Bon nombre d’entre nous avaient constaté que peu d’annonces de vente d’avions avaient été faites depuis le début de l’année. Ce qui nous a d’ailleurs été rappelé par Philippe Petitcolin, le directeur général du groupe Safran ŕ quelques jours de l’ouverture du salon aéronautique du Bourget, et selon lui, cela laissait augurer que le salon qui se tient cette semaine serait trčs dense.
Supposition qui en ce troisičme jour du salon aéronautique se confirme pleinement. Loin de nous l’idée de faire un inventaire ŕ la Prévert d’autant que le salon n’est pas terminé. Au terme du deuxičme jour du salon, le match était trčs serré entre les deux grands protagonistes du secteur. Mais si la premičre journée c’était Airbus qui a tenu le haut du pavé, il s’est fait dépasser le second jour par Boeing. En deux jours le montant des commandes fermes annoncées par Airbus s’élevait ŕ 15,3 milliards de dollars tandis que son concurrent le distançait en affichant 16,7 Md$. Des montants calculés au prix catalogue de chacun des constructeurs.
Tout naturellement les yeux et les oreilles se tournent vers les deux grands avionneurs, mais ce serait une erreur d’oublier les succčs rencontrés par les spécialistes des avions dits régionaux tels qu’ATR ou Embraer. Pour le franco-italien ATR, le salon est déjŕ un succčs car non seulement il a annoncé une commande ferme de 46 biturbopropulseurs avec des options sur 35 appareils pour un montant voisinant les 2 milliards de dollars, mais il remporte aussi un succčs historique au Japon en engrangeant une commande avec la filiale régionale du groupe JAL, Japan Air Commuter, qui a signé l’acquisition de 8 ATR42-600 fermes auxquels viendront peut ętre s’ajouter 14 autres appareils si toutes les options sont levées dans l’avenir.
De son côté, le brésilien Embraer avance la signature de contrats pour un total de 50 appareils avec presque autant d’appareils en option pour un montant de 2,6 Md$.
Des commandes non exhaustives qui préfigurent le niveau d’activité soutenue que vont devoirs maîtriser l’ensemble des intervenants de la chaîne des fournisseurs. Car bien évidemment ces commandes ont pour corollaire la vente de moteurs (męme si le choix de la motorisation n’est pas toujours fait en męme temps que celui de l’avion), celle d’équipements dont certains sont Ť au choix du client ť, mais aussi la concrétisation de contrats de sous-traitance qui impacte aussi bien les systémiers que les sous-traitants.
Autre domaine qui connaît également une forte activité que celle de la vente de services de réparation et de maintenance qui doit s’adapter ŕ de nouveaux critčres de marché. En effet, de plus en plus de constructeurs (avionneurs, motoristes, équipementiers, etc.) veulent piloter l’entretien, la réparation et la maintenance (MRO) de leurs produits. Ceci bien évidemment dans le souci d’apporter un service global aux exploitants, mais aussi de conforter leur chiffre d’affaires. Un phénomčne qui change la donne. Pour autant, la guerre commerciale que se livrent parfois les compagnies aériennes associées ou non ŕ leurs propres services de MRO et l’OEM (orignal equipment manufacturer) n’est pas une généralité, mais elle a bien eu lieu en toile de fond pour le groupe Air France KLM. Ainsi la concrétisation du contrat d’acquisition des Airbus A350 a duré des mois car un accord sur la maintenance de leurs moteurs Trent XWB –seule motorisation proposée par Airbus pour cet appareil- achoppait avec leur constructeur Rolls-Royce. Cela a pris aussi prčs de deux ans au groupe AF KLM pour choisir les moteurs de ses Boeing 787 qui en final s’est porté sur le GEnx de General Electric qui l’a emporté face au concurrent Rolls-Royce qui offrait le Trent 1000. A la clé un accord de partenariat entre GE et AFI KLM E&M pour la maintenance des GEnx.
Et ce mercredi matin lors de la conférence de Franck Terner patron d’AFI KLM E&M, Ton Dortmans directeur général de la branche néerlandaise KLM E&M nous confiait que ce partenariat était effectif et que quatre de ces moteurs étaient déjŕ sortis de l’atelier dédié basé ŕ Amsterdam aprčs avoir été révisés. Une intervention de courte durée (quick turn) qui s’est effectuée en délestage de charge confiée par GE. C’est dire que les relations entre motoristes et opérateurs peuvent trčs bien fonctionner. D’ailleurs ŕ ce propos, Franck Terner estime que Ť les OEM ont besoin de notre puissance tout autant que nous avons besoin d’eux ť, ce qui explique le partenariat qui a été conclu entre les deux entités, et qui fait suite ŕ un accord préexistant entre GE et AFI pour l’entretien des moteurs GE90.
Pour revenir aux nombreux contrats annoncés ŕ ce jour au salon, on peut dire que tous les secteurs en bénéficient et ce, quelque soit le type d’appareils. Ainsi par exemple, ce matin męme Stelia Aerospace North America a annoncé avoir été retenu par Lockheed Martin pour la fabrication du support en composite de la dérive du C-130J. Un contrat qui sera exécuté ŕ Mirabel sous couvert d’obligations de retombées industrielles et régionales résultant du contrat d’acquisition de ce type d’appareils par le Canada.
Pour les entreprises d’ingénierie dont on peut craindre une réduction d’activité résultant du manque de lancement de nouveaux programmes si ce ne sont des charges d’études pour l’évolution des avions notamment en regard des nouvelles motorisations, l’annonce faite mardi par Airbus Helicopters est de nature ŕ rassurer ces entreprises.
En effet, l’hélicoptériste qui présente son nouvel H180 (qui est le nom commercial du projet X4), a lancé hier au Bourget le démarrage de la phase de conception de son projet X6 qui a pour vocation ŕ remplacer sur le créneau des hélicoptčres lourds le Super Puma. Une phase de développement qui doit s’étaler sur 2 ans et qui aura des retombées sur les entreprises d’ingénierie tant françaises qu’Allemandes.
Nicole Beauclair pour Aeromorning