’est une église typique de son époque : une architecture néo quelque chose (les mauvaises langues parleraient de néo-moche, c’est malin), doublée d’un aspect massif, assurant à l’édifice une forte visibilité. Les historiens de l’art parlent à son sujet d’édifice néo-gothique primitif. Si en effet par la taille et l’organisation générale de la façade, l’influence gothique est indéniable, en revanche, de nombreux détails lui confèrent un aspect très roman : le pignon triangulaire, les pinacles, la décoration. C’est d’ailleurs ce qui fait le charme de l’édifice. Ce n’est pas un pastiche, mais une vraie création à partir d’éléments existants : Emile Perrin, l’architecte a bien conçu la chose !
L’intérieur de l’église est assez austère, avec des travées très régulières et une décoration dépouillée. Néanmoins les clés de voutes peintes, les peintures des transepts et la chapelle axiale centrale à la décoration très néo-gothique, viennent atténuer la sobriété du monument. A noter également la présence d’un orgue du facteur Louis Debierre, qui a été monté en 1881, mais du fait de sa petite puissance (15 jeux) et donc inadapté à la taille de l’édifice, il fut repris et développé en 1971 par la maison Bouvet-Renaud de Nantes. Le mobilier du chœur, crée au début des années 1970 n’est pas des plus réussis, néanmoins, il ne gâche pas l’ensemble.
N’oubliez pas enfin de descendre dans la crypte. Le lieu du premier tombeau des enfants est signalé par une plaque de marbre noir.
On espère évidemment que cet édifice emblématique de la ville de Nantes puisse être restauré rapidement et ouvert à tous !