© Sébastien Jacqmin
Après une fuite ayant conduit à l’annulation de l’épreuve d’histoire du CESS (Certificat d’enseignement secondaire supérieur), voici ce soir qu’une autre fuite apparaît pour l’examen de néerlandais du CE2D, examen de fin de 4e année du secondaire, pour le moment non obligatoire. Ça fait désordre. Mais finalement, personne ne semble se poser la question iconoclaste et pourtant fondamentale : à quoi bon toutes ces « épreuves externes » ?
La Communauté française de Belgique est à cet égard un phénomène totalement unique dans le monde. La Belgique l’était déjà en son temps : depuis des lustres, il n’existait dans le système éducatif belge aucune épreuve de certification externe. Les élèves étaient bien certifiés en fin de leurs études primaires ou secondaires. Mais la décision de certification appartenait aux équipes éducatives locales qui organisaient le processus d’évaluation en fonction de leur réalité et de celles des élèves. Il existait bien sûr une procédure officielle d’homologation, mais celle-ci était plus formelle qu’autre chose.
Puis, vinrent les épreuves PISA, avec des résultats catastrophiques. La caractéristique essentielle du système éducatif francophone belge était une « distribution bimodale » des résultats. Cela signifie qu’il y avait pas mal de bons, voire de très « bons » élèves. Mais à côté de cela, il y avait aussi beaucoup, voire très beaucoup de « mauvais » élèves. Ceux-ci faisaient vachement descendre la moyenne et la Communauté française de Belgique se montrait ainsi un des cancres des pays de l’OCDE. Il fallait réagir. On est bien d’accord là-dessus.
La solution qui a été trouvée et qui est mise en œuvre aujourd’hui – non sans difficulté ! – est de multiplier les thermomètres. On a donc instauré toute une série d’épreuves externes permettant d’évaluer les mêmes compétences chez tous les élèves et censées donc harmoniser les niveaux de maîtrise. L’introduction fut progressive, en passant d’une passation facultative et volontaire à une passation obligatoire seule à même de délivrer les certificats : CEB pour la fin du primaire, CE1D pour la 2e année du secondaire, CESS pour la fin du secondaire et CE2D pour la 4e année du secondaire.
Cette obsession de l’évaluation externe – partagée apparemment par tous les partis du paysage politique belge – est à contre-courant de ce qui se passe un peu partout dans le monde. Même la France, où le Bac est une véritable institution républicaine, a supprimé l’évaluation externe à la fin de l’école primaire et a introduit un contrôle continu jouant un rôle actif dans la décision de certification. Quant à la Flandre, la situation est simple : ce sont toujours les équipes éducatives locales qui sont responsables du processus d’évaluation certificative, ce qui n’empêche pas le système éducatif flamand d’être parmi les plus performants de l’OCDE. Sans compter que les pays nordiques, dont la Finlande, sont reconnus comme les meilleurs européens en matière d’enseignement, en absence totale de système systématique d’évaluation !
Ce qui est iconoclaste, ce n’est pas la question sur la pertinence de ces examens externes. C’est leur existence ! Ils ne servent à rien et certainement pas à réduire les disparités entre les différentes écoles ou réalités éducatives. En fait, ils ne servent qu’à dépenser de l’argent, qu’à stresser les élèves, les parents et les enseignants, qu’à susciter des imbroglios tels ceux qui se révèlent aujourd’hui. Il est cependant illusoire de croire que, grâce à eux, on pourrait d’une quelconque manière harmoniser vers le haut le niveau de compétences des élèves francophones belges. Ce ne sont que des thermomètres qui ne règlent en rien les maladies dont souffre le système éducatif de la « Fédération Wallonie-Bruxelles ». Ces maladies sont profondes. Elles sont sans doute d’ailleurs plus des maladies de notre société que celles de notre système éducatif. Relevons quand même que ces maladies sont, entre autres, liées à la réalité sociale très disparate et très sélective, au manque de clarté des attendus éducatifs, à l’incohérence des orientations et des moyens mis en œuvre par les autorités et – mais c’est sans doute tout à fait iconoclaste de le penser, de le dire et de l’écrire – aux compétences et à la motivation d’une bonne partie du corps enseignant.
Ces difficultés ne trouveront pas de solution durable en un tour de mains. Il y a un travail de fond à réaliser, si possible sans états d’âme. On n’est pas près d’y arriver. En attendant, selon moi, la première chose à faire serait de supprimer purement et simplement toutes ces évaluations externes, surtout les « obligatoires ». Cela permettrait de dégager beaucoup de temps, d’énergie et d’argent qui pourraient avantageusement bénéficier au véritable défi de tout système éducatif : que les élèves apprennent et s’engagent dans une véritable démarche d’apprentissage !