« J’ai attendu sur le lit. J’ai fini par m’endormir et j’ai rêvé pour de bon : Une nuit d’été, très chaude. J’étais à bord d’une voiture décapotable. Je sentais la présence du conducteur mais je ne distinguais pas son visage. Du centre de Paris, nous roulions vers le quartier de la porte d’Italie. Par moments, il faisait jour, nous n’étions plus dans la voiture, et nous marchions à travers de petites rues semblables à celles de Venise ou d’Amsterdam. Nous traversions une prairie vallonnée à l’intérieur de la ville. La nuit, de nouveau. La voiture suivait lentement une avenue déserte et mal éclairée proche de la gare d’Austerlitz. Le nom : gare d’Austerlitz était l’un de ces mots qui vous accompagnent dans votre sommeil et dont la résonance et le mystère se volatilisent le matin lorsque vous vous réveillez. Nous arrivions enfin sur un boulevard périphérique qui descendait en pente douce et où je remarquais des palmiers et des pins parasols. Quelques lumières aux fenêtres des grands immeubles. Puis des zones de pénombre. Les immeubles laissaient place à des entrepôts et au mur d’enceinte d’un stade… Nous nous engagions dans une rue bordée d’une palissade et de feuillages qui cachaient le remblai d’une voie ferrée. Et sur la palissade demeuraient encore les affiches des cinémas du quartier. Cela faisait si longtemps que nous n’étions plus revenus dans ces parages… »
Parick Modiano, Voyage de noces, Gallimard ed, p. 98