Mustang // De Deniz Gamze Ergüven. Avec Erol Afsin, Günes Nezihe Sensoy et Doga Zeynep Doguslu.
Mustang c’est l’histoire de 5 soeurs qui voulaient vivre leur vie, comme elles le voulaient, en liberté. Présenté en compétition à Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes, Mustang a obtenu la Caméra d’Or et le moins que l’on puisse dire c’est que Deniz Gamze Ergüven n’a pas démérité. Son film est magnifique. Enfin, visuellement. Car l’histoire qu’il nous raconte au travers de son fils est probablement l’une des plus terrifiantes que j’ai vu ces dernières années au cinéma. Je savais qu’il existait encore les mariages forcés mais le voir à l’écran, c’est impressionnant. Surtout que le film oscille en un ton ultra dramatique et fort et quelque chose de beaucoup plus léger et amusant. Car dans la relation entre ces 5 soeurs il y a aussi la volonté de passer de bons moments, de s’évader par moment (notamment lors d’un match de football, ce va délivrer tout un gimmick très amusant). Mais dès que l’on revient à la réalité, les choses sont terribles (l’oncle sexuellement répréhensible, la fessée générale, la façon dont l’oncle va barricader les filles petit à petit, transformant la maison en une véritable prison, etc.). Mustang n’est pas un film facile, en tout cas cela ne veut pas être un film facile. Par ailleurs, le film est teinté, du début à la fin, d’une lumière à crever les yeux. C’est quelque chose d’étrange qui contraste avec ce que raconte le film. Deniz Gamze Ergüven a sûrement voulu démontrer que même avec tout ce que Erol a pu faire, les films voient toujours la lumière et la liberté au bout du tunnel.
C'est le début de l'été.
Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.
La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger.
Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.
Le film est véritablement engagé. Il veut raconter comment, au fond de la Turquie, dans de petits villages, on peut forcer à se marier de jeunes filles qui n’en ont pas envie. Si au départ c’est difficile mais que cela parvient encore à passer, le pire sera le dernier mariage prévu avec une jeune fille mineur. La grand mère va expliquer qu’elle s’est mariée à son âge et qu’elle a appris à tomber amoureuse de celui qu’elle a épousé qu’elle ne connaissait même pas. C’est terrible et Mustang veut justement nous raconter à quel point le portrait de ces femmes est tout simplement horrifiant. L’engagement est là car le réalisateur veut montrer la cruauté dans un pays qui se veut civilisé et loin de toutes ces histoires là. Istanbul devient alors le rêve de ces 5 soeurs qui veulent quitter ce village cafardeux où rien ne leur plaît afin d’aller enfin où elles veulent, faire ce qu’elles veulent de leur vie. Le départ de ce film est pourtant une scène de liberté dans une région du pays très peu liberticide vis-à-vis des femmes. Car là bas, frotter son minou sur le cou des hommes peut être considéré comme de la masturbation et peut-être même qu’elles auraient pu perdre leur virginité. C’est à la fois complètement fou mais aussi terrifiant de se dire que la virginité est vue comme une raison de se marier, sans quoi une femme est destinée à devenir une paria pour sa propre famille.
Le casting des jeunes filles est bien trouvé. Il y a une vraie alchimie qui se créé entre ces jeunes femmes et qui est palpable dès le début du film. C’en est terriblement mignon. On n’a pas envie de laisser ces personnages partir à la fin du film, au delà de tous les drames qu’elles ont pu vivre au fil des minutes qui passent. D’un certain côté, ce film me rappelle énormément Virgin Suicides de Sofia Coppola avec en plus de ça une vision beaucoup plus chaotique de la femme étant donné que ce que l’on nous raconter fait état de la condition féminine en Turquie et c’est édifiant. Quand on pense que ce pays veut entrer dans l’Union Européenne, bafouant le principe même de la liberté des femmes c’est atroce. Ce premier long métrage est fort, imposant et magnifique. Le casting est soigné, les dialogues choisi avec soin (entre légèreté et dureté) et la mise en scène, très légère et très posée, donne l’impression assez souvent d’un voile qui se pose sur l’écran afin de cacher toutes les horreurs qui s’y passe et pour n’en garder que l’espoir qu’il reste encore dans les yeux de chacune des soeurs. Voici un film sans prétention aucune qui veut juste raconter son histoire, à sa façon, sans tomber dans la mauvaise parodie ou dans le film politique surfait.
Note : 9/10. En bref, sur un sujet aussi difficile que la condition des femmes dans la Turquie profonde, Mustang est un film brillant.