La Métamorphose de Lévinas

Publié le 16 juin 2015 par Marcel & Simone @MarceletSimone

Mélopées tournoyantes, vertiges vocaux, canons hybrides, pizzicati métalliques, ascensions mystiques et sourdes turpitudes résonnent sur les murs blafards de la chambre invisible ; les volutes chantées rampent sur le velours hérissé des fauteuils, portés par un orchestre et une ingénierie informatique dont l'écho bourdonne dans la voûte intime de l'Athénée : c'est La Métamorphose de Michaël Lévinas, œuvre créée en 2011 à l' Opéra de Lille, que vous êtes sur le point de rater.

Point d'humour dans cette adaptation du roman de Franz Kafka. On aime la crudité de la mise en scène (signée Nieto), hyper figurative, le cancrelat prisonnier dans cette peau beige qu'on imagine visqueuse, les miroirs démultipliant la bestiole, le père-conquistador caparaçonné dans son armure, la mère mi-lait mi-lumière, la sœur qui tournicote tel un derviche, défigurée par une armada de masques, le trio de bouffons difformes, cousus aux fesses et coiffés d'entonnoirs...

La musique luxuriante, asphyxiante comme un mauvais cauchemar, ménage de nombreux moments de grâce lyrique. Il y a quelque chose de religieux dans ces constructions chorales, dans l'attitude de Gregor Samsa qui ne cesse d'aimer les siens malgré leur mépris dégoûté et dans ce "happy ending", presque moralisateur. L'orchestre du "Balcon", sous la baguette de Maxime Pascal, est lui-même un mille-pattes frénétique, passant des harpes caressantes aux percussions haletantes et des cordes sifflantes aux cuivres grinçants. Le tout amplifié, modulé, malaxé, touillé par des ordinateurs. C'est rare, et ça vaut le détour ; le réveil n'en est que meilleur.