Clichés I. Rambaud
A force de fréquenter Candide, je me suis dit que l’esprit de Voltaire devait imprégner tout ce que son nom approchait. Eh bien, c’est vrai …et faux !
Pour preuve, la station Voltaire du métro parisien, en dessous et au dessus. Une expérience à vivre et que je me promets de poursuivre pour d’autres célébrités, (si je tiens le coup !).
Pour Voltaire, les choses commencent plutôt mal à dire vrai. Tout d’abord, il partage « sa »station avec Léon Blum, car « son boulevard » aboutit directement sur la place attribuée au grand socialiste. Je n’ai rien contre cette solidarité qu’on retrouve ailleurs. Ainsi la station Picpus (célèbre pour le cimetière du même nom) cohabite avec Courteline…
A-t-on voulu associer systématiquement le sérieux et l’humour ? Dans ce cas, c’est assez réussi…
Mais ce n’est quand même pas la même chose que d’avoir une station à soi tout seul !
Le hasard faisant bien ( ?) les choses, sur le quai notre philosophe côtoie, pour les besoins de la publicité, Léonard de Vinci « ingénieur-créateur » appelé à la rescousse pour améliorer les transports parisiens et l’image de marque du Syndicat concerné.
Beau coup de pub. Ce voisinage prometteur s’essouffle néanmoins assez vite.
A la sortie, Voltaire, réduit à l’état de buste, végète dans une sinistre vitrine de plexiglas entre un téléphone de secours et le plan du métro.
Comme un poisson hors de l’eau. A-t-il mérité cette mise en boîte ? Qui lui en veut à ce point à la RATP ? Je m’interroge et sors à l’air libre constater l’influence voltairienne à l’extérieur.
A première vue, le boulevard présente un aspect plutôt bourgeois, genre haussmannien, régulier et noble. L’artère est large, deux fois deux voies, et plantée de beaux arbres à la ramure élevée.
Les commerces affichent peu leur relation intime avec le grand homme à l’exception d’un hôtel « le Royal Voltaire » (curieux non ?), d’une « quincaillerie Voltaire » (sobre et fonctionnelle), d’une brasserie « le cadran Voltaire » (où le temps doit passer plus lentement ?).
Tout de même, un coiffeur désinvolte et sans complexe est sans doute le plus proche de l’ironie tant attendue en ce lieu : « le Volt’Hair » rend hommage à l’encyclopédiste, aux langues et aux perruques tout à la fois.
Bravo pour la bouclette !
Je commence à trouver le lieu plus sympathique qu’il n’y paraît à première vue.
D’ailleurs à y regarder de plus près, d’autres indices laissent à penser qu’il suffirait de peu de choses pour que le sage boulevard se gondole soudain, pris d’un grand fou-rire communicatif.
Une brasserie affiche avec fierté sa nouvelle tente avec la belle inscription en évidence : « Bistro fondé depuis sa reprise », mais oui, ça ne s’invente pas !
Et puis des affiches annonçant le passage de Guignol s’accrochent un peu partout et jusque dans la librairie d’occasion (il y a même une librairie !), le sourire du clown nous fixe avec gravité, faisant grise mine devant les oeuvres complètes de Roland Barthes !
Un peu plus loin, une affichette propose aussi « un stage de clown pour adultes ». Mais oui !
Ne vous y fiez donc pas, les boulevards parisiens sont plus cocasses qu’il n’y paraît…
Et lui Voltaire aurait-il aimé ?