Une belle rencontre avec Jêrome Cotta, "Jehro" Dans les locaux de Warner Music
J’ai rencontré un homme simple et gentil, très ouvert aux choses et aux gens.
Si Jérôme Cotta a déjà derrière lui une longue carrière, il n’en reste pas moins humble face à celle-ci malgré ses échanges et ses partenariats avec d’autres grands noms de la musique.
Toujours à la recherche du beau son, inspiré à la fois par ses maîtres et par ses rencontres, Jérôme m’a livré une partie de lui lors de notre interview. Un homme, qui considère son métier d’artiste comme une chance, se verrait plus comme un artisan qu’un chanteur dans sa façon de travailler.
"Grand militant dans l’âme Jérôme rêve du mieux pour l’humanité."
2006 à 2011 puis à 2015 – Pourquoi autant d’années entre chaque Album ?
Je dirais que c’est le rythme provençal (rire). C’est-à-dire que je suis plutôt lent de nature. Je vis à la campagne, je ne suis pas dans les rythmes urbains ou les choses de ce genre, donc c’est vrai que cette part créative peut être influencée par l’ambiance générale des contextes dans lesquels je vis. il faut dire aussi que je ne suis pas quelqu’un de particulièrement pressé. Le rythme industriel voudrait que ce soit un album à peu près tous les deux ans, mais personnellement, je préfère prendre mon temps. Je sais que ce n’est pas forcement comme ça que ça fonctionne, mais je tiens à respecter les rythmes intérieurs, écouter ce qui se passe en moi. Je ne suis pas le plus rapide, mais je ne suis pas le plus lent non plus (rire)
En 2006 et 2011, avec « Jehro » et « Cantina Paradise » nous avions deux albums avec des chansons en Anglais et en espagnol, avec des rythmes très sud-américains, Reggae. Ce dernier album est un peu plus réduit puisqu’il n’y a une chanson Anglo-portugaise et la dernière qui est en langue Wolof.
Pour cet album, ce n’était pas forcément des chansons latines qui se sont manifestées. J’ai fait comme je fais d’habitude, en prenant les choses comment elles viennent. Je ne porte pas de jugement sur mon inspiration, puis après j’essaie de trouver une cohérence à ce patchwork. Et au final, c’était assez évident. Pour mon prochain album, j’aimerais faire quelque chose dans des ambiances plus tropicales, caraïbes. Je suis fan des musiques du Sud. Quand je parle de musique du Sud, ça se situerait plutôt vers l’Afrique et l’Amérique latine..la dernière chanson de l’album est d’ailleurs composée avec des couplets en Wolof et les refrains en anglais.La soul Américaine pour moi, fait aussi partie de ces musiques du Sud.
Dans cet album, si je te dis que j’ai vu un peu de Ben Harper en toi, qu’en penses-tu ?
Hé bien écoutes je le prends plutôt bien.C’est certainement aussi un peu à cause de Mitchell Froom que j’ai rencontré en Provence, c’était vraiment une belle rencontre. Lui vient d’un univers assez différent du mien. Il est plutôt issu d’une mouvance Folk/rock, ce qui me semblait intéressant pour faire quelques chose de différent de ce que j’avais fait jusqu’à aujourd’hui. Humainement, entre nous ça c’est passé vraiment bien et je trouve qu’il a apporté beaucoup à cet album..une vision plus organique, assez noble, on a tout enregistré en analogique avec les musiciens pour restituer au mieux le côté vivant de la musique. Et oui, c’est vrai aussi qu’on peut trouver à cet album un côté un peu vintage et classique qu’on ne retrouve pas dans les autres..
En 2012, on t’a remis une Victoire de la musique « du monde » pour Cantina Paradise. Espères-tu de nouveau une récompense pour ce dernier album ? Et pense tu que la catégorie « musique du monde » te corresponde ?
Moi ça me va (rire). « Musique du monde » c’est un peu la catégorie fourre-tout quand ils ne savent pas vraiment où te mettre et l’idée au fond ne me déplait pas.Ce prix, je l’ai pris plutôt comme un encouragement. D’une certaine façon, les Victoires aujourd’hui sont en résonance avec ce qu’il se passe dans la société, c’est-à-dire que les tribus culturelles, musicales et sociales sont beaucoup plus marquées, beaucoup plus refermées sur elles-mêmes et donc forcément par répercussion le réflexe d’appartenance à tel ou telle chose : c’est rap, c’est rock, c’est ci, c’est ça...est plus omniprésent aujourd’hui..
Personnellement, au départ, je pourrai aimer un peu de tout, j’essayes juste de suivre le fil de mon inspiration, après les gens font leurs définitions ou leurs interprétations des choses.Le terme « Musique du monde » c’est une certaine façon de décrire la musique des autres. C’est la culture occidentale qui dit « ça, c’est la musique des autres »..alors que fondamentalement, par définition..toutes les musiques sont des musiques du monde.. Je pense que cette Victoire c’est aussi une façon pour les gens du métier de me soutenir dans ma musique. Je l’ai donc pris de façon plutôt positive. Mais je ne me focalise pas sur les prix, même s’il faut avouer que c’est plutôt sympa d’en recevoir..ce qui m’intéresse plus c’est comment les gens s’approprient mes chansons et posent ou vivent des choses personnelles dessus. une chanson, ça peut être utile à un moment dans la vie..et s’intégrer positivement dans la vie intime, c’est là pour moi qu’un artiste sert à quelque chose.
Que penses-tu du marché du disque à notre époque ? Téléchargement ?On est dans une période de transition, je ne sais pas encore exactement comment ça va évoluer, mais ils vont forcément verrouiller un jour ou l’autre. C’est manu Chao qui dit et je pense qu’il a raison « Les films, c’est gratuit, la musique, c’est gratuit, mais à ce moment-là il faut que le reste soit gratuit sinon ce n’est pas fairplay.. ». Il y a une chose dont je suis sûr en tous les cas c’est que l’album sort le 22, et que le 23 il sera certainement déjà disponible sur des sites de téléchargement Pirates.
Tu as enregistré ce dernier album à Los Angeles. Comment trouves-tu la façon de travailler des Américains ?
Assez différent, c’est plus concentré..un peu moins cérébral, avec un côté moins ouvertement littéraire qu’ici..une vision de la musique qui est plus orientée sur l’axe émotionnel. Ils focalisent beaucoup plus sur le spectre émotionnel d’une chanson..
Sur le plan créatif et artistique, ils cherchent à réaliser la meilleure mise en scène sonore possible que pourrait avoir une chanson. Sur ce point-là je pense que j’ai pas mal appris avec eux, sur la façon de chanter, la façon dont tu vas orienter ton interprétation, le son général d’une chanson, tout ça change pas mal de choses. Quant aux lieux, on a enregistré l’album au Big Oak Studio (Studio de Mitchell Froom & David Boucher), les cordes ont été enregistrées au Sunset studio (Los Angeles) lieu mythique qui a vu passer un nombre d’artistes assez impressionnant, le studio lui-même à un son, donc juste enregistrer les cordes dans un endroit comme celui-là c’était vraiment sympa, ça contenait déjà en soi une forme de poésie.
La sortie de l’album est prévue pour le 22 juin. Nous ne sommes pas loin des fameuses sorties des « Musiques de l’été » Choix personnel ou cela s’est imposé à toi ?J’ai enregistré l’album en février-mars, il était au départ question de le sortir plutôt en septembre, mais Warner vraiment enthousiaste sur le résultat a finalement décidé qu’il était prêt à sortir maintenant. Ce n’était pas un choix personnel, mais c’est vrai aussi que j’ai une musique qui est plutôt liée au soleil ou en tous les cas, aux lieux où il y en a..
D’ailleurs, je ne pense pas être un type d’artiste relié aux grandes autoroutes commerciales ou marketing , je serais plutôt dans une démarche d’artisan et les gens qui s’intéressent à mon travail, qui sont susceptibles de l’acheter, ne sont pas forcément des personnes qu’on va retrouver sur des gros créneaux ou stratégies médiatiques de ce genre. Les gens de Warner ont été super avec moi, ils m’ont laissé faire ce que je voulais, je pense qu’ils ont confiance en moi et je les vois bosser sur l’album avec un bel enthousiasme donc..je me dis que quelque part, et j’espère que ce n’est pas de la vanité de penser ça mais, que le contenu de l’album et des chansons les motive assez pour faire de belles choses autour avec une promo qui, je dirais, est plutôt noble.
Je souhaitais faire quelque chose de différent par rapport à ce que je faisais jusqu’à présent. Après on peut aimer ou ne pas aimer, on est en démocratie après tout, mais c’est vrai que c’était mon souhait de départ de travailler avec un véritable producteur/réalisateur pour cet album et d’accepter les éventuels changements possible qu’un regard extérieur peut apporter sur ton travail. Ce qui se retrouve au niveau du son, c’est la matière la plus importante et le fait de changer la manière d’enregistrer ça change vraiment beaucoup de choses.
Qui est Jérôme Cotta ?
(Rire) Ouh là! la question ! Je dirais un p’tit gars, un être humain sur la terre, né au hasard en Provence, qui vit, qui aime, qui se pose des questions et qui essaie de transformer ses expériences de vie en musique. C’est quelqu’un qui est convaincu que la musique est le meilleur outil qui puisse apporter une forme de paix, une paix des sentiments, et des pensées.
« Je ne suis qu'un petit être parmi les autres »
Qui est Jehro ?
Un pseudonyme, Jehro étant une contraction de mon prénom donc c’est quelque chose de plus simple..et relié au fait qu’à l’époque le projet étant en langues étrangères ça semblait logique de trouver un autre nom.
Comment penses-tu que le public va accueillir ton album ?
J’espère, bien ! (rire), c’est surtout voir comment ils vont réagir aux chansons, si c’est positif tant mieux et sinon, si c’est négatif bah, une forme de rejet c’est toujours possible aussi, mais dans le fond après, tout ça ne m’appartient plus vraiment..Une fois que le travail est fait... mon boulot sera plutôt d’essayer de le faire vivre du mieux possible et que tout se passe bien avec les gens , que les thèmes abordés dans mes chansons soient compréhensibles pour eux. Je n’ai pas l’impression de faire un univers compliqué, mais ça peut être aussi très difficile de faire simple.
Une tournée qui commence en septembre. Tu peux nous en parler ?
Il y aura surement beaucoup de titres de ce dernier album et une partie des deux précédents, mais il faudra faire une sélection. Je souhaiterai que le son se rapproche plus de cet album parce que ça m’intéresse de proposer une ambiance différente, ça va nous diriger vers quelque chose d’un peu plus épuré parce que cet album- là est plus sobre en terme d’arrangements, de sonorités et j’aimerais bien qu’on s’inspire de ça pour la scène.
Le duo de tes rêves ?
J'en ai déjà fait un merveilleux avec Mayra Andrade, mais sinon, un duo qui me comblerait ça serait certainement avec Seu Jorge. J'adore ce qu'il fait ! Ou Melody Gardot, une chanteuse plutôt orientée Jazz avec une voix très sensuelle, une vraie qualité d'interprétation. Je me dis que ça pourrait donner quelque chose de sympa.
Qu’as-tu sur ton MP3 ?
Alors... Mélody Gardot , Ray Lamontagne, Manu Chao, Atahualpa yupanqui, ce dernier, je ne sais pas si tu connais?..c’est un Poète révolutionnaire, chanteur et guitariste argentin des années 50’ qui a écrit des Milongas absolument magnifiques, il y aurait aussi Toots and the Maytals, Aretta Franklin, Nat king cole. Il y aurait du Stromae surement... j’aime bien Stromae, il a réussi à mélanger des choses qui semblaient en apparence irréconciliables et en fait, il a réussi à le faire. Déjà ça c’est un truc formidable, parce que quelqu’un qui arriverait à mélanger des textes forts de tradition française avec de la musique électronique, déjà ça paraissait périlleux, et bien lui il y est arrivé et avec talent. Je trouve que c’est un interprète formidable, qui arrive à être populaire sans pour autant être racoleur. Je trouve que c’est assez rare dans le milieu de la musique de voir apparaitre des personnalités comme ça, surtout à cet âge-là. En plus il a déjà un univers vidéographique très riche et super abouti donc que dire sinon..bravo !
Si tu devais reprendre une chanson en français. Ce serait de qui ? Et laquelle ?
Y’en a plein... Je pense du Ferré surement ou du Brel. J’ai fait une reprise de Brassens en Anglais, « les passantes » pour l’album Hommage à Brassens (Putain de toi) cette chanson, je l’aime bien.De tous les artistes français dans ce style « ancienne chanson Française » c’est peut-être lui que je préfère. Il était bienveillant, il avait une compassion intelligente, et c’est quelque chose de rare dans le métier. J’aime beaucoup sa simplicité profonde... Donc je pense que ce serait surement du Brassens.
Doit-on se dire à dans 5 ans ?
(rire) Allez, je pense dans 3 ans..Je m’y suis déjà mis, enfin j’ai beaucoup d’autres chansons. Donc si je devais refaire un album j’aurais déjà de quoi. En plus, il y a quelque chose d’assez étonnant avec ma musique, c’est que mes chansons sont toujours annonciatrices d’un événement qui va m’arriver..
Jennifer, Jérôme Cotta et moi même ^^
Merci à