Chronique « Amère Russie (T2) »
Scénario de Aurélien Ducoudray, dessin de Anlor,
Public conseillé : Adultes/adolescents
Style : Drame historique
Paru aux éditions « Grands Angles », le 6 juin 2015, 46 pages, 13.90 euros
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L’Histoire
la fin du premier tome, Ekaterina Kitaev a rejoint les civils tchétchènes qui vivent dans les ruines. Dans une scierie abandonnée, elle a rencontré Bassaiev, le leader des indépendantistes. Mais malgré sa parole donnée, ce “monstre” ne lui a pas rendu son fils Volodia. Ne cédant sur rien, il l’a fait enfermer avec un autre jeune soldat russe aveugle.
Voyant dans ce duo (“la mère courage” et l’ersatz de fils) une potentielle monnaie d’échange, le vieux maître de guerre les garde en prisonniers.
Les voici partis pour Grozny, écrasée sous les bombes russes. Ils sont installés dans “L’immeuble des aveugles”, entourés d’une galerie de portraits improbables…
Ce que j’en pense
Voici la suite (et fin) de cette belle mini série dramatique décalée. A la fin du premier tome, nous avions laissé Ekaterina, “mère courage”, en panne de sa quête insensée. Partie chercher son fils Volodia auprès de Bassaiev, elle se retrouvait isolée, en territoire hostile, mais surtout sans fils à l’’horizon, ni espoir. D’ailleurs, de la bouche même de Bassaiev’, les choses ne pouvaient être pires. L’armée Russe ne souhaite plus faire d’échange.
Avec ce nouveau tome, la situation change. Ekaterina, emprisonnée parmi les rangs des indépendantistes, devient gardienne involontaire d’un jeune soldat aveugle.
Profitant d’un moment de “calme relatif” (sous les bombes russes quand même), Ducoudray développe son petit monde. Refusant de prendre pas parti dans le conflit (tous les militaires ou miliciens ont l’air de grosses brutes) il décrit toute l’absurdité de la guerre, dans Grozny en ruines.
Dans cette vie quotidienne dé-construite, il nous offre une véritable galerie de portraits de survivants, aussi décalés les uns que les autres. Dans “L’immeuble des aveugles” s’entassent de vieux combattants tchétchènes un peu gâteux, des gamins qui ne pensent qu’à jouer à “Bomberman” sur leur console Nintendo, un rescapé qui se balade avec une chaise sur la tête pour se protéger des bombes… Tout un petit peuple piégé dans une situation aussi ironique que dramatique. Les dialogues légers et naïfs insufflent une ambiance originale, parfois comique (de situation), parfois cruelle et violente.
Ekaterina, la maman russe, traverse ce paysage improbable totalement ruiné, sans se poser de questions. Sûre de son bon droit (puisque Bassaiev’ a promis !) et remplie d’une foie inébranlable, elle semble certaine de parvenir à son but. Ce portrait de femme forte et fragile à la fois est parfaitement incarnée par le dessin semi-réaliste d’Anlor. Cette jeune dessinatrice, découverte dans “Les Innocents coupables”, fait un travail remarquable.
J’ai eu la chance de découvrir ce second tome dans la très belle intégrale en Noir et Blanc qui vient de paraître. Même si je pensais déjà beaucoup de bien des planches d’Anlor, les découvrir en Noir & Blanc et en grand format fut une vraie révélation.
Parfaitement lisible malgré l’absence de couleur, cette version révèle toute l’expressivité de son trait. Trognes des personnages, matières et encrage, le résultat visuel est de grande qualité. Un “petit bijou” que je ne pourrais que vous conseiller.
Coté ambiance, Anlor a du boulot sur la planche avec ce second tome. Ville à demi détruite, elle joue avec les masses de noir et blanc. Seul bémol, la mise-en-scène assez dense (de 7 à 10 cases par planches) ne lui laisse souvent qu’une place minimale d’expression. Mais quelque soit les contraintes scénaristiques, Anlor s’en sort Haut la main.
Bravo au duo d’auteurs, impeccables !
Cet article fait parti de « La BD de la semaine », hébergé chez Noukette, cette semaine.