Il y a des actions si belles que les dieux en tombent des nues. C'est le cas d'Alceste au sacrifice si sublime que toutes ces vieilles vanités en ont l'œil humide.
Pour rendre une histoire aussi folle aussi « démesurée » pour comprendre cette catabase effroyable, Olivier Py a usé des armes de la poésie et sans doute cela déplaira-t-il à beaucoup qui ne verront dans sa démarche qu'abstraction formelle et vacuité intellectuelle.
Pourtant ,quoi de mieux que l 'éphémère d'un tableau noir, pour suggérer l'Ananké, le destin implacable, le temps qui passe ou la musique qui sauve ... Quoi de mieux pour simuler l'évanescence des choses et faire en sorte qu'une méditation sur la mort ne soit trop empreinte de souffrance... C'est bien le moindre qu'on puisse attendre du chrétien Olivier Py qui prend le risque de mettre en parenthèse l'éternité , de la brader pour la fugacité des êtres et nous faire échapper à une danse trop baroquement macabre .
Car sa méditation sur la mort , le tableau noir où cinq dessinateurs tracent à la craie des figures de la camarde est une manière de mémento mori apaisé, où celle-ci apparaît dans des choses qui ne sont pas forcément morbides, comme un dessin qui s'estompe, une bougie qui s'éteint. La vraie vie est-elle donc un songe à ce point?
Ue méditation sur la mort
Heureusement tous les dieux ne se réjouissent pas forcément du spectacle des humains jetés aux enfers. Un Hercule d'opéra bouffe (dans la nouvelle version c’est Stéphane Degout qui remplace Franck Ferrari) sauvera Alceste, femme d'Admète sacrifiée volontaire au séjour infernal où la pousse un Apollon échangeur d'âmes. Christophe Willibald Gluck en son temps voulait resserrer l'histoire et ses librettistes parvinrent à une épure qui n'autorisait aucun cabotinage.
L'exquise simplicité d'Alceste est ici traduite dans la pureté voulue par ses auteurs. Stanislas de Barbeyrac (décidément très en vogue), icarne Admète , héros de la catabase.
Musicalement l'autodidacte Gluck ne cède rien. Calzabigi son librettiste et complice a théorisé le renouveau. Secousses et effroi dès l'ouverture. Récitatifs réduits à la portion congrue. Passages merveilleux comme ce « Divinités du Styx » immortalisé par Callas(elle, a rencontré l'éternité), et que Véronique Gens après Sophie Koch sublime à son tour. C'est qu'Alceste n'est pas une œuvre facile. Laissons donc un peu de temps à Marc Minkowski et aux musiciens du Louvre de ce qui est déjà un très beau spectacle avec de jeunes chanteurs remarquables issus du sérail de l'atelier Lyrique de l'opéra comme Marie-Adeline Henry, Stanislas de Barbeyrac ou Florian Sempay. A noter la grave sûre de François Lis (« Caron t'appelle »)...et aussi la présence étonnante du baryton canadien Jean-François Lapointe émissaire d'un Apollon bien peu apollinien dont la prestance et la distinction séduisent au plus fort de la noirceur.
Direction musicale Marc Minkowski Musique de Christoph Willibald Gluck(1714-1787)
Stanislas de Barbyrac Admète Véronique Gens Alceste Stéphane Degout Le Grand Prêtre d'Apollon/Hercule
Choeur et Orchestre des musiciens du Louvre Grenoble
A l'Opéra Garnier jusqu'au 15 juillet 2015 .